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Raymond Edouard OUEDRAOGO : « Certains journaux ne pèsent que le poids des chansons qu’ils veulent bien dédier à leur créateur ou inspirateur »

Publié le lundi 21 octobre 2013 à 23h35min

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Raymond Edouard OUEDRAOGO : « Certains journaux ne pèsent que le poids des chansons qu’ils veulent bien dédier  à leur  créateur ou inspirateur »

14 octobre 2013. 18h30. Raymond Edouard OUEDRAOGO, REO pour les intimes, nous accueille en sa demeure à Ouaga 2000. Nous le rencontrons à la faveur des premières Journées d’Etudes en Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (JESTIC) qui se tiennent du 08 au 09 novembre 2013 à Ouagadougou. Ce journaliste de haut rang a blanchi sous le harnais et a gravi plusieurs échelons. C’est ainsi qu’il a entre autres été Directeur de la radiodiffusion, Ambassadeur du Burkina Faso à Pékin et à Tokyo, Ministre de l’information, Gouverneur de la Région du Centre-Sud… Dans sa carrière de journaliste, il en a connues des vertes et des pas mûres. Mais REO garde ses convictions intactes. Celles de ne jamais marchander sa liberté de conscience et d’action : « Je n’ai jamais quémandé un poste. On m’a toujours fait appel pour mes compétences ».

Face aux insuffisances constatées au niveau des professionnels de l’information et de la communication, il en appelle à un sursaut car « on ne peut plus servir n’importe quoi au public ». De son expérience de journaliste, des responsabilités qu’il a assumées, de son analyse critique sur le fonctionnement des médias burkinabè, des JESTIC, du Sénat,… Raymond Edouard OUEDRAOGO parle sans ambages avec parfois la précision d’un métronome. L’homme est convaincu d’une chose : « On ne peut pas s’enfermer dans cette monotonie en prétextant faire du journalisme. Si c’était comme cela que moi j’avais perçu ce métier, je me serais prédestiné à la culture des arachides. » Interview.

LE STRATEGE : Journaliste, vous avez été directeur de Radio Burkina de 1987 à 1990. Comment êtes-vous venu au journalisme ?

Raymond Edouard OUEDRAOGO : Il y a parfois des signes annonciateurs. Tenez : dans les années 70, lorsque j’étais élève au collège d’enseignement général de Kaya, il m’était arrivé, pendant mes vacances d’été à Gorom-Gorom, de prendre le mégaphone et de jouer au chroniqueur sportif à l’occasion des rencontres sportives et singulièrement en football qu’organisaient alternativement les jeunes de là-bas avec leurs amis maliens d’Ansongo.

Plus tard, admis à l’Ecole normale d’instituteurs et d’institutrices de Ouagadougou, mes condisciples m’offrirent l’occasion de diriger le journal de l’école qui s’appelait « Le Bourgeon » et dont la devise était de « former pour être formé à son tour ». Je ressentais déjà le journalisme en moi. Cette école avait donc vocation à former des enseignants mais j’avais pu néanmoins passer le concours d’entrée au CESTI (Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information, ndlr) de Dakar en ayant même le toupet de m’adresser à l’administration de l’établissement pour la constitution de mon dossier.

A l’époque, mon directeur d’école, un tantinet paternaliste mais homme de bon cœur, apprécia peu ce culot mais me fit délivrer néanmoins un certificat de scolarité, estimant ne pas croire à mes chances de réussite. Toutefois, à l’annonce de mon admission, c’est lui qui me fit rechercher par tous les moyens pour m’annoncer la bonne nouvelle !

Me voici donc embarqué pour le CESTI de Dakar en octobre 1976, avec un Bac D.

Franchement, je m’étais toujours demandé si je pouvais faire autre chose que ce beau métier, le seul à mon humble avis où l’on meurt jeune à 105 ans, voire davantage. N’a-t-on pas dit que le journaliste est l’historien du présent ? Et un historien du présent est immortel d’une certaine façon.

Comment êtes-vous arrivés à la radio ?

