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Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

Publié le jeudi 21 février 2013 à 21h04min

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Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

Le Professeur Cheikh Anta Diop
est décédé le 7 février 1986 à
Dakar. Son immense oeuvre
éclaire toujours la lanterne de la
jeune génération. Ses
nombreuses recherches ont mis
en lumière le savoir et le savoir faire
dans l’Afrique noire avant la
domination coloniale dans une
cité comme Tombouctou qui,
une fois de plus, vient de subir
l’incendie de ses précieux
manuscrits.

L’Afrique anhistorique a
été longtemps le thème
ressassé par ceux qui
ont assujetti le
continent noir pendant des siècles.
Une littérature abondante a été
produite dans ce sens. Pour la
circonstance,une partie de l’élite
intellectuelle européenne s’est livrée
à des assertions idéologiques dans le
dessein d’atteindre un objectif :
chosifier le noir et se donner bonne
conscience pour l’utiliser comme
une bête de somme pendant la
période de domination. C’est ainsi
que des éminences grises comme le
comte Arthur de Gobineau, l’auteur
de la théorie des inégalités des races,
ont pu affirmer sans sourciller
que : « La variété mélanienne est la plus
humble et gît au bas de l’échelle. Le
caractère d’animalité empreint dans la
forme de son bassin lui impose sa destinée,
dès l’instant de la conception. Elle ne
sortira jamais du cercle intellectuel le plus
restreint. Ce n’est cependant pas la brute
pure et simple que ce nègre à front étroit et
fuyant, qui porte, dans la partie moyenne
de son crâne, les indices de certaines énergies
grossièrement puissantes. Si ses facultés
pensantes sont médiocres ou même nulles, il
possède dans le désir, et par suite dans la
volonté, une intensité souvent terrible.
Plusieurs de ses sens sont développés avec
une vigueur inconnue aux deux autres
races : le goût et l’odorat. » Le Professeur
Cheikh Anta Diop bat en brèche ces
allégations haineuses et racistes et
donne un éclairage du niveau
intellectuel de l’Afrique noire avant
la domination coloniale. Dans son
ouvrage intitulé L’Afrique noire
précoloniale, il situe l’échelon
intellectuel dans lequel l’Afrique
noire médiévale était parvenue dans
une cité comme Tombouctou au
Mali. Le quadrivium composé de 4
branches du savoir : l’arithmétique,
la géométrie, l’astronomie et la
musique était enseigné dans les
universités tombouctiennes.

Tombouctou, cité savante

Les savants de Tombouctou au
Moyen-âge étaient de la même classe
intellectuelle que leurs collègues
arabes. Ils les dépassaient parfois
dans le domaine de l’érudition. Le
Tarikh es-soudan souligne qu’un
certain Abderrahman- Et-Temimi,
originaire de Hedjaz, invité par le roi
du Mali Moussa Kankan, a pu se
rendre compte de cette réalité.
L’auteur du Tarikh martèle qu’« il se
fixa à Tombouctou et trouva cette ville
remplie d’une foule de jurisconsultes
soudanais (NDLR maliens). Aussitôt
qu’il s’aperçut que ceux-ci en savaient plus
que lui en matière de droit, il partit pour
Fez, s’y adonna à l’étude du droit, puis
revînt se fixer de nouveau à
Tombouctou. » Le Trivium, l’étude de
la grammaire, de la logique
d’Aristote (logique formelle, logique
de la grammaire), la rhétorique
étaient enseignés dans les
universités. Cheikh Anta Diop indique que
dans le chapitre X du Tarikh es
soudan sont consignées les
biographies de 17 savants de
Tombouctou avec des indications
des matières qu’ils avaient assimilées.
Les 17 érudits étaient presque tous
des dialecticiens, des rhétoriciens,
des grammairiens, des juristes…
L’enseignement pendant la période
était l’oeuvre du clergé musulman.

A Sankoré, les étudiants étaient
constitués des gens de tous les âges.
La mosquée servait de cadre
d’enseignement, d’université. Le
nombre des établissements
d’enseignement était estimé entre
150 et 180 à Tombouctou, selon
Kâti. Un professeur comme Ali
Takaria recevait les mercredis, jour
de congé, 1725 cauris. Chaque
étudiant apportait 5 à 10 cauris. Les
professeurs n’étaient pas rémunérés.
Ils dispensaient les cours par pur
idéal et bénéficiaient en retour de la
part des étudiants de la
reconnaissance.

Ahmed Baba, l’auteur
de 700 ouvrages

L’exemple des auteurs des tarikhs et
d’Ahmed Baba de Sankoré achève
de convaincre que Tombouctou était
une cité savante. Ahmed Baba seul a
laissé 700 ouvrages. Chaque érudit
disposait d’une immense
bibliothèque. La tradition
intellectuelle à l’époque de Sâdi au
XVI siècle était déjà ancienne. A
propos du savant Mohmmed Ben
Mahmoud, Sâdi dit : « Il a fait un
commentaire du poème en redjez de El-
Moghili sur la logique. Mon père avait
étudié sous lui la rhétorique et la logique. Il
mourut au mois de Safar de l’an 930
(septembre 1565). Sâdi lui-même était
savant dans beaucoup de branches
du savoir. La preuve, il a commenté
plusieurs textes de matières variées.
Pourtant, il ne fut pas ses études
ailleurs, c’est à Tombouctou chez un
habitant de la cité. Voici ce que
l’auteur du Tarikh dit de Ben
Mahmoud Ben Abou Bekr : « Pour
tout dire, il fut mon professeur, mon maître
et personne ne m’a été aussi utile que lui,
soit par ses livres. Il m’a délivré des
diplômes de licence écrits de sa main sur les
matières qu’il m’enseignait suivant sa
méthode ou suivant celle d’autrui. Je lui ai
communiqué un certain nombre de mes
ouvrages ; il y a mis des annotations
flatteuses pour moi ; il a même reproduit les
résultats de certaines de mes recherches et je
l’ai entendu en citer quelques-unes dans ses
leçons, ce qui prouve son impartialité, sa
modestie et son respect pour la vérité en
toute circonstance. Il était avec nous le jour
de notre malheur. » Bien avant la
période coloniale, explique le
professeur Cheikh Anta Diop,
l’Afrique noire avait eu accès au
savoir. Certains sceptiques peuvent
rétorquer que ces foyers de
connaissance avaient subi l’influence
de l’islam et que par conséquent il
n’a rien d’originale, ni de
spécifiquement africain. A ces gens,
on peut répondre que l’Europe
chrétienne à la même période avait
eu à peu près le même statut que
l’Afrique dans le domaine du savoir.
Le latin est resté selon Cheikh Anta
DIOP jusqu’au XIXè siècle la langue
du savoir en Europe. L’exemple de
Gauss, le prince de
mathématique,est illustratif.. Il
écrivit ses mémoires de
mathématique en latin. L’oubli du
passé africain est un fait réel. Celui
qu’on avait surnommé « le pharaon des
temps modernes »conclut qu’ « autant les
documents permettent, comme on vient de le
faire, de ressusciter, de défossiliser
l’Histoire africaine sur une période
d’environ 1000 ans, autant le souvenir de
celle-ci s’était estompé dans notre conscience
pendant la période coloniale. »

SaglbaYaméogo

MUTATIONS N° 22 du 1er février 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com)

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Vos commentaires

  • Le 22 février 2013 à 04:10, par le fer En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

    Pour ma part, je considère que dans l’éventualité de l’existence de Dieu et des religions, l’islam tiendrait une place spéciale : CELLE d’une calamité permanente qui frapperait les peuples qui ont prostitué leurs identités la seule chose dont l’islam est capable, c’est de promouvoir et de produire l’horreur. Et Ceux d’entre nous qui connaissent l’Islam savent que la connaissance de l’Islam par les DJIHADISTES est correcte. Ils ne font rien que leur prophète n’ait pas fait ou encouragé ses fidèles à faire. Le meurtre, le viol, l’assassinat, la décapitation, le massacre et le sacrilège de la mort “pour réjouir le cœur des croyants” étaient tous pratiqués et enseignés par Mahomet et observés par les musulmans à travers l’histoire.

    • Le 22 février 2013 à 10:10, par discernement En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

      l’Auteur ici fait l’apologie des savants africains, permis par l’islam en son temps comparativement à l’occident avec le christianisme à une époque donnée, on peut être ignorant mais au moins savoir comparer. en plus il serait plus intéressant de connaître l’islam avant de donner son point de vue car apparemment vous ne connaissez que l’idéologie des terroristes et trafiquants qui se révendiquent musulmans, c’est deux choses bien différentes, instruisez-vous et vous pourriez mieux discerner. salam à vous

      • Le 22 février 2013 à 11:01, par Saali En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

        Mr Dicernement, apparemment vs ne connaissez pas ce MR (dit Le Fer), voilà pourquoi vs réagissez à ses écrits. Je vs informe qu’il est un islamophobe déclaré et irréductible qui n’intervient sur aucun sujet si ce n’est sur l’islam pour semer la zizanie. Et à force de lire ses interventions j’ai compris que c’est à dessein et non par ignorance de la religion musulmane qu’il le fait. Dans le coran il est dit aux musulmans de ne discuter avec les gens de l’Ecriture (les chrétiens et juifs) que de la manière la plus courtoise sauf s’il s’agit de ceux d’entre eux qui sont injustes ; alors....

    • Le 22 février 2013 à 15:38, par Le leader bien aimé En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

      Hors sujet ! Tu gagnais combien en dissertation ?

  • Le 22 février 2013 à 07:26, par kodo En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

    tres important comme article. Mr le journalist merci du fond du coeur depuis Lincoln, Nebraska.

  • Le 22 février 2013 à 09:00, par Wend Kuni En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

    Bravo pour l’article.

  • Le 23 février 2013 à 10:53, par lhommearsène En réponse à : Les foyers de la connaissance dans l’Afrique précoloniale

    Merci pour l’article. On en voudrait un aussi sur l’Egypte noire "antique".

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