LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

Publié le vendredi 17 mai 2013 à 21h22min

PARTAGER :                          
Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

Le Burkina Faso indépendant
est à son neuvième Premier
ministre (PM). Ils ont connu des
fortunes diverses en fonction du
contexte et de leur poids
politique.

Le Duc du Yatenga,
Gérard Kango
Ouédraogo (GKO), a été
le premier à occuper le
poste de Premier ministre sous la
Haute-Volta indépendante. Il
assume le poste de 1971 à 1974
sous la deuxième république.
Pendant cette période, il présidait
aussi le bureau politique du parti
dominant, le RDA. La constitution
du 14 juin 1970 donnait des
pouvoirs étendus au Premier
ministre. Ainsi elle stipule que « le
Premier ministre détermine et conduit la
politique de la Nation. Il arrête les lignes
directrices de la politique et en porte la
responsabilité… » (article 60) et
l’article 61 précise qu’il « préside le
Conseil des ministres et dirige les travaux
du gouvernement… ».

Le Premier
ministre est le véritable détenteur
du pouvoir exécutif. Ses pouvoirs
exorbitants étaient néanmoins
tempérés par le contrôle réel sur le
gouvernement conféré par la
constitution à l’Assemblée
nationale. C’est elle qui, sur
proposition du président de la
république, investit le Premier
ministre et le gouvernement est
responsable devant elle. Ce
contrôle pouvait s’exercer aussi à
travers la motion de censure et le
refus de confiance. A l’issue des
élections législatives du 20
décembre 1970, le RDA rafle 37
des 57 sièges en jeu. Investi en
février 1971, Gérard va faire face à
la rivalité de son camarade du parti,
Joseph Ouédraogo dit Jo Ouéder
qui, lui, est à la tête de l’Assemblée
nationale.

Le président Lamizana,
confiné au rôle d’arbitre par la
constitution, n’hésitera pas à mettre
fin aux querelles des deux en
fomentant un coup d’Etat le 8
février 1974.

La troisième république a connu
également un seul Premier ministre
en la personne de Issouf Joseph
Conombo. Il occupa le poste entre
1978 et 1980. Il n’a pas de réels
pouvoirs contrairement à son
homologue de la deuxième
république. La constitution fait de
lui le subordonné du président de la
république. Dans le parti
également, le premier ministre ne
jouit pas d’une grande influence. Le
RDA reste dominé par les deux
clans rivaux (GKO et Jo Ouéder)
jusqu’ à la scission de l’ex-président
de l’Assemblée nationale qui n’a
pas supporté que le parti soutienne
la candidature du général Lamizana
à la présidentielle de mai 1978.

Après le second tour, le président
laisse à son premier ministre le soin
de gérer les différentes grèves qui
secouent le pays. Il va mal s’illustrer
en les stigmatisant. Finalement, une
fraction des officiers de l’armée va
saisir l’aubaine des grèves pour
mettre fin à la troisième république.
Entre le 25 novembre 1980 et le 11
juin 1991, cinq régimes militaires
vont se succéder à la tête du pays.
De tous ces régimes, un seul, le
CSP I, a connu un premier ministre
en la personne du capitaine
Thomas Sankara, nommé en
janvier 1983. C’est une exception
qui s’explique par les circonstances
politiques du moment. Thomas
Sankara est imposé premier
ministre en janvier 1983 par l’aile
progressiste de l’armée qui
cohabitait dans le même régime
avec l’aile dite modérée ou
conservatrice.

Le coup d’Etat du 7
Novembre 1982 n’ayant pas eu de
chef incontesté, c’est par vote que
les militaires choisissent le
président. C’est le candidat du
camp progressiste, le médecin commandant
Jean-Baptiste
Ouédraogo, qui l’emporte face à
l’autre camp incarné par le colonel
Somé Yorian Gabriel. Mais très
vite, à la nomination de Sankara,
Jean-Baptiste passe dans l’autre
camp, certainement frustré d’être
écrasé par son bouillant Premier
ministre. Ce dernier va en effet
imprimer sa marque à la primature
comme un chancelier ou un
Premier ministre britannique,
laissant le président inaugurer les
chrysanthèmes.