Lorsque je suis arrivé dans cet institut puisque j’avais des prédispositions pour le parler, je me suis naturellement orienté dans la section audiovisuelle. J’ai quitté le CESTI nanti d’un diplôme supérieur de journalisme en radiotélévision. Quand je suis rentré au pays en octobre 1979, j’ai commencé par la radiodiffusion. C’était oublier que quelques mois auparavant, on avait scindé la Radiodiffusion-Télévision Voltaïque en deux entités. La première, c’était la Radiodiffusion nationale de Haute-Volta, la RNB. La 2ème, la Télévision nationale de Haute-Volta ou la Volta-Vision. On avait certes deux entités, mais il n’y avait pas de journalistes formellement affectés à la télévision. Ce sont les journalistes de la radiodiffusion qui s’arrangeaient pour présenter les journaux parlers et les informations télévisées le soir venu. Comme chaque structure veillait à son autonomie comme à la prunelle de ses yeux, la Directrice de la télévision à l’époque, Mme Odette SANOGO, avait fait des pieds et des mains pour avoir au moins un journaliste aux informations télévisées. C’est ainsi que le ministre Edouard TANI de l’Information a pris un arrêté m’affectant comme premier journaliste entièrement mis à la disposition de la télévision voltaïque : reporter, monteur, rédacteur, présentateur… tout y passait.

Quels sont les souvenirs (bons comme moins bons) que vous gardez de votre passage à la radio ?

« On avait envoyé des sbires me cueillir »

Oh, il y en aurait pour des montagnes. Mais comme il n’ya presque pas de montagnes dans notre zone, c’est sûr qu’il y en aurait au moins pour des collines. Les bons souvenirs, j’en ai à profusion.

Je me suis rendu un beau matin à la radiodiffusion pour le journal matinal. A l’issue de ma présentation, j’ai été pratiquement kidnappé par une délégation venue annoncer le décès de l’Honorable Mamadou OUEDRAOGO à Ouahigouya ; le père de l’illustre Commandant Moumouni OUEDRAOGO, ce parachutiste émérite disparu dans les circonstances rocambolesques que l’on sait, au cours d’un saut para dans son Ouahigouya natal.

J’ai été directement conduit à la base aérienne et embarqué sans autre forme de procès à bord du HS 48 pour le reportage à Ouahigouya. Ce fut un moment remarquable. J’y ai vécu des heures palpitantes de l’histoire de notre pays à travers celle du Yatenga où des icônes de la chose politique qui s’observaient en chiens de faïence à cause justement du profond malaise engendré par ce que d’aucuns n’hésitèrent pas à qualifier à l’époque d’assassinat maquillé du Commandant, ont réapparu dans la douleur se sont mises à se parler à nouveau. Intenses émotions !

A la télévision, je retiens que sous le CRMPN (Comité militaire de redressement pour le progrès national, Ndlr), il y a eu un mouvement social au niveau de l’Office des postes et télécommunication (OPT). Les travailleurs s’étaient mis en grève pour réclamer de meilleures conditions de travail et de vie.

Ce mouvement qui eut lieu fin avril-début mai fit l’objet d’une mesure punitive. Le ministre de la Fonction publique d’alors avait pris la décision de suspendre ces travailleurs-là. Dans mon journal télévisé, après m’être assuré que les agents de l’OPT n’avaient enfreint aucune disposition légale, je n’avais pas manqué de dire que cette suspension ressemblait à un licenciement qui ne disait pas son vrai nom. Ça n’avait pas plu à l’autorité.

Le lendemain, j’étais programmé pour un voyage d’études à Bordeaux en France et je m’envolai. Après mon départ, je reçus de Bordeaux un anxieux appel téléphonique d’un confrère bien connu m’indiquant que sur place à Ouagadougou, on avait envoyé des sbires pour me cueillir. Malheureusement pour ces éléments, ils sont arrivés trop tard à l’aéroport. Lui-même résidait à Bordeaux et était de passage au pays. J’ai lui dis que j’aurais voulu être là et être pris parce qu’on allait me fournir davantage d’arguments pour booster la suite de ma carrière.

