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BURKINA SECOURS ET ORDRE DE MALTE DANS LES HAUTS-BASSINS : Le secours privé à l’épreuve de l’humanitaire

Publié le mardi 9 avril 2013 à 21h44min

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BURKINA SECOURS ET ORDRE DE MALTE DANS LES HAUTS-BASSINS :  Le secours privé à l’épreuve de l’humanitaire

Burkina Secours et Ordre de Malte, sont deux ONG dont les agents travaillent 24h/24, pour sauver des vies, parfois au péril de leur vie. Le social et l’humanitaire ayant pris le pas sur l’appât du gain, au regard des réalités du terrain, ces deux structures rencontrent des difficultés énormes. Malgré tout, elles persévèrent et contribuent, tant bien que mal, à soulager des malades, des accidentés, des familles en désarroi...

Il est 5h, un vendredi dans la ville de Sya. Les fidèles musulmans se préparent à accomplir la première prière de la journée. Deux ambulances et une dépanneuse de Burkina Secours sortent pour une intervention, sous une pluie battante. Dans une des ambulances où nous avons pris place, c’est le silence absolu. « En partance pour chaque intervention, tout le monde est habité par le stress et l’angoisse, à telle enseigne que personne n’a la tête à la causerie. A travers le silence, chacun se demande s’il sera à la hauteur de la mission qui l’attend. Est-ce qu’il reviendra de cette opération ? Autant de questions qui nous exhortent à rester silencieux jusqu’au lieu de l’intervention », confie le directeur et fondateur de Burkina Secours, Alain Saignol. Ce jour-là, un accident de la circulation venait de se produire dans la localité de Bodialindara, à 40 km de Bobo-Dioulasso, aux environs de 4 heures 30 minutes. Alertés, les sapeurs-pompiers ont demandé l’appui de Burkina Secours. Un car de transport en commun en provenance de Ouagadougou pour la Côte d’Ivoire s’est renversé. Il n’y a pas eu de mort, mais parmi la cinquantaine de passagers dont de nombreux femmes et enfants, il y a eu une dizaine de blessés, dont deux cas graves. La circulation sur la route nationale n°1 a été bloquée de 4 heures 30 minutes à 8 heures, sa chute a obstrué la voie de façon transversale. Les victimes ont pu être évacuées au Centre hospitalier universitaire Souro-Sanou (CHUSS) par les équipes des deux structures. A la fin de l’opération, la joie se lisait sur le visage des éléments des sapeurs-pompiers et de Burkina Secours, car aucun passager n’a perdu la vie. Ainsi se conjugue le quotidien des équipes de Burkina Secours, une structure de secours privée au Burkina.

Avant, on faisait payer 2000 F CFA

« Lorsqu’on nous appelle pour une intervention, on s’y rend. Si c’est à l’intérieur de Bobo-Dioulasso, c’est totalement gratuit. Avant, on faisait payer 2000 F CFA, mais on a dû renoncer à cette participation financière parce qu’ayant constaté que les gens avaient plus de problèmes que nous. Cependant, des familles bienveillantes nous donnent un peu d’argent que nous utilisons pour l’achat des gants et bien d’autres petits matériels », explique Alain Saignol. Créée le 22 décembre 1972 sous le nom de , la structure, au rythme des péripéties du pays d’accueil, devient en 1984. C’est une organisation à caractère social et à but non lucratif qui, à travers des évacuations sanitaires vers les centres médicaux, vient en aide aux malades, femmes en couche, victimes de la route et autres accidentés. Elle dispose aussi de centres d’accueil, d’écoute et de soins pour personnes âgées. Selon son responsable, l’ONG génère ses ressources par la manutention, la récupération des véhicules accidentés, le transport de machines à l’aide de porte-char qu’il loue parfois aux sociétés minières. Mécanicien-auto et sapeur-pompier de profession, le promoteur, Alain Saignol, est un Français naturalisé burkinabè. Le 7 novembre 1967, il s’installe à Bobo-Dioulasso pour réparer les véhicules de la mission catholique. Avec son service de dépannage, M. Saignol est sollicité par la police et la gendarmerie lors des accidents. Par la suite, il évacue les blessés dans sa vieille Peugeot 403 transformée pour la cause. Ses collègues français lui envoient sa toute première ambulance en 1972. Aujourd’hui, Burkina Secours dispose de cinq ambulances médicalisées dont quatre fonctionnelles, une dépanneuse, une grue, et un porte-char. En outre, elle possède une voiture tout- terrain spécialement équipée pour sauver les personnes coincées dans un véhicule ou dans une maison. Tout comme Burkina Secours, l’Ordre de Malte, une autre ONG de secours privée a le même mode d’intervention. Il s’est installé au Burkina en 1998. Il compte 32 agents, à savoir 25 secouristes brancardiers intervenant aux urgences du CHUSS de Bobo-Dioulasso, et 7 au Centre de secours de l’Ordre de Malte. Cette ONG donne des formations en secourisme. « Lorsqu’il y a un accident, nous intervenons sans condition. Quand les sapeurs-pompiers sont débordés, ils nous font appel pour évacuer les blessés. Pour le transport simple de malades du domicile vers une structure sanitaire, ou d’une structure sanitaire à une autre, ou à un domicile, cela fait 3 000 FCFA à l’intérieur de Bobo-Dioulasso. En ce qui concerne les déplacements hors de la ville, on fait 200 F CFA/km », explique le directeur du Centre de secours de l’Ordre de Malte de Bobo-Dioulasso, le Dr Salif Ouédraogo, un enseignant-chercheur à l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB). Selon lui, l’Ordre de Malte de Bobo-Dioulasso a débuté avec des secouristes volontaires sous la couverture de l’Ordre de Malte/ France, en tant que bénévoles, puis moniteurs après des formations à Burkina Secours et chez les sapeurs-pompiers. Sa consœur de France l’a doté d’une ambulance de seconde main en 2000, lui permettant ainsi de mener des activités à son propre compte. Au début, les sorties se faisaient uniquement de jour. Avec la croissance des demandes d’intervention et la nécessité d’améliorer le service au profit des populations, l’Ordre de Malte a décidé de travailler 24h/24. Il dispose présentement d’une dizaine de voitures médicalisées.

