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Me Bénéwendé S. Sankara, président de l’UNIR/PS : « Le Président du Faso aurait dû demander le retrait du Sénat de notre ordonnancement juridique »

Publié le lundi 9 septembre 2013 à 23h21min

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Me Bénéwendé S. Sankara, président de l’UNIR/PS : « Le Président du Faso aurait dû demander le retrait du Sénat de notre ordonnancement juridique »

Le communiqué du Président du Faso exhortant le gouvernement à prendre langue avec les différents acteurs sociopolitiques en vue de déterminer les meilleures conditions de la mise en place du Sénat dans un nouveau format (élargi, moins coûteux et moins pléthorique) ne satisfait pas Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la Renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS). Dénonçant une fuite en avant du Chef de l’Etat, Me Sankara pense que le problème qui se pose avec le Sénat n’est pas une question de forme, mais une question de fond : « L’opposition ne veut pas du tout du Sénat. Un point, c’est tout ».

Lefaso.net : Une semaine après avoir reçu le rapport d’étape circonstancié sur l’opérationnalisation du Sénat des membres du Comité de suivi du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), le Président du Faso a réagi le vendredi dernier par un communiqué exhortant le gouvernement à élargir le dialogue à l’ensemble des acteurs sociopolitiques en vue de mieux asseoir la pertinence de l’institution. Qu’en pensez-vous ?

Bénéwendé Stanislas Sankara : Je vous remercie pour la tribune que m’offrez en ma qualité de président de l’UNIR/PS de me prononcer sur un sujet d’une extrême importance, puisqu’il s’agit de notre démocratie, de l’avenir même de notre pays. D’abord, ce que je regrette, c’est l’attitude de faux-fuyant du Chef de l’Etat, Monsieur Blaise Compaoré, quand le pays semble basculé. Ce n’est pas la première fois. On en a vu en 1999. C’était à travers une tout petite déclaration. Cette fois-ci, c’est encore un communiqué lapidaire. Et même pour demander le présent rapport d’étape, il a dû passer par sa direction de communication pour le faire. Alors que, vu la psychose générale dans laquelle tout le peuple burkinabè est plongé, moi je m’attendais à un message plus fort, plus soutenu, avec un engagement du Chef de l’Etat à aller vers un dialogue inclusif. Je dis bien un dialogue inclusif, parce que quand j’étais Chef de file de l’opposition politique, j’avais milité pour ce dialogue inclusif qui tiendra compte de toutes les sensibilités et particulièrement du respect de l’opposition politique qui, pour une première fois, a une loi qui l’organise et qui lui permet de fédérer l’ensemble de ses forces politiques. Je pense aussi, que nous avons pu, en son temps, expliquer le bienfondé d’un dialogue politique inclusif parce que le peuple est un et indivisible. Quand on parle de la nation, c’est le Chef de l’Etat qui en est, de façon constitutionnelle le garant. Faire aujourd’hui un communiqué pour demander au gouvernement de prendre toute initiative en vue d’élargir la discussion, je ne pense pas, à priori, que c’est une mauvaise chose. Mais, je dis que c’est une fuite en avant parce que nous sommes, à ce stade-là, devant deux façons de voir l’institution du Sénat. D’une part, la grande majorité des Burkinabè pensent que c’est une affaire qu’il faut purement et simplement remettre aux calendes grecques et qu’il ne faut pas encore parler de Sénat. Il faut purement et simplement l’enlever de notre ordonnancement juridique c’est-à-dire de l’espace institutionnel. On ne veut pas du Sénat, un point, c’est tout. Et il y a ceux-là, d’autre part, qui pensent qu’on peut revoir peut-être le format pour contenter les uns et les autres, et puis ruser avec la démocratie. Dans ce cas, on assistera toujours au Sénat. Moi, je pense, au regard des conclusions qui ont été données, que ça peut être une espèce de porte de sortie pour le régime. Ce qui serait peut-être, quelque part, une belle trouvaille puisqu’on va renvoyer la question encore en débat à l’Assemblée nationale. Parce que les recommandations disent qu’il faut réviser la Constitution, qu’il faut revoir la loi organique, qu’il faut même au préalable que le Conseil constitutionnel dise si le Parlement a une seule chambre c’est-à-dire si l’actuelle Assemblée nationale peut légiférer valablement. Et si tel est le cas, il y a plus péril en la demeure. On a tout le temps pour discuter jusqu’après 2015. Je crois aussi que c’est dans ce sens -là que le Chef de l’Etat avait parlé de mettre en place le Sénat dans un climat social apaisé. Ce qui veut dire qu’on a tout le temps pour nous entendre. Et je reprends le secrétaire exécutif du CDP au mot quand il dit que par finir on va s’entendre. Cela suppose quel que soit le temps. Du coup, j’ai vraiment l’impression que c’est devenu une fiction juridique que de parler du Sénat. Cela est dans l’esprit, mais de fait, il n’y a pas de Sénat. Et le débat se poursuit.

Lefaso.net : N’avez-vous rien retenu de positif dans le communiqué du Président du Faso ?

BSS : Si. Ce que je viens de dire est très positif. Je dis que le Chef de l’Etat se ménage une porte de sortie. Quelque part, le Sénat est toujours dans la Constitution, mais il n’est pas appliqué. Et en l’état actuel, le Sénat n’est même pas viable. Ce communiqué, j’ai l’impression que le Président du Faso demande au gouvernement et aux acteurs politiques d’aller se débrouiller, que ce n’est plus son affaire. C’est ce que j’appelle fuite en avant.

Lefaso.net : Mais, qu’est-ce qu’il aurait dû faire, selon vous ?

BSS : Moi, je pense qu’il aurait dû, purement et simplement, demander, au stade actuel du débat, que le Sénat soit retiré de notre ordonnancement juridique. Il aurait dû instruire son gouvernement dans ce sens.

Lefaso.net : Que pensez-vous des conclusions du Comité de suivi du CCRP ?

BSS : Les conclusions tendent à prendre en considération un certain nombre de revendications de la rue. On dit que le sénat est coûteux, on revoit à la baisse. On dit qu’on n’a pas pris en compte les jeunes, on essaie de rattraper. On fait des concessions, mais cela ne répond pas fondamentalement à ce que l’opposition politique exige, à savoir que pour nous, ce ne sont pas les conditions de forme qui nous intéressent aujourd’hui ; c’est le Sénat en tant qu’institution que nous ne voulons pas.

Lefaso.net : Vous n’êtes donc pas prêt à participer au dialogue pour la mise en place du Sénat…

BSS : Ce n’ai pas ce que j’ai dit. Mais, je vous dis dès le début que, quand j’étais Chef de file de l’opposition politique en 2009, nous avons placé notre mandat sous le sceau du dialogue politique inclusif. Nous avons fait un atelier avec d’éminentes personnalités pour expliquer ce que c’est que le dialogue politique. Nous avons insisté pour dire que le dialogue politique suppose un certain nombre de critères. D’abord, qu’il y ait la franchise, l’honnêteté entre les acteurs politiques qui se retrouvent autour d’un compromis utile et non autour d’une compromission. Cela doit être clair. Malheureusement, le CCRP n’est rien d’autre que de la supercherie. Voilà pourquoi l’opposition politique n’y est pas.

Lefaso.net : Mais, êtes-vous prêt à accepter le principe de la mise en place du Sénat, si les mesures préconisées sont mises en œuvre ?

BSS : Moi, en tant que président de l’UNIR/PS, à ce stade, je ne peux pas vous répondre par l’affirmative ou la négative, puisque nous prenons des décisions au sein d’une institution que nous respectons très bien qui est celle du Chef de file de l’opposition. Le débat s’y mènera et en temps opportun on avisera.

Lefaso.net : Certaines formations politiques comme l’ADF/RDA ou l’UNDD ont déjà exprimé leur satisfaction par rapport aux conclusions du Comité de suivi du CCRP. Qu’en pensez-vous ?

BSS : Les formations que vous citez ne sont pas des partis de l’opposition. L’UNDD n’est pas de l’opposition politique. Cela est clair. L’ADF/RDA a toujours clamé haut et fort qu’il est de la mouvance. Je crois que l’ADF/RDA a participé de bout en bout, s’était momentanément retiré du processus parce qu’il y avait des conditions qui ne lui plaisaient pas. Si l’ADF/RDA, aujourd’hui, retrouve son compte, il est libre. De toutes les façons, c’est un parti de la mouvance, il ne peut que soutenir le Chef de l’Etat. Mais, les bizarreries des partis politiques, l’UNIR/PS voudrait s’en méfier et prendre de la distance. Nous, nous restons, à ce stade, solidaire de la démarche que le Chef de file de l’opposition politique voudrait bien entreprendre.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

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