Autre anecdote, relative à l’enregistrement du message du Chef de l’Etat à la nation dans la soirée du 04 août 1983. Savez-vous que ce discours a été enregistré à deux reprises ? Première reprise, après l’enregistrement, lorsque nous sommes repartis à la station, on entendait la voix mais il n’y avait pas d’images. A la 2è reprise, on avait les images, mais en fond sonore, c’était de la musique nationale qui passait. Etait-ce un mauvais présage ? Je n’en sais rien, mais tout le monde connaît la suite …

Au regard du contexte sociopolitique du moment, aviez-vous les coudées franches pour agir ?

Tout n’était pas aussi carré, aussi raide et aussi mécanique qu’on le dit. Une bonne dose de courage, d’intelligence et de professionnalisme pouvait toujours aider. Tenez : un jour, on m’a déposé en plein journal une cassette vidéo sur l’inauguration à Tougan du stade Aboubacar Sangoulé LAMIZANA. J’ai pris soin de dire aux téléspectateurs que je découvrais les images et le son en même temps qu’eux et que la cassette m’ayant été remise sur instruction, ils pouvaient comprendre aisément que je ne maitrise pas des éléments dont je n’ai pas eu connaissance auparavant.

Sur ce terrain, nous avions des espaces à exploiter. Même aujourd’hui, il y a encore de grands espaces. Ce que je n’arrive pas à comprendre c’est qu’on ait de moins en moins de journalistes courageux et je pèse mes mots. Quand vous êtes devant le micro à la radiodiffusion, devant la caméra à la télévision, quand vous attrapez votre plume au niveau du journal, à qui pensez-vous d’abord ? Aux millions de Burkinabè et par-delà les Burkinabè aux autres peuples du monde ou pensez-vous simplement à un groupe d’individus, dut-il être puissant et riche ? A ce niveau, toutes proportions gardées, il me semble que la plupart d’entre nous savaient faire preuve de plus d’initiatives à l’époque, en restant très professionnels. Par définition, toute liberté a besoin d’être arrachée. Aucune liberté n’a jamais été offerte sur un plateau d’argent, à fortiori d’or. Que des gens ne veuillent pas se ‘’mouiller’’ aujourd’hui pour faire plaisir aux seigneurs du jour en travestissant leur noble métier, c’est bien dommage. Après, ils viendront se plaindre d’être mal accueillis, voire maltraités par le public lorsqu’ils vont sur le terrain ! Fort heureusement, je suis fier d’entendre quelquefois des choses intéressantes sur des radios, de voir et d’entendre des productions sérieuses sur des chaînes de télévision, de lire ce que je lis dans certains journaux. Je pense que ceux-là travaillent vraiment pour le Burkina et méritent des lauriers.

Après la radio, vous avez été Ambassadeur à Pékin et à Tokyo, Ministre de l’Information et Gouverneur de région à Manga. La maxime « Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir » s’est donc vérifiée avec vous…

« Je n’ai au grand jamais demandé un poste dans ce pays et c’est mieux ainsi »

Vous me rafraichissez la mémoire avec une citation de Jules Janin. C’est bien juste. Je m’honore de dire, toute fausse humilité mise à part, que j’ai été ambassadeur à Pékin et à Tokyo de par la seule volonté d’un homme : le Président du Faso qui a sans doute estimé que j’avais les capacités pour accomplir cette mission et qui a dû prendre en compte l’équation personnelle. Je lui en sais gré.

On m’a fait rentrer de Tokyo pour me confier le ministère de l’Information en 2002. Je suis éjecté du gouvernement en 2004. Entre 2004 et 2008, je suis resté sans affectation jusqu’à ce que je sois nommé Gouverneur de la Région du Centre-Sud, du temps où le brillant Premier ministre Tertius ZONGO était aux affaires.

Le dicton que vous avez utilisé peut s’appliquer à ma modeste personne peut-être avec la nuance que chaque fois que j’ai été appelé aux responsabilités, c’est de façon volontaire et discrétionnaire que l’autorité m’a fait appel. Je n’ai jamais, au grand jamais quémandé un poste dans ce pays et c’est peut-être mieux ainsi.

Avec le recul, avez-vous le sentiment d’avoir servi votre pays du mieux qu’il se devait ?

Je pense honnêtement que oui. Cela ne veut pas pour autant dire que tout a été parfait. J’ai pu avoir des insuffisances mais ma conscience est limpide. On parle aujourd’hui de Singapour, de la Malaisie, de l’Indonésie. Ce sont des pays avec lesquels nous avons établi des relations diplomatiques à l’époque où j’étais à Pékin ou à Tokyo et je m’en réjouis.

La stèle de la paix d’Hiroshima est arrivée au Burkina dans un contexte particulièrement trouble, au lendemain des tristes événements de Sapouy ; encore que le Burkina figurait parmi une cinquantaine de pays qui sollicitaient cette stèle. Les autres ont dû attendre.

Le Japon a ouvert son ambassade ici en 2009 au moment même où, je ne saurais vous dire pour quelle raison, le Burkina n’avait plus nommé d’ambassadeur à Tokyo depuis 2002. Evidemment, l’arrivée de nos amis nippons ne s’est pas décrétée en un jour, eux étant connus pour leur sens élevé de l’organisation et de la méthode. Savez-vous que là également, il y ‘avait plus de 40 pays qui étaient demandeurs d’ambassade du Japon lorsque je quittais l’Empire du Soleil-levant ?

La télévision nationale a fêté son cinquantenaire en août 2013. Pour avoir été ministre de l’information, 50 ans après, avez-vous le sentiment que la télévision répond réellement aux attentes des téléspectateurs ?

« Vous ne pouvez pas être une vedette si vous n’êtes pas capable de vous élever au-dessus des pâquerettes »

Nous avons des professionnels de plus en plus mieux formés au niveau des différents medias et c’est à leur honneur. Incontestablement, nous avons de jeunes confrères et consœurs qui ont fait de meilleures études que la plupart d’entre nous. Objectivement donc, au niveau de la production, ils devraient faire plus que nous n’en avons fait à l’époque. Toutefois, au regard des constats que je fais sur le terrain, je suis obligé de rester sur ma faim par rapport au rendu. Dans le temps, lorsqu’on parlait de présentateur ou de présentatrice vedette, ce n’était pas volé, même si ce vedettariat ne nourrissait pas son homme ou sa femme. Evidemment, vous ne pouvez pas devenir une vedette si vous n’êtes pas capable de vous élever au-dessus des pâquerettes Si vous restez en basse altitude, vous serez dans une marre compacte où tout est homogène.

A l’occasion du cinquantenaire de la télévision, j’ai eu le privilège de faire partie de ceux-là qui ont apporté un certain nombre de contributions en matière de collecte, de traitement, de rédaction, de présentation des informations, etc. Qui peut me dire aujourd’hui, laquelle de ces contributions a été prise en compte par les professionnels ?

Je souhaite pouvoir le rappeler une fois pour toutes, après l’avoir appris moi-même auprès de respectables devanciers : dans notre métier, la forme importe autant que le fond.

On continue de vous dire « le Burkina Faso et le Ghana » alors que vous êtes à un séminaire où, sous votre barbichette et votre nez, on a placardé « Le Burkina Faso et la République du Ghana ». Une présentatrice qui se mue en supportrice zélée des Etalons-Football et qui dit que « des supporters des Etalons ont quitté la Côte d’Ivoire pour le Faso » parce qu’elle est incapable de savoir que « Faso » n’est pas le nom du pays. C’est dans le même registre qu’on vous parlera de la « Première dame du Faso ».

Vous entendez souvent dire « Telle manifestation s’est déroulée en présence de notre reporter ». Je ne sais pas quelle école de formation en communication dispense de tels ‘’lancements’’, de telles incuries ? J’en doute d’ailleurs mais hélas, chaque jour que Dieu fait, c’est comme cela.

« Vous ne pouvez pas continuer de baigner dans l’uniformité terreuse et vous étonner d’être intimidé et vilipendé par la population »

Notre rôle en tant qu’aînés, c’est d’aider la jeune génération à mieux faire, c’est de ‘’fabriquer des fils qui font mieux que leurs pères’’. Vous ne pouvez pas continuer de baigner dans l’uniformité terreuse et vous étonner d’être intimidé et vilipendé par la population. Les téléspectateurs, les auditeurs, les lecteurs sont de plus en plus avertis, instruits et ne ne sont plus disposés à consommer n’importe quoi.

Ces salamalecs qui frisent souvent le burlesque, ces remerciements à n’en pas finir, n’ont pas lieu d’être lorsqu’on reçoit quelqu’un sur le plateau de télévision. On n’a à remercier personne si tant est que dans la majorité des cas ce sont des gens même qu’on vous impose à l’antenne en rapport avec l’actualité. A contrario donc, passé le clin d’œil de courtoisie, c’est plutôt à l’invité de remercier le présentateur pour le coup de pouce dont il a gracieusement bénéficié, certains contenus relevant franchement de la publicité gratuite !

Bien entendu, il ne s’agit pas de tout peindre en noir, puisqu’il y a des cas encourageants. Il n’empêche, je rêve d’une nouvelle race de communicateurs et de journalistes qui vont traiter et diffuser autrement l’information au service du peuple.

Illustration : « Ouaga 2000 » est un joyau et les Burkinabé peuvent s’enorgueillir à juste raison. Quand vous êtes à l’intérieur de la « Salle des banquets » ou de la « Salle de conférences », c’est merveilleux et les organisateurs des manifestations mettent toujours un point d’honneur à ce qu’il en soit ainsi.

Seul bémol, allez-y jeter un coup d’œil à l’extérieur, dans la cour, et sauf réparation de dernière minute, vous y verrez encore des murs défraîchis, parfois lézardés, les fameuses fléchettes arrachées par endroits, des tas de ferrailles et autres immondices disposées çà et là dans les coins et recoins, suffisamment visibles pour tout passant jouissant d’une acuité visuelle même moyenne. J’ignore pourquoi notre télévision de service public est incapable de faire un reportage sur cette grosse vitrine qui se meurt, faute d’entretien sérieux. Il faut interpeller ceux-là qui sont chargés de ‘’cacher notre honte’’ à réagir. Apparemment, ça n’empêche personne de dormir.

Si vous êtes un organe de service public, le meilleur service que vous puissiez rendre au gouvernement, aux responsables, c’est d’aller montrer des choses qu’ils ne voient pas ou feignent de ne pas voir, en prenant le public à témoin, tout en vous dédouanant honorablement.

Par ailleurs, notre télévision, au jour d’aujourd’hui, gagnerait à être sur la même planète que ses consœurs de la sous-région et d’ailleurs, en proposant l’édition de la mi-journée à 13 H 00, pas à 13 H 15. C’est vraiment un cas d’incongruité !

« Ce qu’on fait aujourd’hui, c’est du journalisme officiel. Trop officiel. »

Après les dernières mesures gouvernementales au plan social, on aurait pu initier des reportages dignes du nom pour en mesurer l’impact réel au sein des populations, au lieu de se limiter aux simples et folkloriques « trottoirs » à brûle-pourpoint. Surtout dans un pays où le salaire sert à entretenir parfois un clan, une tribu…

On ne peut pas continuer de s’enfermer dans cette monotonie en prétextant faire du journalisme. Si c’était ainsi que j’avais perçu ce métier, j’aurais décroché et je me serais prédestiné à la culture des arachides ou faire autre chose.

Tout compte fait, on a l’impression que les choses avancent puisqu’aujourd’hui on parle de l’avènement de la télévision numérique de terre(TNT) dont l’échéance est fixée à 2015. Sera-t-elle à même d’améliorer l’offre télévisuelle ?

« Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes »

Les Anglais disent « Wait and see ». Je suis proactif dès lors qu’on parle de nouvelles technologies. Ce que j’attends de voir sur le terrain, c’est ce que ça va nous apporter. Nous ne sommes pas fondamentalement de ceux là qui s’enflamment trop rapidement en prenant des vessies pour des lanternes, mais qui préfèrent faire un seul pas mais un pas décisif et productif que de faire 10 pas quitte à revenir finalement en arrière. Pour le principe, j’adhère à l’avènement de cette nouvelle technologie. Ce que je souhaite par contre, c’est que nous prenions le temps de la tropicaliser pour faire la part des choses entre ce qu’on gagne et ce qu’on ne gagne pas avec la TNT. Partout ailleurs et pour des femmes et des hommes intelligents, comme nous le sommes au Burkina Faso, il y a ce qu’on appelle le principe de précaution. Je me rappelle encore comment dans les années 2000 on vouait officiellement les OGM aux gémonies ! Mais la suite, on la connaît et aujourd’hui, le Burkina est cité parmi les pays les plus « OGMISTES » du continent africain s’il n’est pas en tête de liste. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’il y ait eu ce retournement de veste ? Mystère et boule de gomme.

Le 16 juillet dernier, vous êtes apparu au sit-in des travailleurs des médias publics qui protestaient contre « l’immixtion des autorités dans le traitement de l’information ». Etait-ce une caution tacite à ce mouvement ?

Il me faut repréciser les choses. Il n’y a pas lieu d’en faire une baudruche ! J’étais de passage et j’ai constaté l’attroupement. Comme cet attroupement se passait au niveau de la maison commune, en l’occurrence le ministère de la Communication, je ne pouvais pas me dérober à cette tâche élémentaire de m’arrêter pour voir ce qui s’y passait. Bien entendu, par la suite, j’ai eu des échos, j’ai compris pourquoi il y’avait ce tumulte, ces réactions. La personne qui était indexée, me semble-t-il, c’était le Secrétaire général, Adama BARRO, qui est, à titre personnel, un ami. Comme lui-même a dit qu’il n’a jamais tenu les propos qu’on lui prêtait, pour moi, c’était largement suffisant. Si rien n’a été dit, donc rien n’a été dit. Mais si ça été interprété comme ayant été dit, je pense aussi que ça a été un signal fort pour prévenir tout dérapage aux conséquences souvent inimaginables.

Voyez-vous, par conviction et par principe, je suis de la religion de ceux-là qui voudraient qu’en 2013, on n’intervienne plus au niveau des médias publics de façon intempestive, si ce n’est dans un souci de rappel à l’ordre en vue d’encourager l’égalité et la justice dans le traitement et la diffusion de l’information.

Comment appréhendez-vous le rôle des médias publics dans un contexte de pluralisme médiatique ?

« On a toujours cette fâcheuse tendance à se comporter comme un medium de parti »

On a vu des journalistes de France 2 se montrer plus percutants face au Président de la République française que ne l’avaient été par exemple des journalistes de chaînes dites privées.

Chez nous, « Sidwaya » qui semble réussir sa mue en réalisant des prouesses, semble donner dans l’auto-flagellation en continuant de se définir comme étant « Le journal de tous les Burkinabè ». L’on n’aurait rien trouvé à redire si ce n’était une Lapalissade, comme si les autres journaux publiés au Burkina étaient des journaux pour tous les Gondwanais !

Les médias publics doivent être essentiellement au service du public c’est-à-dire de la population. Mais on a toujours cette fâcheuse tendance à se comporter comme un organe du parti au pouvoir. Quand le téléspectateur, l’auditeur ou le lecteur observe certaines maladresses, certaines informations mal rendues, très souvent, il se dit que les journalistes ont reçu des instructions fermes pour cacher la vérité au public, alors que dans bien des cas, à la décharge des autorités, il n’en est rien. Je pense qu’il y a une certaine peur bleue, une espèce d’autocensure qui s’exerce abusivement au niveau des journalistes eux-mêmes !

Je ne crois pas qu’on ait interdit à un journaliste de média public de s’intéresser de très près à une affaire comme celle dite de l’ancien DG de la Douane qui défraya en son temps la chronique.

J’ai également suivi la dernière fois avec intérêt la rencontre de Son Excellence Monsieur le Premier ministre entouré de membres du gouvernement avec la presse. Initiative louable dans la forme.

Dans le fond, le Premier ministre avait promis l’an passé, la main sur le cœur, de prononcer fin octobre 2012 des sanctions à l’encontre des personnes qui avaient pris trop de liberté avec la gestion des deniers publics. Un geste unanimement salué en son temps, en attendant de voir le maçon au pied du mur. On n’en a rien vu. J’ai été estomaqué de voir que mes confrères n’ont pas voulu ‘’tancer’’ le Chef du gouvernement sur cette promesse unilatérale non tenue. Et s’il n’a pu joindre l’acte à la parole, y a-t-il eu blocage ? Si oui, quelles conséquences logiques aurait-il dû en tirer ?

Mais non, on s’est contenté du service minimum et en procédant ainsi, j’estime qu’on ne rend service ni au Premier ministre, ni à la population, dans ce pays où la parole d’honneur devrait demeurer sacrée.

Que pensez-vous d’une initiative comme celle des Journées d’Etudes en Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication(JESTIC) dont la première édition se tiendra du ! au 9 novembre 2013 à Ouagadougou ?

« Je félicite les initiateurs des JESTIC »

J’en félicite les initiateurs. Croyez-moi, ce n’est pas pour faire dans le discours commun des platitudes éculées où on aime dire que si telle chose n’avait pas existé, peut-être aurait-il fallu la créer. Très honnêtement, je me dois de vous féliciter d’avoir eu la vista de lancer ces premières journées. Mon souhait est que le comité d’organisation puisse identifier des gens qui vont apporter des contributions hautement significatives de manière à faire progresser la communication dans ce pays. La faire progresser, ce n’est pas simplement de façon quantitative mais c’est aussi et surtout de façon qualitative.

Nous avons vraiment besoin de communicateurs qui fassent de la communication et non pas autre chose. Permettez-moi de souhaiter bon vent aux JESTIC qui j’espère, ne font que commencer. Mais faites en sorte que ces journées - c’est souvent le piège qui nous guette - ne soient à jamais récupérées par quelque aventurier que ce soit ; surtout pas par une puissance d’argent. Si ce risque est enlevé, le public appréciera et ce sera à votre honneur.

La première édition des JESTIC se tient justement sous le thème : « Nouveaux médias et démocratie au Burkina Faso : opportunités et paradoxes ». Vous êtes régulièrement fréquent sur Facebook. Quelle analyse faites-vous d’un tel thème ?

« C’est un thème très intéressant. Vivement qu’il soit traité avec l’efficacité attendue. »

Effectivement, nous sommes à la croisée des chemins dans le Burkina d’aujourd’hui. Je suis de ceux-là qui, devant la qualité, marquent le respect. Quand vous voyez le foisonnement des médias aujourd’hui, je ne sais fondamentalement pas où est-ce qu’on va avec ça. L’important ce n’est pas d’en créer. Au niveau des journaux par exemple, j’aurais préféré qu’il y’en ait une petite quantité mais qui sorte des choses vraiment intéressantes. Il ne s’agit pas de faire en sorte que toute personne qui dispose de ressources créé un journal qui parfois ne pèse que le poids des chansons qu’on veut bien dédier au créateur ou à l’inspirateur du journal.

C’est un pays en construction et on doit savoir être rationnel. C’est un thème très intéressant. Vivement qu’il soit traité avec l’efficacité attendue.

A présent, de quoi est fait votre quotidien ?

« Je suis sans affectation précise »

Je m’occupe intellectuellement, je remets de l’ordre dans mes affaires, probablement en attendant de faire valoir mes droits à la retraite dans quelques années. Je suis dans une phase qui n’est pas sans rappeler une autre que j’avais vécue entre janvier 2004 et juin 2008. Depuis le 07 juillet 2011, je suis sans affectation précise dans un pays où on prétend vouloir mettre à profit les compétences des uns et des autres. Toute modestie mise à part, j’estime que je dois toujours avoir des choses à apporter à mes compatriotes.