Le manque de subventions, un handicap majeur

Le travail louable et noble de ces deux ONG ne se fait cependant pas sans difficultés. Selon le directeur de Burkina Secours, les salaires de ses agents sont dérisoires. Faute d’argent, parce que ne recevant pas de subvention, l’ONG travaille avec les moyens de bord. M. Saignol indique que la consommation mensuelle de carburant, seulement pour la ville de Sya, varie entre 600 000 et 900 000 FCFA en moyenne. , souligne-t-il. Avec les maigres ressources financières, ajoute-t-il, la priorité va à la visite technique des engins, à l’assurance, et au salaire des 17 employés dont 7 ambulanciers. M. Saignol dit être endetté auprès des stations d’essence, des services des impôts et de sécurité. Conséquence, depuis près d’une dizaine d’années, il dit ne plus percevoir ses indemnités. « A deux reprises, les Impôts sont venus pour fermer l’ONG. Je leur ai dit qu’il n’y avait pas de problème, mais qu’en cas de non intervention pour évacuer des accidentés ou des malades, on posera plainte contre eux pour non assistance à personne en danger. C’est ainsi que les agents des Impôts sont repartis », dit-il, avant de confier que les bénéficiaires des services de l’ONG lui doivent jusqu’à 63 000 000 de F CFA. Cela s’explique par le fait que les payements se font tardivement ou même pas du tout. De plus, certains transporteurs deviennent injoignables, après le service que l’ONG leur a rendu. Chez l’Ordre de Malte également, Dr Ouédraogo explique que la faible capacité financière de sa structure freine son élan. , explique-t-il. Une autre difficulté de ces deux ONG est qu’elles ne disposent pas de numéro vert. Elles ne sont joignables que sur des numéros fixes de leurs services respectifs ou sur ceux de leurs responsables.

Ces difficultés n’entachent en rien leur détermination. Pour être plus efficaces, elles ont décidé d’entretenir entre elles de très bons rapports, et aussi avec les sapeurs-pompiers de Bobo-Dioulasso. Bien qu’installées dans la capitale économique du Burkina Faso, elles interviennent sur toute l’étendue du territoire national. L’Ordre de Malte, en particulier, entend créer des représentations dans les grandes villes, comme elle l’a déjà fait à Dori, Dédougou et Gaoua. Outre le Burkina Faso, ces ONG opèrent dans la sous-région ouest-africaine pour le transfert de corps. Si elles ne tirent de profit financier de leurs activités, elles bénéficient, au moins, de la gratitude des populations et de certains organismes.

