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Alizèta Sanou/ Kouda : « Nous devons lutter contre l’avortement clandestin en nous attaquant aux causes »

Publié le vendredi 7 juin 2013 à 20h57min

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Alizèta Sanou/ Kouda : « Nous devons lutter contre l’avortement clandestin en nous attaquant aux causes »

Pour ses soixante ans d’existence, la région Afrique de la fédération internationale de la planification familiale (IPPF) a organisé un concours de dissertation sur divers thèmes portant sur son historique et sur la santé de la reproduction. Alizèta Sanou/ Kouda, vice président national des volontaires de l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) a été la lauréate de ce concours. Le mardi 04 mai 2013, nous l’avons rencontrée dans les locaux de l’ABBEF pour échanger sur son parcours et sa participation au concours.

Présentez-vous.

Alizèta Kouda : Je suis Alizèta Sanou/ Kouda. Je suis une volontaire de l’ABBEF. Actuellement, je suis le vice président national de l’ABBEF.

Parlez nous de votre parcours ?

Je suis une volontaire de l’ABBEF depuis ma 4ème. Au début, je participais aux séances de sensibilisation dans notre lycée. Quand j’étais en âge de comprendre mieux la question de la santé de la reproduction, j’ai adhéré au mouvement d’action des jeunes (frange jeune de l’ABBEF). Par la suite, j’ai été élue présidente du mouvement d’action des jeunes pour l’antenne de Ouagadougou pendant quatre ans. Après, j’ai intégré le bureau national en tant que trésorière générale nationale adjointe. Ce n’est que l’année passée que j’ai accédé au poste de vice président national des volontaires de l’ABBEF.
Au-delà de l’ABBEF, je suis élève conservatrice d’archives à l’école nationale de la magistrature (ENAM). Je suis en fin de cycle. Je milite aussi dans d’autres mouvements associatifs.

En tant que volontaire de l’ABBEF, que faites-vous comme activités ?

En tant que volontaire, nous participons à l’édition des politiques en matière de santé sexuelle et de la reproduction dont les bénéficiaires sont les populations. Le personnel exécute ces politiques à travers leurs activités.

En tant que volontaire jeune, nous menons aussi des activités de sensibilisation à l’endroit des jeunes scolaires.

Parlez-nous du prix dont vous avez été lauréate ?

Le prix a été lancé par la région Afrique de l’IPPF à l’occasion des soixante ans d’existence (novembre 1952 – novembre 2012) de la fédération. Le thème principal portait sur l’historique de la fédération, les perspectives sur les soixante prochaines années. Il y avait également des sous thèmes qui traitaient généralement de la santé maternelle et infantile, de l’avortement…

Le sous thème de l’avortement m’a intéressée car c’était une occasion pour moi d’exposer ce que nous ressentons quand nous voyons nos sœurs, nos voisines, des femmes comme nous succomber des suites d’avortement clandestin. C’était une tribune d’expression sur un sujet qui me tenait à cœur depuis belle lurette.

En quoi a-consisté le prix dont vous êtes lauréate ?

Le prix a consisté à l’octroi d’un ordinateur. C’était aussi une participation aux festivités des soixante ans en Afrique du sud.

Quel but poursuivait les organisateurs du prix ?

Les organisateurs voulaient passer en revue les actions de l’IPPF et aussi connaître la compréhension de la frange jeune de nos populations sur la question de la santé sexuelle de la reproduction.

Trois catégories avaient été retenues pour ce faire (15-20 ans ; 20-25 ans ; 25- 30 ans). Tout jeune pouvait participer à ce concours. Les dissertations pouvaient se faire en français ou en anglais et être envoyées par courrier électronique. J’ai participé dans la catégorie des 25- 30 ans.

Quel est le thème sur lequel vous avez travaillé ?

On nous demandait de parler du décès d’une connaissance suite à un avortement clandestin ou des suites de couche.

Qu’est ce que le prix représente pour vous ?

C’était une tribune idéale qui m’a permis de m’exprimer sur un sujet délicat sous nos contrées. Etre lauréate de ce prix malgré tout ce qui a été dit de sensible signifie qu’au-delà de ma personne, des gens touchés par les souffrances que j’ai décrites, pensent comme moi. Ce prix représente l’aboutissement d’un travail bien fait et j’espère que mon écrit contribuera faire évoluer, à lever le voile sur le ressenti des femmes après un avortement.

Pouvez-vous nous faire un aperçu du contenu de votre dissertation ?

Généralement, quand on parle de l’avortement, nous constatons qu’il y a deux camps qui s’opposent : ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Je me suis dit qu’il fallait transcender ces questions d’opposition ou de soutien. Au-delà en effet des questions d’étique, de mœurs, de liberté, il y a des personnes qui souffrent, qui tombent malades, qui meurent. Au-delà des raisons qui justifient notre position, il y a des vies qui sont détruites à jamais car même celles qui ne meurent pas vivent seules avec ce fardeau pour toujours (ne pouvant pas partager ce qu’elles vivent et ressentent avec quelqu’un d’autre). Je n’ai donc pas pris de position. J’ai relevé le fait qu’il faille soutenir les femmes et filles qui sont dans cette situation.

Mon travail a consisté mettre à nu les différentes manières de tomber enceintes et de se retrouver dans cette situation : celles qui ont plusieurs partenaires et celles qui ont un seul partenaire. J’ai d’abord pris le cas d’une jeune scolaire qui a été bannie par sa famille pour avoir contracté une grossesse. Aussi, ai-je identifié le cas d’une jeune étudiante qui a dû avorter pour éviter d’être bannie par sa famille. Enfin, le cas d’une jeune femme qui avorté à la demande de son fiancé. Ce dernier justifie ce choix par le fait que si la grossesse était sue, il n’aurait pas eu le mariage religieux auquel il aspire. Il veut des enfants avec sa fiancée mais pas avant le mariage.

Ne tombent donc pas enceintes uniquement les filles qui mènent une vie de débauche. Des filles et femmes tombent enceintes et pour diverses raisons sont obligées après d’avorter. Généralement, ce sont le refus de l’auteur de la grossesse, le bannissement de la fille par sa famille, le regard de la société, la méconnaissance ou l’inexistence de moyens contraceptions qui amènent les femmes à avorter.

Quel est votre mot de la fin ?

Il est vrai que l’avortement est un choix. Cependant, c’est un choix extrêmement difficile. Au-delà de nos divergences d’opinion, nous devons garder à l’esprit que nous avons nos sœurs, nos filles qui peuvent avoir recours à l’avortement. Personne ne dira c’est bien fait pour elle s’il s’agit de sa progéniture. On est plus prompt à les condamner quand il s’agit de femmes qui ne sont pas dans notre entourage immédiat. Nous devons essayer de lutter contre l’avortement clandestin en nous attaquant aux causes qui pourraient nous impliquer tous autant que nous sommes. Les femmes avortent généralement à cause de leur propre famille, à cause du regard de la société et surtout à cause du désengagement de l’auteur de la grossesse. Travaillons sur les causes liées à l’avortement clandestin et nous éviterons de grandes souffrances, des conséquences indélébiles et des décès qui touchent ces femmes et leurs familles.

Interview réalisée par Patindé Amandine Konditamdé (lefaso.net)

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