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Affaire « Avenue Union Européenne » : Un détournement au profit du palais de Blaise Compaoré

Publié le jeudi 25 juillet 2013 à 22h00min

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Affaire « Avenue Union Européenne » : Un détournement au profit du palais de Blaise Compaoré

L’Avenue de l’Union Européenne va être enfin éclairée. Le financement de près de 500 millions est acquis grâce à l’Union Européenne, mais depuis quand ? C’est à croire qu’il fallait ce qui s’est passé le 4 juillet pour que ce financement sorte de l’ombre. Plusieurs zones d’ombres demeurent encore quant à l’état de cette Avenue. Si depuis plus de 4 ans, la route n’est pas éclairée, ce n’est pas faute de financement. Qu’a-t-on fait avec l’argent de la route ?

Il y a une question que beaucoup se posent. Comment l’Avenue de l’Union Européenne a-t-elle été financée ? Il faut faire une bonne fois pour toute la lumière sur le dossier de cette route. Le financement initial du tronçon prévoyait-il son électrification ? Le bitumage de la route nationale N°1, après le scandale Razel, du nom de l’entreprise française qui avait bâclé la construction de cette route en 2002, a été financé par l’Union Européenne dans le cadre du 9ème Fond Européen de Développement (FED). Les autorités municipales de Bobo ont toujours soutenu que la route devrait s’arrêter à quelques 10Km derrière le rond-point de la Femme, mais grâce à une négociation, l’UE a bien voulu prolonger la réfection du goudron jusqu’au niveau dudit rond-point. Cette rallonge ne comprendrait pas le volet éclairage à en croire ces autorités.

Cette affirmation n’est pourtant pas corroborée par tous ceux qui connaissent le dossier. De source digne de confiance, le financement de la route incluait bien l’éclairage. Ce qui est arrivé, c’est qu’au moment de la construction de cette route, une autre route suscitait la grogne. Il s’agit de la route de Nasso, celle qui mène à l’Université Polytechnique de Bobo. Cette route était sans éclairage et suite aux revendications des étudiants, une courte échelle a été trouvée pour résoudre le problème. C’est ainsi que sur le financement de la route qui allait être baptisée plus tard « Avenue de l’Union Européenne », il a été décidé l’électrification de la route de Nasso. Amputée d’une partie de son financement, l’électrification de l’avenue est de facto reportée.

En 2010, à l’occasion des travaux entrant dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance du pays, une deuxième chance se présente pour l’électrification de l’Avenue. Le financement est encore de l’Union Européenne, négocié et obtenu par les autorités communales. A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, Bobo-Dioulasso est une ville en chantier. Plusieurs routes sont en construction ainsi que des monuments ; mais il y a surtout la construction du deuxième pied à terre du chef de l’Etat dans la ville. C’est là que va passer le financement prévu pour l’Avenue de l’Union Européenne. Avant le cinquantenaire, Les voies d’accès au pied à terre du Président étaient dans l’obscurité. Selon une source de la mairie, le financement prévu pour l’électrification de l’Avenue de l’UE va être de nouveau détourné. Ce sont les deux pied-à-terre du chef de l’Etat qui en bénéficient. Les deux demeures sont situées l’une à côté de l’autre sur la sortie Ouest de Bobo, route de Orodara. Ce sont les voies d’accès de l’ancien pied-à-terre qui sont éclairées à l’occasion du cinquantenaire.

Quant au nouveau pied-à-terre, en plus des voies d’accès, la cour et les alentours sont semés de lampadaires. Le projet d’électrification de la nationale N°1 est pour la deuxième fois reportée. On est à se demander si la route allait être enfin éclairée. Un comité de suivi de l’électrification de la voie existe depuis plus d’un an et a tenu plusieurs rencontres avec le gouverneur et/ou le maire de la commune et les maires d’arrondissements. La plupart de ces rencontres autour de la route sont sanctionnées par un procès-verbal signé des différentes parties. Jusqu’à la date du 04 juillet, il n’existait pas d’information sur un éventuel éclairage de la voie. La commune avait annoncé qu’elle était toujours à la recherche de financement. Et pourtant, au cours de la chaude journée du 4 juillet, le maire de Bobo, Salia Sanou, presque à la surprise générale, a exhibé des documents d’un accord de financement obtenu avec l’Union Européenne pour l’électrification de l’Avenue. Depuis quand ce financement a été acquis ?

Pourquoi avoir gardé le secret sur une si bonne nouvelle qui cristallisait autant d’impatience ? Seule le maire Salia Sanou ou le Gouverneur sauront y répondre. Au cours d’une réunion avec une délégation des secteurs 24 et 25, le maire et le gouverneur ont réaffirmé que le financement est acquis. Il y a un avantage du fait que le financement a été enfin annoncé publiquement. Il y a des chances que cet énième financement ne soit plus détourné pour une autre destination qui n’était pas prévue. Il reste maintenant à voir l’exécution. Les autorités ont donné le 1er novembre pour le début des travaux d’électrification. Ils disposent du temps qui court pour lancer l’appel d’offre et recruter l’entreprise qui va réaliser l’électrification. Le montant du financement s’élève à 494 millions. Il restera maintenant la question des caniveaux non recouverts, à moins que cela soit compris dans le présent financement. L’électrification de l’Avenue et la fermeture des caniveaux sont les deux problèmes posés par les riverains et les usagers de la route. Il faut remarquer que ces caniveaux ouverts à grands diamètres constituent un danger réel pour les usagers de l’Avenue.

N’est-ce pas dans le caniveau que la Mercédès a terminé sa course fatale ce 4 Juillet ? En attendant le mois de novembre pour l’éclairage de l’Avenue, ce sont des ralentisseurs communément appelé « gendarmes-couchés » qui sont en train d’être posés sur l’Avenue pour réduire la vitesse des usagers.

Salia, un nain politique ?

Un proche du maire Salia Sanou nous a confié que celui-ci est un admirateur de l’ancien maire de Ouagadougou, Simon Compaoré. L’ancien maire de la capitale avait ses qualités et certainement ses insuffisances. Homme d’action, il était souvent le premier sur les lieux de tension, bravant la foule et les risques. Il était au contact des populations et « aimait » la presse à sa façon. On ne peut pas dire la même chose de Salia Sanou, le maire de la deuxième capitale. Le maire de Bobo n’a rien copié de son homologue. Son attitude lors de la manifestation du 04 juillet donne une petite idée de ses rapports avec les populations. D’abord, il s’est fait absent jusqu’à ce que le mercure monte très haut. Alors que la manifestation a commencé depuis 2H du matin, il a fallu attendre jusqu’à 12h pour apercevoir le maire.

Tout le monde était à la manifestation sauf le premier responsable de la commune. Il a été le dernier à se rendre sur l’Avenue de l’Union Européenne. Peut-être avait-il bien deviné que sa présence n’apporterait rien à la négociation. De sa présence sur le terrain, nous retenons deux choses : sa distance avec la foule et une image (le maire réfugié à l’ombre et se désaltérant avec un jus). Cette image donne un contraste avec la situation qui prévalait dans sa ville, notamment sur l’Avenue de l’Union Européenne, dans les secteurs 24, 25 et environs. Et pourtant, il n’y a pas longtemps, lors des élections couplées de décembre 2012, le maire était très « populaire ». Salia Sanou a fait une bonne campagne. Il a réussi à mobiliser une masse d’électeurs pour son parti. Pendant les moments de turbulence que son parti a connu à la suite des mécontentements liés à la confection des listes électorales, il avait tenu un discours ferme contre les éventuels « traitres ». C’est une valeur sûre de son parti dans cette ville de Bobo et cela justifie que son parti n’ait pas eu d’autres choix que de le reconduire à la tête de la commune.

Cependant, si son influence rayonne uniquement dans le cercle des militants acquis à son parti et à sa cause comme cela semble se voir, le maire ne sera pas d’une grande utilité pour le parti au pouvoir dans ces moments où la propension est aux contestations dans nos villes. Par ailleurs, Salia n’est pas un homme médiatique. Il est nettement en dessous de la moyenne parce que pour certains, il fuit la presse. Jamais nous n’avons réussi à mettre la main sur le maire. C’est la deuxième fois que nous avons échoué à obtenir un entretien avec lui. En juillet 2012, alors que nous enquêtions sur une histoire de parcelles à Bobo, le maire avait déclaré ne pas être concerné par le dossier. Sur insistance, il avait promis de nous recontacter pour un éventuel entretien, mais jusqu’à ce jour, ce contact n’a plus été établi. Un conseiller municipal à qui nous nous sommes confiés a reconnu que la maire est distant avec la presse. Ce dernier nous a confié que pour avoir le maire, « il faut se poster devant la mairie à 15h45 pour guetter son arrivée » à l’hôtel de ville pour l’accoster. Faute d’avoir eu le maire, c’est le Secrétaire général de la mairie que nous avons rencontré dans les allées de l’hôtel de ville. Volontiers dans la conversation, il affirme cependant que pour toute information qu’on voudrait, « il faut adresser un courrier à la mairie parce que c’est un service » et attendre un retour. Le maire et sa mairie sont vraiment particuliers.

Cédric Kalissani

MUTATIONS N° 33 du 15 juillet 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact:mutations.bf@gmail.com site web :www.mutationsbf.net)

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