Le secrétaire général adjoint de l’Organisation des transporteurs routiers du Faso (OTRAF), Lazé Hamidou Zerbo, fait une fière chandelle à Burkina Secours qui, témoigne-t-il, évacue les blessés et remorque les véhicules accidentés jusqu’en ville. Il soutient que la quasi-totalité des transporteurs de l’Afrique de l’Ouest, notamment du Mali, du Ghana, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire profitent de Burkina Secours dans la mesure où, s’il y a un accident, ses agents se déploient, très souvent, sans attendre d’y être invités. « Certains transporteurs n’ont pas de répondants à Sya, ce qui rend difficile le payement des cachets auprès de Burkina Secours. Chaque jour que Dieu fait, nous intervenons pour régler des situations où les transporteurs burkinabè et même d’autres pays n’arrivent pas à honorer leurs factures. Par conséquent, les 63 000 000 de FCFA de dettes ne m’étonnent pas », laisse-t-il entendre. Pour le médecin généraliste aux services des urgences du Centre hospitalier universitaire Souro-Sanou (CHUSS ), Dr Ousmane Berthé, les secours privés accomplissent une tâche énorme. Cependant, il déplore le manque de coordination avec le CHUSS quant à l’évacuation des victimes lors des accidents. , recommande-t-il.

Sauvés grâce aux secours privés

Le 30 septembre 2010, Cécile Faho, enseignante à l’école primaire Marie-Gabrielle Schoulet 1 de Bobo-Dioulasso, a eu une double fracture à la jambe gauche, et a subi trois interventions chirurgicales. Obligée d’aller à l’hôpital en taxi, elle dit avoir souffert à cause de l’état défectueux de la route. Mais avec l’Ordre de Malte, affirme-t-elle, . Boureima Dao, enseignant de son état, a lui aussi bénéficié des services de Burkina Secours. En effet, courant avril 2011, il a été victime d’un accident et s’est fracturé le fémur gauche. « Lorsque je devais me rendre à l’hôpital pour mes soins, ils étaient toujours disponibles. C’est une structure qui œuvre dans le social, malgré les difficultés auxquelles elle fait face. Toute ma famille a été touchée par le geste, car je n’ai pas déboursé le moindre copeck », se souvient-il. M. Tiéba Ouattara, un cheminot à la retraite au secteur n°20, dit avoir fait appel au cours de sa carrière, à Burkina Secours pour aider plusieurs personnes. , confie-t-il. Autant de témoignages sur le caractère social et humanitaire de ces deux structures de renom dans le domaine du secours privé.

Souaïbou NOMBRE
snombre29@yahoo.fr


Quelques interventions marquantes

"Un bébé de 9 mois avait avalé une capsule de comprimé qui l’étouffait. Alerté, Burkina Secours l’a transporté au dispensaire où M. Saignol a pratiqué sur lui, la . La capsule s’est renversée et ainsi l’enfant s’est mis à respirer de nouveau, mais toujours difficilement. Du dispensaire, il a été transporté au CHUSS de Bobo-Dioulasso. Malheureusement, le seul médecin devant intervenir était en congé et avait emporté la clé du bureau où se trouvait l’appareil à utiliser dans le cas précis. Le patron de Burkina Secours a fait alors appel à un autre médecin, mais ce dernier lui fait savoir qu’il n’avait pas le temps, parce qu’il devait aller à la messe. Alain Saignol a décidé de l’évacuer à Ouagadougou. Arrivés dans la nuit au Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo (CHUYO), le médecin de garde leur a fait savoir qu’il avait une occupation et qu’il ne pouvait pas examiner le bébé immédiatement. Heureusement, l’enfant a éternué avant le lever du jour, et sa gorge a été libérée de la capsule".

"Une fille de 19 ans a été victime le 25 septembre 1999, d’un accident de la circulation au secteur n°20 de Bobo-Dioulasso. Elle avait une fracture ouverte à la jambe droite et une autre au niveau de la clavicule gauche. Cette jeune fille avait également une blessure importante à la jambe gauche et une autre sur le visage. Considérée comme morte, elle sera sauvée grâce à Burkina Secours qui l’a transportée à l’hôpital. Après trois jours de coma, elle reprit conscience, mais est restée cinq mois paralysée. Ayant recouvré sa santé, elle vit présentement chez son mari avec lequel elle a eu un enfant".

S.N.


Des chiffres parlants

De 2010 à 2012, l’Ordre de Malte a évacué 1665 accidentés tandis que Burkina Secours en a acheminé 1680. Concernant les malades, ce sont 3152 et 1353 cas qui ont été transportés vers des centres de santé, respectivement par l’Ordre de Malte et Burkina Secours. Toujours à cette période, 1045 femmes en couche ont été évacuées par l’Ordre de Malte et 483 par Burkina Secours.

S.N.

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