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Mali : Bamako, Kati, Kidal…Et IBK revint d’urgence à Koulouba.

Publié le vendredi 4 octobre 2013 à 22h59min

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Mali : Bamako, Kati, Kidal…Et IBK revint d’urgence à Koulouba.

Ce matin, il était à l’Elysée. Ce soir, il devrait être à Koulouba. Ibrahim Boubacar Keita est de retour chez lui ce mardi 1er octobre 2013. Retour précipité. Il envisageait de séjourner plusieurs jours dans la capitale française ; arrivé dimanche, il est reparti sitôt terminé son entretien avec François Hollande. Et hop, le voilà dans l’avion, vivement embarqué comme un vulgaire sans papier malien au temps où Charles Pasqua régnait place Beauvau.

J’exagère, bien sûr. Mais l’image restera du chef de l’Etat malien qui, moins de deux semaines après son jour de gloire (jeudi 19 septembre 2013) au stade du « 26-mars », est contraint de revenir dare-dare chez lui pour régler les problèmes qu’il avait laissé en suspens. Pensant sans doute qu’il suffisait d’arborer avec une satisfaction non dissimulée les insignes de sa fonction pour que la République du Mali brille de son éclat. Ce pays est en miettes. Tout le monde le sait ; à commencer par les Maliens. Il n’y a que IBK pour penser qu’il est le président « normal » d’un pays « normal » et qu’il peut aller se trimbaler tranquillement avec sa femme et sa cour à New York puis à Paris.

L’édito du quotidien privé burkinabè Le Pays le dit clairement ce matin (mardi 1er octobre 2013) : « On sait que le Mali doit beaucoup à la France, dont l’intervention contre les islamistes a été salutaire, mais ce n’est pas une raison suffisante pour faire escale à Paris alors qu’il y a péril en la demeure. Ce choix de IBK laisse songeur ». Ayant rappelé à IBK « qui l’a fait roi », Le Pays enfonce le clou : « Tout porte à croire que les nouvelles autorités ne se mettent pas la pression nécessaire pour la quête de solutions durables au problème du Nord. Bamako semble avoir la mémoire courte ». C’est un point de vue.

Disons que Bamako ne s’est pas beaucoup investi (et c’est un euphémisme) dans la résolution de la crise politique qui a mis le pays par terre le 22 mars 2012 et moins encore dans la guerre contre les « envahisseurs ». Pourquoi irait-il s’investir dans la mise en œuvre d’un accord de Ouagadougou dont l’actuel président n’est pas signataire ; pas plus que son premier ministre ? Cessons d’être hypocrites, IBK et les siens n’entendent pas aller bien loin dans le dialogue avec les ex-groupes armés qui, jour après jour, renforcent leur emprise sur le Nord-Mali. « Du côté de Bamako, on traîne les pieds pour mettre à exécution certains points de l’accord de Ouagadougou » écrit encore Le Pays dans son édito. Il ajoute : « Les groupes arabes et touaregs du Nord-Mali ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en fustigeant, depuis quelque temps de cela, cette attitude de Bamako ». Je le répète : il n’y a que IBK pour penser qu’il est le président « normal » d’un pays « normal » !

Qu’est-ce qui a fait rappliquer dare-dare IBK à Koulouba ? Officiellement, le retour d’AQMI (eh oui, c’est la rentrée des classes pour tout le monde : les présidents comme les terroristes !) du côté de Tombouctou qui fait déjà l’objet d’une guerre… des communiqués sur le nombre de kamikazes et de victimes (deux civils et quatre kamikazes tués, six soldats maliens blessés selon Bamako ; deux kamikazes et 16 soldats maliens tués selon AQMI). A Paris, le communiqué publié à l’issue de la visite (écourtée) de IBK note que « la menace terroriste a subi un coup d’arrêt avec l’intervention franco-africaine, mais elle peut chercher à se reconstituer ». D’où cet appel solennel de Hollande et IBK : « Nous devons rester vigilants ». Sauf, bien sûr, que l’attentat du samedi 28 septembre 2013 est l’arbre qui cache la forêt.