On peut dire que
de tous les premiers ministres,
Sankara fut celui qui a réellement
eu du poids dans son régime et de
l’influence sur la gestion des
affaires publiques malgré la
brièveté de son magistère (quatre
mois). Son arrestation le 17 mai
1983 met fin à la dualité à la tête de
l’Etat et déclenche en même temps
une crise politique aiguë qui va se
dénouer avec la prise du pouvoir
des « progressistes » le 4 Août
1983. De Premier ministre déchu,
Sankara devient président de la
république. C’est encore une
exception. Il est le seul premier
ministre qui ait réussi à devenir
président.

La 4ème république est celle qui a
battu tous les records, six premiers
ministres. Les deux premiers n’ont
pas eu une longue longévité à la
primature. Deux ans pour chacun
d’entre eux (Issouf et Roch). Leurs
successeurs (Kadré, Paramanga,
Tertius) ont fait respectivement
quatre, sept et quatre ans dans le
poste. De tous les chefs de
gouvernement de la 4ème
République, Roch a été celui qui
avait véritablement du poids dans
le système. Son influence au sein du
parti était incontestable. Au milieu
des années 90, c’était le dauphin
naturel du président Compaoré.
Les gardiens du temple ont vite fait
de circonscrire son influence en le
débarquant de la primature et en
faisant adopter l’amendement
constitutionnel de janvier 1997 qui
saute la limitation du nombre de
mandats présidentiels, coupant
court à ses ambitions de remplacer
Blaise Compaoré comme candidat
du système.

Après son éviction à la
primature, il a été mis en réserve du
système et c’est la crise consécutive
à l’assassinat de Norbert Zongo en
décembre 1998 qui va le ramener à
la surface politique. Entre temps
annoncé à la tête du gouvernement,
c’est finalement le parti et le
perchoir de l’Assemblée nationale
qui vont lui échoir pendant plus
d’une décennie. Jusqu’aujourd’hui,
c’est le seul premier ministre de la
4ème République qui ait eu un rôle
prépondérant dans le parti. Kadré
et Tertius n’ont jamais eu de
mandat électif et étaient à la
périphérie du parti. Quant à
Paramanga, son ascension a été
tardive et était éclipsé par son ex mentor
Salif Diallo, ministre d’Etat
de 2002 à 2008 sans discontinuer.
L’actuel PM ne pèse pas non plus
dans le parti. Au dernier congrès de
mars 2012, il est fait conseiller
politique au même titre que les
« bannis » du parti.

Le parti est
entre les mains de François
Compoaré assisté ou représenté
par le clerc Assimi Kouanda. Luc
Adolphe Tiao, journaliste de
formation, n’a jamais dépassé le
rôle d’observateur au sein du parti.
Il s’était même mis en retrait du
parti entre 2001 et 2008 quand il
présidait le Conseil supérieur de la
communication (CSC). Il n’a pas eu
le temps de reprendre pieds dans le
CDP et puis il est nommé
ambassadeur à Paris jusqu’en 2011.
Sa marge de manoeuvre comme PM
n’a duré qu’une année, le temps de
calmer la grogne sociale et militaire.
Les véritables détenteurs du
pouvoir ont repris leur
commandement. Son dernier
gouvernement en est le reflet. Il
avait perdu le contrôle de sa
formation(cf Mutations N°20 du
1er janvier 2013) et aujourd’hui, il
subit l’agenda de ses mentors à
l’instar du désaveu cinglant qui lui a
été infligé dans le bras de fer avec le
SYNTSHA.

Abdoulaye Ly
MUTATIONS N° 28 du 1er mai 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com . site web : www.mutationsbf.net)

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 17 mai 2013 à 23:24, par Le Démocrate En réponse à : Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

    Je trouve que vous avez plutôt relater l’histoire des premiers ministres que leur pouvoir

  • Le 17 mai 2013 à 23:41, par Sidnabiiga En réponse à : Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

    Je rectifie que Kadre a ete elu depute en 1997 dans la province du Sanematenga bien qu il a laisse son siege a son suppleant. Mais il n a plus jamais ete elu dès qu il a perdu le poste de PM. 

  • Le 20 mai 2013 à 12:28, par Neblaneda En réponse à : Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

    Belle page sur un pan de l’histoire politique de notre pays, M. Ly. Comme vous le savez, après Roch Marc Christian Kaboré, le Premier Ministre est devenu un garçon de course du Président du Faso. Ils le disent eux-mêmes : ils sont chargés de mettre en œuvre le programme du Président du Faso. Une personnalité qui n’existe ni en soi ni pour soi ne saurait avoir un quelconque pouvoir.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique