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Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

Publié le jeudi 18 avril 2013 à 22h37min

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Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

Face aux multiples violences faites aux femmes (viols, mariage forcé, lévirat, héritage en cas de décès de l’époux, harcèlement sexuel, etc.) on constate malheusement que les leaders des associations réagissent très rarement dans l’espace public (Journaux, Internet, manifestation de rues, etc.). Chaque femme semble vivre sa situation ou attendre son tour sans faire trop de bruit, quand elle ne se répend pas dans des commérages sur les malheurs des autres.

Le constat est désolant : il n’y a vraiment pas de groupes de pression dignes de ce nom pour exercer le leadership dans la promotion des droits des femmes, comme on en voit dans d’autres pays comme l’Inde, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la France, etc. Chez nous, on a le sentiement que les femmes s’en remettent au ministère de la Promotion de la femme pour combattre les injustices qu’elles subissent.

Or, le ministère qui ne dispose que de dérisoires moyens- son budget représente 0,005% du budget national- n’est là qu’en appoint pour apporter du poids à la voix des organisations de femmes de la société civile.

Pourquoi ce silence assourdissant ou ces murmures inaudibles quand il faut éléver la voix pour condamner les crimes à répétition sur des femmes ? Les ministres passent, mais les organisations féminines restent et c’est à elles d’être sur tous les fronts dans le combat émancipateur de la femme. En France, ce sont les associations de femmes qui ont pratiquement imposé le vote de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. La bienséance ou la miséricorde des hommes n’y sont pour rien dans le vote de cette loi.

La situation dans notre pays où seules quelques voix se font entendre est vraiment décévante car ces dernières, surexposées médiatiquement, finissent par apparaitre dans l’opinion comme des activistes aigries, frustrées et excessivement revendicatrices. Les rares ressources humaines du ministère très engagées dans le combat risquent de s’épuiser sans produire le moindre résultat en terme de changement des mentalités. Et là, les femmes vont se dépêcher de critiquer leur inefficacité, leur incompétence et le fait qu’elles ne soient pas à la hauteur de la tâche. Normal, leur hauteur se fonde sur la taille du groupe défendu.

A quand des récations communes et massives des collectifs et associations sur les cas de viols et de tueries sur des femmes et des filles ? Pourquoi ces associations et collectifs se traisent quand il faut élever la voix pour protester contre les violations des droits des femmes ? Si depuis que les cas sont rapportés par les médias, elles réagissaient pour crier leur raz le bol, peut-être que peu de coupables passeraient encore à l’acte. Peut-être qu’il y aurait plus de mesures de protection et des lois plus sévères pour punir les coupables.

Trop c’est trop ! Il est temps de se rendre compte que par leur silence, les leaders des associations se rendent complices des mauvais traitements que subissent les milliers de femmes et filles. Il est temps d’arrêter les commérages et d’agir ensemble, car comme le dit l’évangile, “quiconque voudra sauver sa vie, la perdra”.

Un adage bien de chez nous dit que “la bouche de la femme est son carquois”, autrement dit, ses paroles sont comme des flèches dont elle se sert pour se défendre. La société reconnait alors tacitement aux femmes, le droit d’utiliser leur bouche et leurs paroles comme arme d’auto-défense. Pourquoi diable, se privent-elles d’une arme qui leur est socialement reconnue pour dénoncer avec véhemence et insistance les violations des droits humains et les mauvais traitements subies individuellement et collectivement ?

Au lieu de mener ce combat, la célébration de la journée internationale de la femme donne lieu chaque année à des débats secondaires sur la pertinence ou pas des réjouissances populaires organisées ce jour-là et sur le pagne du 8 mars. Il est vrai que sur ce ce point, le monoploe de fait attribué à un “prestataire” pour reprendre les mots de la ministre de la Promotion de la femme Nestorine Sangaré, est en contradiction avec le libéralisme économique prôné par le gouvernement. Le marché du pagne du 8 mars n’étant pas un secteur stratégique, il faut l’ouvrir à la concurrence.