Une forêt verte. Bien verte. Du vert des bérets des bidasses du camp de Kati. Qui, le lundi 30 septembre 2013, ont entendu rappeler que si Paris avait fait roi IBK c’est qu’ils avaient joué les régicides le 22 mars 2012 en virant Amadou Toumani Touré (ATT) du pouvoir. Sans rencontrer beaucoup de résistance d’ailleurs, ce qui tend à démontrer le caractère peu républicain de l’armée malienne. Amadou Haya Sanogo et quelques autres rapidement promus, la troupe s’est trouvée bien dépourvue. 4 étoiles pour lui ; et eux n’ont rien ? Dans ces conditions, autant dire qu’on monte au front en traînant les pieds… ! D’autant plus qu’on ne sait rien, actuellement, des connexions entre le capitaine-général et le président de la République dont on a dit qu’il était le « candidat de l’armée ». Reste à savoir de quelle armée. C’est dire que la tâche de Soumeylou Boubèye Maïga, numéro deux du gouvernement de Oumar Tatam Ly, en charge de la Défense et des Anciens combattants, est délicate. Après les tensions entre les « bérets rouges », considérés comme proches d’ATT, et les « bérets verts » à l’origine du coup d’Etat, c’est au sein du camp de Kati, où Sanogo s’est fait construire une luxueuse villa, que la fronde s’installe. Dans un contexte politico-militaire difficile. Car chacun a compris qu’AQMI a entrepris d’ores et déjà de tester la capacité de réaction de Bamako et d’analyser le rapport de forces entre chacun des acteurs : le gouvernement à Bamako ; l’armée à Kati ; les Touareg à Kidal.

Or l’armée malienne est, de moins en moins, un corps homogène (si tant est qu’elle l’ait jamais été). Les « putschistes » du 22 mars participent par ailleurs au gouvernement. Des officiers supérieurs y occupent des postes majeurs : ils y sont les numéros 6, 8 et 14, en charge de la Sécurité (colonel Sada Samaké), de l’Administration territoriale (général Moussa Sinko Coulibaly), de l’Equipement et des Transports (colonel Abdoulaye Koumaré). La nature exacte de la relation entre Sanogo et le MNLA est loin, également, d’être claire et nette. Le tombeur d’ATT est parfois perçu par le mouvement politico-militaire comme son meilleur allié à Bamako. Sans que l’on sache qui manipule qui. IBK a été élu le 11 août 2013. Il a prêté serment et pris ses fonctions le 4 septembre 2013. Voici tout juste un mois. Il n’a pas tardé, non plus, à nommer son premier ministre et le gouvernement. Pourtant, la cérémonie du 19 septembre au stade du « 26-mars » a laissé penser, à tort, que tout allait pour le mieux dans le meilleur du monde. IBK, le premier, y a cru. Elu avec un score « totalitaire », acclamé par la « communauté internationale », encensé par la communauté africaine, il s’est vite convaincu qu’il était plus malin que tout le monde. Et président « normal » d’un pays « normal » ! Kati et Kidal, deux des « miettes » du Mali, viennent de le rappeler à la réalité.

Il a raté l’occasion d’occuper le terrain, tout le terrain, dès sa prise de fonction. C’est au Mali que les choses se passent. Pas à New York ou à Paris. Certes, les deux capitales sont des partenaires essentiels du pays ; mais à condition que IBK fasse le job. Et son job c’est de mettre en œuvre « l’Accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ». Dans son discours prononcé à l’issue de la cérémonie de sa signature, le mardi 18 juin 2013, à Ouaga 2000, Blaise Compaoré, le président du Faso avait été clair et net : cet accord visait à « créer les conditions politiques et sécuritaires essentielles pour la tenue de l’élection présidentielle » afin d’ouvrir « la voie à des pourparlers inclusifs visant l’établissement d’une paix définitive, la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, la réconciliation de la nation malienne avec elle-même, l’avènement et la consolidation d’une bonne gouvernance dans toutes ses composantes politique, économique, sociale et culturelle, vecteur de développement et de bien-être partagés ».

Le délai imparti pour aboutir à un accord de paix est de soixante jours après la formation du gouvernement. Au sein duquel Cheick Oumar Diarra est en charge de la Réconciliation et du Développement des régions du Nord. Soixante jours ! Le compte à rebours est entamé depuis le dimanche 8 septembre 2013. Et depuis 23 jours, l’impression domine que pas grand-chose, pour ne pas dire rien, a été fait afin d’avancer dans la voie de la « réconciliation nationale » prônée dès son élection à la présidence par IBK. Pire encore, on a le sentiment que Bamako ne se soucie plus de cet aspect des choses et laisse pourrir la situation. Pour radicaliser sa réaction ?

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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