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Elections sénatoriales : Le MAP ira sanctionner le CDP dans les urnes

Publié le vendredi 12 juillet 2013 à 21h58min

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             Elections sénatoriales : Le MAP ira sanctionner le CDP dans les urnes

Les positions partisanes par rapport à la mise en place du Sénat enrichissent l’actualité nationale tant elles divisent la classe politique. Au Mouvement africain des peuples (MAP), parti créé en 2011 et dit centriste sur l’échiquier politique national, l’on est contre le Sénat. Toutefois, le parti n’a pas la même stratégie que l’opposition politique dans son combat contre le Sénat. Il a sa stratégie que décline son président Victorien Tougouma qui fustige aussi bien la position du pouvoir que celle de l’opposition politique, fait des propositions et pour l’amélioration de la qualité législative et pour le renforcement de notre démocratie, dans une interview qu’il nous a accordée le 9 juillet dernier. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Comment le Mouvement africain des peuples (MAP) se porte-il aujourd’hui ?

Victorien Tougouma (VT) : Avant de répondre, vous me permettrez de souhaiter un bon mois de Ramanda à tous les musulmans, et naturellement une bonne saison de pluies à tous les burkinabè.

Le Mouvement africain des peuples se porte assez bien. C’est vrai, le parti est sorti des élections couplées de 2012 en deçà de ses objectifs. On s’attendait à avoir un député au moins ; mais ce ne fut pas le cas. Néanmoins, nous sommes assez satisfaits. En effet, notre jeune parti est sorti de ces élections avec 53 conseillers municipaux et est même à la tête, en termes de nombre de Conseillers, d’une commune dans le Passoré, notamment la commune de Bagré.

Aujourd’hui, on se porte bien, on contribue quand on peut au débat politique ; et je pense que c’est l’essentiel. La politique, ce n’est pas uniquement d’acquérir des fonctions ; mais c’est aussi et surtout de contribuer à faire avancer son pays dans le débat politique national ; et c’est ce que nous essayons de faire.

Lefaso.net : Dans le cadre de votre contribution au débat politique national, que pensez-vous du Sénat, au sein du MAP ?

VT : Le MAP comme nous l’avons dit, est un parti qui a été créé pour porter la jeunesse au pouvoir. Il se trouve que l’une des particularités de notre sénat, c’est d’être véritablement anti-jeunes en excluant les moins de 45 ans. Et vous savez que ceux qui ont moins de 45 ans constituent plus de 80 à 85% de la population. Je pense que de ce fait déjà, le Sénat ne saurait être une institution à même de faire le bonheur de tout le peuple burkinabè, tant elle en exclut de facto plus de 85% de la population.

Le MAP trouve que si le sénat est une institution utile dans certaines démocraties, le Burkina n’est pas encore prêt pour avoir un Sénat, compte tenu du fait qu’il engendre un coût financier insupportable. Et le problème - l’amélioration de la qualité législative - que le Sénat est appelé à régler, ce n’est pas lié à l’absence d’un Sénat ; mais c’est une question d’administration parlementaire. C’est pour cela nous avons dit que le débat est biaisé dès le départ, à la fois par le pourvoir et l’opposition parce qu’ils mettent l’accent sur une chose qui n’est pas essentielle. Ce qui est essentiel pour avoir une qualité législative, c’est vraiment une administration parlementaire.

Lefaso.net : Voulez dire qu’on avoir des lois de bonne qualité en se passant du Sénat ?

VT : Naturellement. Comme je l’ai déjà dit, le problème de la qualité des lois n’est pas un problème de député ; c’est une question d’administration parlementaire. La loi est quelque chose de très complexe tant elle peut concerner plusieurs secteurs d’activités à la fois. D’où la nécessité d’avoir une administration parlementaire appropriée.

En France, chaque député a un budget pour disposer d’un cabinet ; ici, ce n’est pas le cas. Ce que nous, nous proposons, en tenant compte du fait que le Burkina n’a pas assez de moyen pour allouer un budget à chaque député de sorte à lui permettre d’avoir un cabinet, que par groupe de 10 députés, on puisse mettre en place un cabinet. Ce cabinet pourrait être composé notamment d’économistes, de juristes, de sociologues et d’autres experts ; en gros, un cabinet de cinq experts qui soient à la disposition des députés pour les aider à mieux comprendre les textes de loi qu’on leur soumet avant le vote. Ce cabinet pourrait donc éclairer les députés, de sorte qu’ils puissent prendre des positions objectives dans le sens surtout de l’intérêt des populations.

Pour nous, c’est un faux débat que de dire que c’est parce qu’il n’y a pas de Sénat que les lois ne sont pas de bonne qualité. C’est plutôt parce que les députés ne sont pas conseillés dans le processus législatif. Même si on met en place le Sénat et que les Sénateurs ne sont pas assistés d’experts, la qualité des lois ne connaîtra aucune amélioration, car les sénateurs n’auront d’autre choix que d’entériner la volonté des députés ; et on se retrouvera avec une chambre à la limite inutile comme ce fut le cas avec la Chambre des représentants.

Nous rejetons aussi l’idée selon laquelle le Sénat sera une institution très proche du peuple ; c’est faux. Sur les 89 sénateurs, il n’y a que 39 qui seront issus des Collectivités territoriales. On ne peut donc pas dire que le Sénat au Burkina Faso est une émanation des Collectivités territoriales comme c’est le cas en France. Le Sénat ici, ce sont encore les élites politiques et sociales qui vont l’animer et on a toutes les chances d’y retrouver d’anciens parlementaires qui ont échoué à faire de bonnes lois, et malheureusement ils ne sauront pas se départir des tares qu’ils ont accumulées à l’Assemblée nationale auparavant

Lefaso.net : De quel côté le MAP se range-t-il aujourd’hui par rapport à ce débat sur le Sénat dominé par la majorité et l’opposition politiques ?

VT : Nous, nous refusons de soutenir le pouvoir ou l’opposition dans ce débat. Nous disons tout simplement que ce qui est important aujourd’hui par rapport au Sénat, c’est d’arrêter de manipuler la population et de l’instrumentaliser. Quand vous entendez le pouvoir dire que le Sénat va renforcer la démocratie parce qu’il va améliorer la qualité législative, nous disons que c’est faux. Quand le pouvoir dit que le Sénat va permettre à certains groupes sociaux de participer à la vie démocratique, nous disons que cela aussi n’est pas exact parce qu’il y a déjà des chefs coutumiers à l’Assemblée nationale par exemple. Il en va de même des syndicats et du patronat qui participent déjà d’une manière ou d’une autre à l’animation de notre démocratie.

On aurait pu régler cette question – si on veut qu’il y ait des personnes neutres - à travers l’admission candidature indépendante aux législatives et aux communales. Donc, les arguments avancés par le pouvoir ne nous satisfont pas.

Du côté de l’opposition, on dénonce le coût et on voit dans le Sénat un moyen pour le pouvoir de modifier l’article ; ce qui n’est que de la manipulation, puisque dans l’histoire du Burkina, l’article 37 a été modifié à plusieurs reprises à des moments où il n’y avait pas de Sénat. Il faut arrêter de manipuler la population et de l’instrumentaliser. La rue ne doit pas être un tremplin pour conserver le pouvoir ou pour y accéder. Il faudrait que les Burkinabè prennent de la hauteur en refusant de se faire manipuler par les deux camps.

Nous, notre position, c’est une position objective de dire que le Burkina n’est pas encore prêt pour le Sénat. Même dans la composition des acteurs qui peuvent être sénateurs, il y a un danger que personne n’évoque, c’est celui de la disparition du mode original de fonctionnement de notre société qui dispose de médiateurs sociaux en cas de crise. Et ces médiateurs, ce sont les autorités coutumières et religieuses. Aujourd’hui, les faire rentrer au Sénat en tant qu’entité, cela risque de nous rattraper quand on aura une crise socio-politique, parce qu’on aura plus confiance aux chefs coutumiers, ni aux autorités religieuses. Et c’est là, le véritable danger sur lequel nous voulons vraiment attirer l’attention et du pouvoir, et de l’opposition. Si ces autorités rentrent au Sénat en tant qu’entité, et que par malheur il y a une crise, ce sera l’escalade, et cela n’est pas souhaitable.

Nous, nous voulons en tant que parti de jeunes, vraiment lancer un appel à l’endroit du pouvoir et de l’opposition à l’apaisement. Si nous voulons développer le Burkina, nous sommes obligés d’être unis. Or le Sénat actuellement est en train de diviser les Burkinabè. Et cela commence à se ressentir déjà au niveau de certaines administrations. Il faut vraiment qu’on ait rapidement des propos apaisants et qu’on essaie de discuter des vrais problèmes du pays.

Nous, nous pensons que le problème du Burkina ce n’est ni le Sénat, ni l’article 37. Le vrai problème du Burkina aujourd’hui, c’est la détermination du statut du président Compaoré et de ses proches après le pouvoir.

Lefaso.net : Les textes instituant le Sénat excluent la jeunesse. Quelle en est votre appréciation ?

VT : Nous, nous pensons que le Sénat est beaucoup plus un acte politique lié au fait tout simplement que le pouvoir a besoin d’élargir sa base ; parce que si le pouvoir veut se maintenir, il est obligé, face à une opposition qui rassemble beaucoup plus la jeunesse, d’aller chercher d’autres appuis dans la communauté. Et ces appuis communautaires, ce sont notamment la chefferie traditionnelle, les autorités religieuses, les syndicalistes, le patronat qui soutient généralement le pourvoir, et bien sûr les burkinabè de l’étranger puisqu’on veut les faire participer aux élections en 2015. Donc, le Sénat est plus un acte politique pour le CDP en vue d’élargir sa base.

Et comme ils savent que naturellement et un peu partout dans le monde la jeunesse n’a pas tendance à accompagner le parti au pouvoir surtout en Afrique, on a voulu exclure la jeunesse. Nous, nous trouvons que cela est une erreur. Aujourd’hui, il faut que le pouvoir arrête sa fuite en avant. Modifier par exemple l’article 37, ou essayer de conserver le pouvoir par des subterfuges, ne pourra que dissuader le président Blaise Compaoré, parce qu’il sera tout le temps dans l’angoisse en pensant au moment et à la manière de quitter le pouvoir.

La démocratie doit donner une sécurité à tous les citoyens de pouvoir participer au développement des idées et actions de leur pays sans avoir peur à rendre des comptes. Nous disons que le vrai problème aujourd’hui, c’est comment amener le pouvoir et l’opposition à discuter du vrai statut du président Compaoré après son départ. Est-ce qu’on va continuer de dire au niveau de l’opposition qu’après le pouvoir, il sera conduit à La Haye et ses proches pendus ? Ce qui fait qu’il sera tout le temps accroché au pouvoir. Est-ce que le pouvoir aussi va avoir de la hauteur de comprendre qu’il est temps d’assoir une vraie démocratie, c’est-à-dire permettre à ce que le peuple puisse changer ses dirigeants quand il veut, et tirer les leçons de ces changements puis ajuster pour avancer ?

Donc, il faut un vrai dialogue. Nous lançons un appel aux autorités coutumières et religieuses de se saisir de cette question du Sénat pour instaurer le dialogue ; parce qu’à ce rythme, on risque de se retrouver dans des situations comme celles de la Côte-d’Ivoire et du Mali.

Moi je pense que l’exclusion de la jeunesse du Sénat n’est pas une question assez préoccupante actuellement ; ce qui est le plus important aujourd’hui, c’est le dialogue entre l’opposition et le pouvoir pour vraiment trouver une solution commune, afin qu’on tourne la page de ces tractations politiciennes.

Lefaso.net : Qu’est- ce que le MAP a fait pour contrer la création du Sénat depuis le début du processus qui est pratiquement à sa dernière étape ?

VT : Nous avons dit que le Burkina à l’heure actuelle n’a pas besoin de Sénat. On n’a pas les moyens pour le financer ; on a d’autres priorités. Pour nous qui sommes un parti de jeunes, nous préférons que l’argent qui sera alloué au Sénat soit investi dans des secteurs porteurs d’avenir pour le pays. Nous préférons qu’on puisse investir par exemple dans la santé, dans les infrastructures parce que sans infrastructures adéquates, on ne peut pas capter les financements qu’il faut pour le développement. Donc, nous nous pensons qu’il n’est pas opportun de mettre en place le Sénat.

Il faut aujourd’hui dépasser ce débat campé sur des positions partisanes, et essayer d’avoir une position objective. Nous, ce que nous attendons vraiment du Chef de file de l’opposition politique et du président Compaoré, c’est qu’ils puissent discuter et que les deux acceptent de se sacrifier pour le bonheur des burkinabè ; parce que ce qui a toujours manqué au Burkina de l’indépendance jusqu’à maintenant, c’est qu’il y a eu peu de leaders qui se sont sacrifiés pour le Burkina. Chacun demande au peuple de se sacrifier pour qu’il accède au pouvoir et qu’il s’y maintienne. Il est temps que les leaders politiques se sacrifient pour le peuple burkinabè.

Lefaso.net : Pensez-vous que le pouvoir va renoncer à la mise en place effective du Sénat ?

VT : Véritablement, non ; surtout que nous sommes dans une escalade de la rue. L’opposition a fait appel à la rue, le pouvoir a fait appel à la rue ; la rue appartient à tout le monde. Et quand on est une position de confrontation, généralement, le pouvoir a tendance à aller jusqu’au bout. Donc, nous nous pensons que le pouvoir ira jusqu’au bout pour la mise en place du Sénat.

Mais si entre temps, le pouvoir et l’opposition s’accordent sur le statut du président et de ses proches, il n’est pas exclu qu’on puisse revenir sur le Sénat et le supprimer comme ce fut le cas de par le passé avec la Chambre des représentants. Mais si nous restons dans des positions d’affrontement, le pouvoir ira jusqu’au bout et l’opposition aussi va sans doute développer d’autres initiatives ; ce qui nous conduirait au chaos. Pour nous, il faut laisser le Sénat aller au bout, quitte aux protagonistes d’engager des négociations en vue d’aplanir leurs positions.

Lefaso.net : Que propose le MAP en termes d’institutions pour le renforcement de la démocratie dans notre ?

VT : Nous proposons au MAP, qu’on puisse revenir au Collège des sages ; parce que c’est une institution qui est ancrée dans notre culture. L’Afrique en général, règle ses problèmes sous l’arbre à palabre ; malheureusement c’est quelque chose qu’on en train de perdre. Plutôt que d’envoyer les autorités coutumières et religieuses au Sénat, nous, nous proposons que ces personnalités neutres, ces institutions de notre société qui ne font pas de la politique, puissent être regroupées au sein d’un Collège des sages. C’est ce qui a sauvé le Burkina Faso en 1998. Mettre au sein d’un Collège des sages une dizaine ou quinzaine de personnes, va permettre d’avoir une institution purement africaine reflet de nos cultures. Elle s’affichera en une sorte d’institution de veille et d’alerte pour amener les Hommes politiques à aller à l’essentiel dans l’intérêt bien compris du peuple.

L’une des causes du sous-développement du Burkina Faso, tient au fait qu’en 50 ans d’indépendance, on a jamais eu une alternance pacifique entre deux régimes ; ce qui veut dire que tous les Hommes politiques, de tous bords confondus, passent le temps à se faire la guerre plutôt qu’à penser au développement du pays.

Si on avait vraiment cette organisation faitière, qui est respectée de tous, elle servira de médiateur et saura attirer l’attention des dirigeants sur les priorités du moment. Actuellement, si on laisse le pouvoir et l’opposition tels qu’ils se conduisent, il ne peut y avoir de dialogue. Et sans dialogue, il n’y aura jamais une relation de confiance ; or, sans cette relation de confiance, on va vers l’affrontement, c’est-à-dire le chaos.

Lefaso.net : Dans le jeu de la navette législative au sein du parlement, le dernier mot reviendra presque toujours à l’Assemblée nationale. Qu’elle en est votre appréciation ?

VT : C’est tout à fait normal. Les députés sont issus d’un suffrage universel direct ; ils ont de ce fait une légitimité plus forte que les sénateurs. Même avec les sénateurs représentant les Collectivités territoriales, ce sera un suffrage indirect ; ils ne seront donc pas élus directement par les citoyens. De plus, le chef de l’Etat devra nommer 29 sénateurs ; et les autres, ils seront copter par leur corporation. Il est tout à fait normal en démocratie que celui qui a la légitimité populaire ait le dernier mot. Pour moi, c’est tout à fait normal que l’Assemblée nationale puisse avoir le dernier mot par rapport au Sénat.

Mais la loi dit aussi qu’en matière de collectivités territoriales, le Sénat aura le dernier mot. Donc, au Burkina, si on doit voter une loi concernant les mairies, c’est le Sénat qui y aura le dernier mot.

Lefaso.net : Normal que l’Assemblée nationale ait le dernier mot, cela ne revient-il pas finalement à soumettre le sage au moins sage, quand on sait que l’argument qui a prévalu à la fixation à 45 ans, l’âge minimum pour être sénateur, est celui selon lequel le sénateur doit être sage ?

VT : Partout dans le monde, il y a des jeunes qui sont sages. Salomon a été reconnu comme étant l’un des rois les plus sages au monde, je ne suis pas sûr qu’il ait en son temps, plus de 45 ans. Obama a été sénateur a 36 ans. Donc, la sagesse n’attend pas le nombre d’années ; la sagesse, c’est d’abord une culture et une ouverture d’esprit. Et aujourd’hui, vous avez des jeunes qui, à 30 ans, ont fait le tour du monde ; alors qu’il y’en a à 50 ans, qui n’ont pas encore quitté le Burkina Faso.

Cette raison de sagesse relève de considérations subjectives. Le plus important pour nous, c’est d’envoyer au parlement des gens qui ont de la qualité humaine et qui soient assistés d’experts dans le cadre d’une administration parlementaire assez dynamique.

Quand on lit la loi organique relative au Sénat, on se rend compte que cette institution recevra des instructions du parti au pouvoir ; c’est inévitable. En plus du fait que le chef de l’Etat va nommer 29, le CDP a toutes les chances de remporter tous les 39 sièges de sénateurs représentant les Collectivités territoriales, sauf s’ils font semblant de laisser quelques places à leur partenaires.

Lefaso.net : Le MAP participera-t-il aux élections sénatoriales du 28 juillet prochain ?

VT : Nous, nous allons participer en tant qu’électeurs ; mais pas en tant que candidats, parce que nous sommes dans un système démocratique. En tant que parti de jeunes, le Sénat nous exclut ; nous ne sommes pas d’accord. Mais, nous allons voter pour que dans les urnes, on sente que nous sommes contre le Sénat. Et c’est ce que nous voulons dire à l’opposition aussi ; ils peuvent ne pas présenter de candidats ; mais en participant, ils pourront, dans certaines communes, faire perdre le CDP et ses alliés.

Après tout, ce qui va rester dans l’histoire, ce sont les statistiques. Quand on va prendre les statistiques dans cinq ou dix ans, Zéphirin ou Me Sankara ne sera peut-être pas là pour justifier ; et on verra que c’est le CDP qui a remporté partout. Mais on si vote contre, les gens sauront que dans certaines communes, le pouvoir n’a pas eu des sénateurs et ils chercheront sans doute à comprendre. Et ils sauront qu’il y a eu désaccord sur la question du Sénat. Donc nous, comme nous savons que nous sommes à la tête de la commune de Bagré en nombre de Conseillers, si effectivement l’UNIR/PS qui s’est alliée au CDP pour diriger la commune ne participe pas, c’est sûr que le CDP perdra dans cette commune même s’il va remporter au niveau régional. Dans la commune de Bagré en effet, nous avons avons 18 conseillers contre 17 du CDP. Donc, nous allons participer en tant qu’électeurs pour sanctionner le parti au pouvoir.

Lefaso.net : Etes-vous sûr que tous vos conseillers respecteront vos consignes et qu’il n’en aura pas qui veuillent se faire élire sénateur ?

VT : Non, c’est clair qu’il n’y aura pas de candidats à notre niveau ; ça c’est déjà arrêté. Mais en tant qu’électeurs, nous savons que sauf si l’UNIR/PS participe à cette élection dans la commune de Bagré, le CDP perdra dans cette commune parce que nous sommes contre le Sénat. Et nous pensons qu’en démocratie, le vote est sacré ; c’est une chance de pouvoir voter. Il faut aller sanctionner par les urnes, parce que c’est cette voie qui nous reste. Et ce n’est pas encore tard pour l’opposition d’opter aussi pour cette stratégie. Comme le Sénat est déjà consacré dans la Constitution, et en tant que républicains, nous pensons que la seule façon de manifester notre désapprobation, c’est d’aller sanctionner dans les urnes pour qu’on comprenne que même si on force pour l’installer, il ne pourra pas fonctionner correctement car n’ayant pas le soutien de la majorité populaire.

Or en démocratie, le soutien du peuple est important. C’est pourquoi quand il n’y a pas d’unité, on a du mal à s’en sortir. Regarder un peu la Côte-d’Ivoire ; Laurent Gbagbo est à La Haye, mais Alassane Ouattara est obligé de négocier avec le FPI pour qu’il participe au processus de développement du pays parce que quand il y a une division, l’atteinte des objectifs de développement s’en trouve compromis.

Donc sanctionner le parti au pouvoir, revient à faire en sorte que le Sénat qu’on va mettre en place n’ait pas toute la légitimité pour fonctionner. Et tout cela obligera le pouvoir à engager des négociations, notamment autour des élections de 2015 pour qu’elles soient transparentes. On peut même supprimer le Sénat après sa mise en place. Ce serait même prudent pour les sénateurs de ne pas prendre de gros crédits parce que ce n’est pas sûr que le Sénat aille jusqu’au bout de son mandat.

Lefaso.net : Avec l’opposition politique, vous semblez avoir la même position sur le Sénat. Cela n’est-il pas suffisant pour rejoindre l’opposition ?

VT : Ce qui fait que nous ne voulons pas adhérer au CFOP, c’est que le CFOP divise l’opposition qu’elle ne la réunit. La loi instituant le CFOP est une loi qui en réalité, amène l’opposition à ne pas avoir de dynamisme. La loi aurait dû tout simplement financer les partis politiques, et laisser la liberté au Chef de file de l’opposition d’orienter son cap. Zéphirin Diabré a 19 députés qui sont élus sur un programme qui n’est pas celui que partagent tous les partis de l’opposition. Et on voit sa radicalisation par rapport à ses prises de position.

Donc, c’est une mauvaise loi que le pouvoir a mise en place pour utiliser l’opposition qui a intérêt à sortir rapidement de cette loi. Aujourd’hui, l’UPC ne peut pas prétendre que la ligne de l’opposition est sa ligne comme c’est le cas de l’AMP (Alliance pour la majorité présidentielle) par rapport au CDP ; pourtant elle est leader au sein de l’opposition au regard du nombre de ses députés. Il y a donc une ambiguïté dans laquelle nous ne voulons pas rentrer.

Après tout, nous voulons garder notre liberté car nous avons notre façon de faire la politique qui est vraiment d’être désintéressé et se sacrifier pour que le Burkina puisse devenir autre que ce que nous avons connu il y a 50 ans.

Lefaso.net : Y’a-t-il d’autres formations politiques au Burkina qui se réclament du centrisme comme vous ?

VT : Oui, il y a quelques partis qui se réclament du centrisme. Nous avons l’UFC (Union des forces du changement) affiliée au CFOP et le MPF (Mouvement panafricain du Faso) qui est dans la mouvance présidentielle.

Pour nous, le plus important, ce n’est pas le nombre de partis qui se réclament de notre position ; c’est vraiment d’arriver à partager des idées et à communiquer le plus possible avec la population pour éveiller les consciences.

Lefaso.net : Le MAP a-t-il l’ambition de présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2015 ?

VT : Nous disons sans hésiter que le MAP présentera un candidat, parce que si vous regardez les positions que nous défendons, nous sommes beaucoup plus proches des jeunes. De plus, nous avons une autre approche qui est qu’il revient à l’Homme politique de se sacrifier pour que son pays se développe, et non le contraire. Il faut une nouvelle race d’Hommes politiques en Afrique dans ce sens. Malheureusement, quand on analyse tout le combat autour du Sénat, il n’y a pas de propositions concrètes dans ce sens. Il faut que l’on travaille sur le plan des idées. Et il n’y a que les jeunes qui peuvent porter de telles idées.

Nous allons être candidat pour montrer, surtout aux jeunes, que nous n’avons pas à être frileux face à nos ainés ; nous avons la capacité de diriger ce pays. Nous ne serons donc pas absents du rendez-vous de 2015.

Lefaso.net : Unir l’Afrique, c’est une des missions de votre parti. Comment le Burkina peut-il véritablement participer à cette union ?

VT : La meilleure manière pour le Burkina de participer activement au processus d’unification de l’Afrique, passe par son unité interne dans un contexte de vraie démocratie. Une fois que nous serons dans une démocratie apaisée où on aura des institutions plus ou moins fortes, le Burkina pourra prendre le leadership de l’unité de l’Afrique de l’ouest, à travers notamment l’UEMOA.

Le Burkina a même intérêt à jouer le rôle de leader dans ce processus parce qu’il a pratiquement la moitié de sa population hors du territoire national. Si cette moitié est dehors, c’est parce que les autres Etats ont accepté de les recevoir.

Et je pense que le président Compaoré peut, en tant que chef d’Etat qui a duré sur la scène politique, accélérer la fédération de l’espace UEMOA qui est un exemple extraordinaire au monde. Les peuples y sont déjà intégrés, à la différence de certaines régions comme l’Afrique centrale où les peuples ne sont pas arrivés à un tel niveau de brassage.

Nous avons la chance au niveau de l’UEMOA d’avoir une monnaie commune, d’avoir une intégration économique ; ce qui nous manque, c’est juste le sacrifice des Hommes politiques qui sont malheureusement encore accros du pouvoir.

Il faudra aussi que la société civile s’y mette, parce que ce courant d’intégration doit être beaucoup plus porté par la société civile qui va amener nos Hommes politiques à aller dans le sens d’une intégration véritable.

Entretien réalisé par Fulbert Paré

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