Bien souvent, dans les conflits homme-femme, on entend conseiller à l’homme de "casser la bouche de la femme pour qu’elle se taise". Ce mode de gestion des conflits qui n’est que l’apologie de la violence, vise à contraindre la femme à se taire et à renoncer à ses droits. Sous l’effet de la colère, il arrive hélas que ceux qui ont trop compris ce “conseil” fassent taire définitivement la femme en la tuant.

Est-ce à force de se faire "casser la bouche" que les femmes burkinabè ont interiorisé la peur des réprésailles au point de ne plus vouloir oser élever la voix pour dénoncer collectivement les violences qu’elles subissent ? On peut le penser !

Dans la vie publique, la même maxime s’applique. Quand une femme ose prendre souvent publiquement la parole, elle finit par agacer les tenants réels ou supposés du pouvoir social. On va donc sensibiliser gentillement mais fermement son mari à faire quelque chose, à prendre ses responsabilités d’homme et "faire taire" sa femme en privée. Car, dans une société phallocratique, se battre publiquement avec une femme est une honte pour un homme digne de ce nom.

Cette donne commence toutefois à changer avec la montée insidieuse des extrémismes religieux. Certes, le phénomène est encore marginal, mais dans nos quartiers, des femmes et de jeunes filles subissent des pressions parce qu’elles ne s’habilleraient pas “convenablement”. Toutefois, les manifestations publiques pour les droits des femmes étant très rares dans notre pays, il y a peu d’exemples de violences collectives et publiques exercées contre des femmes.

On a quand même en mémoire, le cas de l’élue de Boulmiougou, prise à partie par une meute d’hommes et dont les images humiliantes ont circulé sur la toile, les violences faites sur les femmes de Tougan et les viols commis lors des mutineries de 2011.

Malgré tout, l’usage de la violence modérée ou extrême contre les femmes est un fait culturel ancré dans les mentalités. Le meurtre n’est toutefois pas permis, mais toléré quand on juge que la victime a une part de responsabilité avérée, notamment si elle a posé un acte considéré comme attentatoire à l’honneur du coupable.

Cette acceptation sociale de la violence "légitime" et l’usage disproportionné de la force qui en résulte mettent les femmes en situation de grande insécurité et de vulnérabilité. Bien évidemment, éradiquer cette violence “légitime” n’incombe pas seulement aux femmes, mais c’est bien elles qui devraient être à l’avant-garde de ce combat pour prévenir les fémicides.

A la décharge des organisations féminines, il convient de reconnaitre que l’art et la manière de constituer une groupe de pression s’apprend. Créer, organiser et faire fonctionner efficacement un groupe de pression dans le respect de la loi requiert plus que la simple volonté et l’enthouiasme.

A l’image des syndicats qui manifestent régilièrement pour défendre la cause des travailleurs, les femmes aussi doivent défendre leur cause spécifique sans tomber dans le piège apparent d’une guerre des sexes qui ne dit pas son nom. L’objectif porsuivi par les organisations de femmes n’est pas de conquérir un quelconque pouvoir social au détriment des hommes, mais d’oeuvrer à l’instauration d’une justice sociale qui protège les droits élémentaires des personnes sans distinction de sexes.
L’heure est venue de trouver les règles organisationnelles et d’expression pour des groupes de pression féminins afin qu’ils puisent promouvoir le dialogue social et la protection des droits humains fondamentaux des femmes et des filles. C’est la prochaine étape dans le processus de construction d’un mouvement féminin efficace, responsable et socialement compris et soutenu. C’est une condition nécessaire pour que dans un avenir proche, tous les burkinabè soient égaux en droits comme le dispose la Constitution.

Joachim Vokouma

Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 18 avril 2013 à 21:35, par siou En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Si cet appel pouvait être entendu ! C’est l’une de mes préoccupations. Dans mon petit quartier il y’a 7 filles mèrs et une 8tième qui accouchera bientôt sans oublier celles qui avortent ;c’est une violence parce qu’elles sont très jeunes ,leur avenir est compromis avec des enfants dont les géniteurs n’assument pas toujours leur responsabilité. ce n’est pas le 8 mars qu’il faut attendre.le combat doit être mené tous les jours. Il faut protéger les femmes et les filles sinon....

    • Le 19 avril 2013 à 08:09 En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      As - tu chercher à savoir pourquoi elles sont filles mères ? Je pense qu’il faut éviter de dire que quand quelque chose ne va pas c’est de la faute de l’homme. Ont elles été violées ? Si non, s’il y a eu consentement alors pourquoi, elles ne se sont pas protégées pour quoi les auteurs ont ils refusé d’assumer leurs responsabilités ? Je ne défends pas les hommes mais je veux dire qu’il faut situer les responsabilités. Je le dis parce que j’ai connu des cas ou des filles se sont faites enceintées dans l’optique qu’elles soient épousées sans le consentement du monsieur ou avec des hommes mariés.

    • Le 19 avril 2013 à 09:20, par Clarisse En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      Bonjour Siou,

      Je viens de lire votre réactions et je vous reponds parce que j’aimerais rentrer en contact avec les 8 filles dont vous parlez pour voir dans quels cas je pourrais les appuyer dans la recherche de solutions à leurs problemes et peut être meme une petite aide de temps en temps.

      Je reste disponible pour rencontrer des filles en situations difficiles pour des echanges et surtout la sensibilisation pour éviter de tomber dans de pareilles situations.

      Svp envoyez moi un mail à l’adresse suivante : sosfillesmeres@yahoo.fr

      Bonne journée

    • Le 21 avril 2013 à 09:25, par Wendpangany En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      Nous félicitons Joachim Vokouma pour ces verities bien dites.
      Nous les femmes devons ouvrir nos yeux, nous unir pour mieux défendre nos soeurs les femmes intellectuelles devraient aider ceux qui ne le sont pas à se défendre et non pas s’unir à ceux qui se réjouissent de leurs conditions en les traitant illettré .

  • Le 19 avril 2013 à 08:14 En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Les femmes doivent comprendre que leurs combats sont ailleurs que dans les djandjobas.

  • Le 19 avril 2013 à 08:44, par la victime d’une ouagalaise En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Oui mais il faut dire aussi que les femmes abusent de plus en plus des hommes ! je me suis fait convoquer à la gendarmerie par une fille juste parce que je l’ai invitée et comme elle voulait manger du poulet et que je n’vais pas l’argent elle se fache me traite de tous les noms et le lendemain porte plainte contre moi pour harcelement sexuel ! et il s’en est fallu la vigilance d’un gendarme qui connaissait peut etre cet abus des filles deouaga pour que je ne sois pas auditionné !!! et il est très frequent d’ailleurs qu’au moindre couac une fille ou une femme menace un homme de porter plainte pour harcelement sexuel comme si la police et la gendarmerie donnaient systématiquement raison aux filles . donc alerte aux forces de l’ordre : soyez vigilants ; beaucoup de filles se vengent et vous rendent complice de leurs ex ou demecs qu’elles n arrivent pas à bouffer.d’ailleurs faut il rappeler qu’en france le harcelement sexuel a été depenalisé après que les autorités eurent remarqué que 2/3 des accusations étaient en fait des accusations gratuites voire souvent des chantages financiers ! alors defendons les femmes mais demasquons celles qui veulent abuser de leur statut de femmes pour gacher la vie des hommes.et à la gendarmerie et la police je dis ceci : ne donnez pas systematiquement raison à une fille dès qu’elle porte plainte pour harcèlement sexuel, il s’agit très souvent de vengeances et de mensonges.

    • Le 19 avril 2013 à 10:43, par espoir En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      Hé mec ton histoire ne tient pas debout ! On parle de chose sérieuses ! Aucune fille ou femme ne te trainera devant la gendarmerie ou police ou tribunaux parce que tu lui a refusé la bouffe d’un poulet grillé ! Non soyons sérieux ! Le débat de cet article est ailleurs !! Évitons de détourner l’attention des gens !

  • Le 19 avril 2013 à 10:33, par espoir En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Bel article ! Tu dis là des vérités auxquelles beaucoup de gens pensent mais n’osent pas dire haut ! Les associations féminines sont des associations de façade ! Les membres manquent d’engagement et de conviction dans le domaine où ils adhèrent ! Oui. Il y’a tellement de cas de violences faites aux femmes dans notre pays qu’on ne comprend pas le silence coupable des associations comme : "les femmes juristes" ; "WILDAF" ; le zonta club ; les soeurs Optimistes etc.
    Peut être qu’elles ne savent pas comment mener tels plaidoyers ! Mais çà s’apprend mesdames !!!

  • Le 19 avril 2013 à 16:47, par VAGABOND En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Ce sont ces soi disant leaders qui sont en realite les predateurs de la liberte des femmes et des filles. Allez dans leurs bureaux pour comprendre.

  • Le 19 avril 2013 à 16:53, par Alexio En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Le probleme concernant les femmes violees et autres injustice sosiale a leur endroit est pour moi une lachete du legislateur quio a fui ses engagements a commencer par le PF du Faso. En France enceinter une fille a bas ages est un crime. Il faudfrait une legislation pour clarifier cette egalite devant la justice quand il s agit les deux sexes. La pedophilie doit etre sanctionner comme l excision des femmes. Malheureusement la dependance economique a lhomme compromet cette lutte de longue haleine. Elle ne serait gagner que si les femmes intectuelles mettront leur intellect au service de cette lutte.

  • Le 19 avril 2013 à 17:09, par mimi En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Merci monsieur le journaliste. Mais tu sais que quand les femmes se lèvent pour protester contre quelque chose on trouve toujours à dire. Si pour cette chose pour laquelle je veux me battre on m’insulte et on m’humilie que veux -tu que je fasse. On fait cela pour me faire taire. Tu as parlé du cas de boulmiougou. Osera t-elle sortir encore ? Elle se taira pour toujours. Qu’allons nous faire ? Sinon nous voyons les violences et nous entendons aussi des nouvelles sur les violences faites aux femmes. Mais si les hommes se mettaient un peu à la place des femmes, s’ils pensaient un peu que cette femme qu’ils martyrisent pouvaient être sa femme, sa soeur, sa tante ,sa mère ou sa propre fille je crois qu"ils réfléchiraient avant de battre une femme. Aucun homme ne veut que quelqu’un d’autre fasse du mal à sa propre fille ou sa mère. Que les hommes prennent le temps de comprendre avant toute décision.

    • Le 20 avril 2013 à 03:00, par Dommage En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      Il y a plus triste pour moi. C’est les femmes, quelques fois quand elles sont "haut placées, font la concurrence entre elles et oublient loyalement leurs consœurs. C’est les même qui se dénigrent.

      Le reste, n’oubliez pas qu’elles sont moins scolarisées que les hommes. Par conséquent, beaucoup ignorent leurs droits. Une bonne partie de celles qui connaissent leurs droits en abusent. La société aussi machiste.

      Juste pour dire que le bout du tunnel est encore loin. Triste réalité !

    • Le 21 avril 2013 à 11:17 En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

      les pires personnes qui maltraitent les femmes sont les femmes-elles,je veux parler de ces femmes qui se intellectuelles,civilisées,hat placées etc...! elles prennent des jeunes filles bonnes a tout faire et souvent dans des conditions qui frisent l’esclavagisme et ce sont les mêmes qui organisent ces journées machin machin de la femme,du 8 mars etc avec des slogans creux,tout ça pour se faire de l’argent auprès de leurs amies partenaires de l’étranger mais ça,on n’en parle jamais.

  • Le 20 avril 2013 à 15:00, par Isabelle Tapsoba En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Merci M. Vokouma pour cet écrit qui dépeint la réalité des organisations féminines au Burkina Faso. Cet écrit est un appel à la réflexion et surtout à l’action et j’ose croire que les organisations faîtières féminines de tout genre et singulièrement celles de lutte contre les violences faites aux femmes (devrais-je les citer ?) devraient se montrer plus visibles et plus combative sur ce champs de bataille.

  • Le 21 avril 2013 à 09:21, par Wendpangany En réponse à : Le silence complice des femmes burkinabè (Fin)

    Nous félicitons Joachim Vokouma pour ces verities bien dites.
    Nous les femmes devons ouvrir nos yeux, nous unir pour mieux défendre nos soeurs.
    les femmes intellectuelles devraient aider ceux qui ne le sont pas à se défendre et non pas s’unir à ceux qui se réjouissent de leurs conditions en les traitant illettré .

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