LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Adama Rouamba, cinéaste : "Le FESPACO n’a rien à envier au festival de Cannes”

Publié le lundi 21 février 2005 à 07h54min

PARTAGER :                          

Venu au cinéma « par passion », comme il le dit, Adama Rouamba fait aujourd’hui la fierté du Burkina Faso. Toujours présent au FESPACO avec au moins un film, il nous a rendu une visite surprise le lundi 24 janvier dernier.

L’occasion faisant le larron, nous lui avons posé quelques questions relatives à son métier au prochain FESPACO.

Qui est Adama ROUAMBA et comment es-tu venu au cinéma ?
Adama ROUAMBA (A.R) : Je suis réalisateur, Burkinabè... et je fais du cinéma depuis une dizaine d’années... Qu’est-ce que je peux dire en plus ? Alors depuis pratiquement douze ans, je suis dans le milieu.

Mon premier court-métrage est sorti en 1995. Le film traitait déjà de la situation que vivent actuellement les Burkinabè en Côte d’Ivoire. Il avait pour titre « Yango », l’émigration en somme. Alors ce qui m’a amené à faire du cinéma, je peux dire que c’est la passion du métier. Dans le domaine artistique, c’est plus la passion qui doit primer que toute autre chose, plus que d’ailleurs le circuit académique. Je crois qu’il faut avoir d’abord l’amour du métier. C’est un domaine complexe et compliqué et il faut d’abord avoir l’envie de se battre pour réussir.

Quels sont les thèmes traités, dans tes films ?

A.R : Comme je l’ai dit, mon premier film un court-métrage, traitait sur la situation des Burkinabè en Côte d’Ivoire.
Ensuite les autres films traitaient, entre autres, de l’enfance en difficulté.
On remarquera certainement que les sujets sur l’enfance me préoccupent et je n’hésite pas en parler dans mes films.

As-tu eu une enfance difficile, pourquoi ce choix dans tes films ?

A.R : En fait mon film sur les enfants en difficulté est la résultante d’une rencontre fortuite que j’ai eue avec un enfant qui vivait dans la rue, sur le boulevard « Charles De Gaulle ». J’ai donc sorti le film « Garba » et après j’ai décidé d’en faire une trilogie avec « source d’histoire » qui traitait de la question des enfants soldats dans les conflits en Afrique. Je suis passé maintenant à autre chose.

Combien de films as-tu à ton actif ?

A.R : Si je veux parler des films qui ont dépassé les frontières du Burkina, en dehors de ceux que je fais pour « amuser la galerie », je peux dire que j’ai à mon actif cinq (5) films. Des films qui ont été primés, des films qui ont été vus au-delà des frontières.

Parmi ces films, combien ont été primés au FESPACO ?

A.R : Tous mes films ont été primés au FESPACO. Et le plus gros prix, c’était le grand prix du court métrage que « Source d’histoire » a remporté au dernier FEPACO. Je crois que tout ce que j’ai présenté au FESPACO ont été primés. D’un côté, je peux dire que je suis un réalisateur comblé. Comblé parce qu’on arrive au moins à voir mes films et c’est déjà très important. Et le public « accepte » mes films. Le souci premier d’un réalisateur, c’est de faire de bons films, que le public accepte et qui circulent.
Mes films sont acceptés, ils circulent bien.
Je peux même dire qu’à Paris au niveau de ma boîte de production, mes films ont été les plus distribués par rapport à tous les films produits par la maison qui existe depuis 15 ans.

Revenons au dernier FESPACO. A la remise des prix, à l’appel de ton nom pour recevoir ton prix, tu as fondu en larmes. Qu’est-ce qui s’est réellement passé, tu ne t’attendais pas à ce prix ?

A.R : Eh... bon... ce n’est pas parce que je ne m’attendais pas à ce prix, puisque j’ai été plusieurs fois primé. Le « gros » problème est parti du fait que le film primé avait 90% de chance pour ne pas dire de malheurs de ne pas être présent au FESPACO passé. J’ai rencontré de gros problèmes. J’ai beaucoup réfléchi.

Si le film n’était pas là, bien évidemment il n’allait pas être primé. Si il ne venait pas aucun film burkinabè n’allait être primé, puisque j’étais pratiquement seul.
Ce qui veut dire qu’on organise le FESPACO et on en sort les mains vides. Alors que le film primé était bloqué par manque de financements pour le terminer à Paris. Toutes les portes que j’ai frappées sont restées fermées. Même au niveau du Burkina, personne n’a voulu m’aider à le terminer, toutes les portes étaient hermétiquement fermées. Même au niveau du Burkina, j’ai insisté !
Néanmoins il y a eu quelques personnes de bonne volonté qui me sont venues en aide quand j’étais à Paris en train de me battre pour finir le film.

C’est donc grâce à elles et à certains prêts que j’ai eus que le film a pu être finalisé et envoyé au FESPACO. Quand je pense que certaines personnes pouvaient m’aider et elles ne l’ont pas fait... En fait c’est tout ça,
Cette douleur que j’ai eue pour « enfanter » le film qui est ressortie sous forme de larmes le jour de la remise des prix au FESPACO dernier. C’est difficile à expliquer...

Quelle appréciation fais-tu du FESPACO ?

A.R : Je pense que le FESPACO est une vitrine incontournable du cinéma africain et même du cinéma de la diaspora et du monde entier.
C’est un festival, je le dis et je le répète, qui a la même envergure et le même engouement que le festival de Cannes. Le FESPACO en réalité n’a rien à envier au festival de Cannes. La différence est que financièrement le FESPACO n’est pas indépendant et n’a pas le budget de celui de Cannes ou de Berlin, sinon en réalité je ne vois pas où le FESPACO peut envier ces festivals.

Que gagne un film primé au FESPACO ?

A.R : Le FESPACO est d’abord un tremplin et un film sélectionné est sûr d’être vu par les directeurs des festivals, c’est déjà important.
S’il est primé, le film a alors une double chance. Celle d’être sélectionnée pour d’autres festivals et la chance d’avoir plusieurs promotions.

Parle-nous de ton film en compétition pour le FESPACO 2005 et qui a pour titre « Rencontre en ligne »

AR : C’est un film un peu atypique.
C’est vraiment une expérience pour moi parce que c’est un film sans dialogue que j’ai écrit et l’Union européenne qui a aimé le sujet l’a financé. J’ai eu un soutien aussi de la part de la Francophonie. C’est un court-métrage qui était prévu pour 13mn et il a été « concentré » pour 12mn. J’ai donc rendez-vous avec les cinéphiles pour la découverte de ce film pendant le FESPACO.

D’une manière générale, quelle appréciation fais-tu du cinéma burkinabè ?

A.R : Le cinéma burkinabè pour être honnête n’est pas encore sorti du « trou ». Il faut le dire !
Mais, bon... on sent que ça bouge un peu avec bien sûr beaucoup de difficultés. Peut-être avec l’arrivée du numérique, cela va donner plus de possibilités à ceux qui avaient des difficultés pour tourner, parce que tourner en pellicule, ce n’est pas de l’amusement.

C’est vrai qu’aujourd’hui, on constate une floraison de films. Mais il faut faire beaucoup attention pour ne pas en être victime. On a donc floraison de réalisateurs, mais il faut œuvrer à assainir le milieu parce que, on risque d’être à la fin débordé et tombé dans les mêmes problèmes que le Nigeria ou le Ghana aujourd’hui, qui dans les années 80 étaient des locomotives du cinéma africain.

Aujourd’hui, le cinéma nigérien n’existe presque plus, c’est une consommation locale. Les réalisateurs nigérians aujourd’hui pour « s’exprimer » sont obligés de s’expatrier. Je prends le cas d’un ami Newton ADUAKA du Nigeria qui vit actuellement en France et qui a même un film en compétition pour ce FESPACO et qui a déjà été primé à l’une des éditions. Il faut donc faire beaucoup attention avec la floraison à gauche et à droite des réalisateurs et des films.

Il faut donc résoudre ce problème et maintenant avec l’arrivée du numérique on peut faire du bon travail.
Le numérique a apporté vraiment un plus. Si je prends l’exemple sur mon film en compétition « Rencontre en ligne » c’est un film de 12mn. Il coûtera quand il va finir pas moins de 30 millions de FCFA. S’il était tourné en numérique, il coûtera vraiment moins. Alors, souvent il faut vraiment faire un choix mais ce sont les conditions qui guident le choix à faire.

« Formation et enjeux de la professionnalisation », tel est le thème du FESPACO 2005.
Que t’inspire ce thème ?

A.R : Ce thème est d’abord pour moi une vision.
Une vision prospective, je crois que ceux qui ont choisi ce thème ont senti venir la question du numérique. Et ils ont senti que si on n’y prend pas garde, n’importe qui peut se lever et dire qu’il est réalisateur à travers deux ou trois images sur CD-Vidéo. Ce ne sera pas un plus pour le FESPACO si on arrive à cela. Le FESPACO a donc intérêt à ce que le milieu soit professionnalisé et qu’on retrouve un cinéma pûr de l’époque des Gaston KABORE. Le thème est donc bien choisi et je souhaite qu’à la fin de ce FESPACO, des initiatives soient prises pour la formation et la professionnalisation des réalisateurs burkinabè et africains.

Tu es actuellement en tournage. Peux-tu nous parler de ce film ?

A.R : C’est une série, genre sitcom que j’ai intitulé « célibatérium ». Il traite de la vie dans le célibatérium, la cohabitation, les problèmes avec les bailleurs et les voisins. Nous sommes tous passés par les célibateriums n’est-ce pas ? Chaque épisode est consacrée à l’un des occupants du célibatérium. C’est vraiment un monde d’amalgames où on rencontre du tout.
Je dois ajouter qu’en dehors de ce sitcom, j’étais aux USA pour le tournage d’un documentaire intitulé « US-Dream » le rêve américain en fait.

Une partie est tournée au Burkina et l’autre aux USA.
Dans ce documentaire, je parle du problème de l’émigration vers les USA, plus précisément à New-York.
Après le FESPACO, j’y retourne pour finaliser ce documentaire.
Il va décrire comment les Burkinabè vivent aux USA. Mais je vous avoue que ce n’est pas toujours l’eldorado, comme on le croit.

Quel appel as-tu à lancer aux plus jeunes qui voudraient faire du cinéma comme Adama ROUAMBA ?

A.R : Comme appel, je dirais que seul le travail paie. En matière de cinéma, comme dans tous les métiers, il ne faut pas sauter de coq à l’âne. Il faut bosser.
Moi j’ai commencé comme garçon de café sur les plateaux de tournage, j’y ai passé 4 à 5 ans pour apprendre. D’ailleurs je continue d’apprendre. Il faut donc aller doucement pour pouvoir grandir.
Comme on le dit, le petit serpent a besoin de se cacher pour grandir. Si vous avez remarqué, on voit rarement un petit serpent. C’est pour avoir la chance de grandir qu’il se cache. C’est ce conseil que je peux donner aux plus jeunes. En plus dans la vie, il faut toujours être humble.

L’Opinion

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique