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Rencontre Gbagbo-Compaoré : Prime à l’impunité ?

Publié le vendredi 28 novembre 2003 à 09h56min

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Ainsi, le Burkina Faso a déroulé le tapis rouge pour Laurent
Koudou Gbagbo. On ne s’y attendait pas vraiment après les
exactions subies par les Burkinabè en Côte d’Ivoire. Mais ce qui apparaît comme du politiquement incorrect s’est produit, malgré le climat de méfiance qui plombe la coopération entre les deux pays

Trois heures de retrouvailles à Bobo Dioulasso, le 26
novembre. Un "communiqué final" laconique. En fait, du déjà
entendu. Du déjà vu aussi. On se souvient de ces
communiqués à l’emporte-pièce qui ont sanctionné les récentes
visites du président ivoirien à Accra et Libreville.

Gbagbo, en
diplomate avisé mais animé par le désir ardent de sauvegarder
ses intérêts personnels, a, à chacune de ses escales, promis
de s’engager fermement sur les sentiers de la paix. Mais cet
intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire, prôné à cor et à cri, semble
être à géométrie variable. Le père de la nation ivoirienne, Félix
Houphouët Boigny, en avait fait un credo, si l’on en croit certains
analystes politiques : "La paix, ce n’est pas un mot, c’est un
comportement". Mais curieusement, les acteurs actuels de la
politique ivoirienne semblent être des têtes de mule.

Si, en effet,
ils s’étaient tous engagés à appliquer les Accords de
Marcoussis, la Côte d’Ivoire serait sortie de sa zone de
turbulence. Mais le hic, c’est que certains hommes politiques
tiennent absolument à rouler les autres dans la farine. Or, à
vouloir, coûte que coûte balayer seul la maison, on finit
soi-même par être balayé. Laurent Koudou Gbagbo
l’entendra-t-il de cette oreille ? Rien n’est moins sûr.

Les
revirements spectaculaires du président ivoirien ne sont pas de
nature à créer une lueur dans la maison Côte d’Ivoire. On se
demande en effet si le "christ de Mama" s’est réellement engagé
à mettre en pratique les recommandations de la rencontre de
Bobo Dioulasso.

Certes, un ballet diplomatique est en branle dans l’objectif
officiel de sauver l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire. Mais tous
ces chefs d’Etat qui s’agitent pour, disent-ils, recoller les
morceaux de ce pays en crise, sont-ils réellement de bonne foi
 ? La question est capitale : pourquoi n’ont-ils pas en effet fait
bloc commun pour contraindre les récalcitrants à s’inscrire dans
la logique des Accords de Marcoussis ? On a l’impression que
ces hommes "d’en haut en haut" qui s’égosillent, n’ont pour
seule ambition que de se faire une bonne santé politique.

Mais
ces coups de publicité savamment orchestrés dégagent des
odeurs nauséabondes et peuvent être suicidaires pour les
peuples africains. A-t-on seulement pensé au calvaire quotidien
que vivent les Ivoiriens et les communautés étrangères en Côte
d’Ivoire ?

Si l’on continue de faire la sourde oreille face à l’imbroglio
ivoirien, c’est probablement parce que certains faucons en font
un fonds de commerce. Tout laisse croire que certains chefs
d’Etat africains et occidentaux y trouvent leurs comptes. Même
en Côte d’Ivoire, certains "gourous" de la sphère politique et
économique n’ont pas intérêt à ce que la guerre finisse. Au
risque de perdre le contrôle des flux d’argent générés par la
crise. Laurent Koudou Gbagbo se serait même réarmé pour
parer à toute éventualité. Dans un tel contexte, il est tout à fait
logique que les Forces nouvelles prennent leur disposition pour
éviter d’être conduites à l’abattoir.

La tension pourrait donc s’accentuer. Au regard de cet état de
fait, la rencontre de Bobo Dioulasso apparaît comme un antidote
à la crise ivoirienne. Le point focal est sans doute la question de
la sécurité des Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire. A cela se greffe
évidemment le problème foncier. Mais peut-on réellement
traduire ces voeux sur le champ du concret si les différents
acteurs de la crise ne mettent pas de l’eau dans leur vin ?

Dans
le contexte actuel, il est impératif que la paix se dessine dans
l’esprit des politiques et des militaires, et se traduise dans leurs
actes quotidiens. Sinon, comme un bateau ivre, la Côte d’Ivoire
continuera de tanguer sur le rocher de la discorde.

De toute évidence, la rencontre de Bobo s’apparente à "du bruit
pour rien". La paix, la vraie, se trouve dans les Accords de
Marcoussis. On se demande donc ce qui fait courir tant Laurent
Gbagbo dans la sous-région. Alors que le remède est là, rangé
quelque part dans les tiroirs de la présidence ivoirienne.

En
vérité, les anges de la paix et du développement peuvent
reposer à nouveau leurs valises en Côte d’Ivoire. A condition
que chacun s’engage, autant que possible, à frayer le chemin du
consensus. Dans le cas échéant, les silences et les effets
d’annonce observés çà et là, ne feront que plomber l’unité
nationale et laisser libre cours à une impunité criarde. Il faut
sauver la Côte d’Ivoire avant qu’il ne soit trop tard. Il faut le faire
avec ou sans Gbagbo. C’est un devoir citoyen qui interpelle
l’Afrique et le monde.

Le Pays

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