Vous avez aussi publié un roman « Paradis infernal »…

Effectivement, si on n’y prend garde, le paradis peut se transformer en enfer. Dans ce livre dont la première ligne a été écrite au début des années 2000, je n’ai pas manqué d’égratigner certaines pratiques, tant sur le plan traditionnel que sur le plan moderne.

Ainsi, si vous êtes chef de canton et vous choisissez d’aller de façon bruyante dans une chapelle politique, ça peut causer problème parce que vous semez vous-même la graine de la division parmi vos sujets dont certains se croiront obligés de vous rejoindre, tandis que les ‘’ récalcitrants’’ pourraient payer cher leur non-alignement. Je touche du bois en disant cela, ce n’est pas une vue de l’esprit. On a ainsi vu des intronisations de chefs de village faites sur la base de la couleur politicienne du candidat. A ce niveau-là, j’en appelle à la sagesse, l’exemple du Ghana voisin où il n’y a pas de mélange de genres me paraissant digne d’inspiration.

Par ailleurs, les élites formées à l’école du Blanc se sont illustrées le plus souvent de la plus mauvaise des manières, par leur gestion gabégique des affaires publiques et leur boulimie du pouvoir, les amenant ainsi à se couper des masses laborieuses auxquelles elles doivent leur réussite.

Ce roman n’en est qu’à sa première édition. Je prévois une seconde édition de meilleure facture.

La question du Sénat divise les Burkinabè de nos jours. Il y a eu des marches et des contre marches en rapport avec cette institution. Quel est votre point de vue sur le Sénat ?

« Le Sénat ne nous est pas si indispensable à l’heure actuelle »

A titre personnel et puisant au plus profond de ma conscience, je considère la question du Sénat comme étant secondaire et même superfétatoire si elle doit venir mettre le pays à feu et à sang. En tout état de cause, il faudrait que la sagesse puisse prévaloir car le jusqu’au-boutisme n’a jamais conduit à rien. Le Sénat ne nous est pas si indispensable à l’heure actuelle et le Burkina n’est pas plus inspiré et plus pressé que des pays comme le Sénégal ou le Bénin où cette chambre a été supprimée dans le premier, renvoyée à des lendemains meilleurs dans le second...

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes communicateurs et journalistes qui vous lisent actuellement ?

« En tout temps et en tout lieu, que votre panse ne devance jamais votre pensée ! »

Je reste attaché à cette petite phrase que j’avais prononcée en 2003 devant les étudiants sortants de ce qui s’appelait à l’époque le Centre de formation professionnelle de l’information (CFPI, aujourd’hui ISTIC) : « En tout temps et en tout lieu, que votre panse ne devance jamais votre pensée ! » Tout est dedans. Si vous pensez que vous êtes venu à la communication pour vous repaître, amasser l’argent et tout ce qui l’entoure, ressaisissez-vous, changez de métier ! Quand on vient dans ce métier, la plus grosse fortune que l’on puisse amasser, c’est l’intelligence du temps, la capacité d’analyse des choses, la contribution permanente à l’amélioration des conditions de vie des populations. C’est un véritable sacerdoce.

Si par extraordinaire, en étant dans la communication, des conditions venaient à être réunies pour que vous ne mourriez pas de faim, je n’y verrais absolument aucune contradiction. Mails, il ne faut jamais être pré-conditionné par ça. Ensuite, même si elle n’est pas exacte, la communication est une science suffisamment sérieuse pour qu’on fasse les choses avec légèreté au niveau de la pratique. On ne peut pas tolérer la légèreté dans ce métier. Si vous savez que vous ne pouvez pas assumer, je suggère qu’à temps, vous changiez de métier parce que ce métier exige rigueur, responsabilité et discipline.

Encore une fois, permettez que je souhaite beaucoup de courage et bonne chance à tous ceux et à toutes celles qui choisissent aujourd’hui d’embrasser ce métier, en leur disant une chose : qu’ils n’arrêtent pas de faire de l’introspection de façon quotidienne pour répondre vaille que vaille à toutes les exigences du métier, en tout temps et en tout lieu...

Interview réalisée par
Arsène Flavien BATIONO
bationoflavien@yahoo.fr
www.lestratege.net

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