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Cen-Sad 2013 : « Recadrage » avant « refondation ». Sous les auspices d’un Idriss Déby Itno ressuscité.

Publié le mercredi 20 février 2013 à 21h00min

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Cen-Sad 2013 : « Recadrage » avant « refondation ». Sous les auspices d’un Idriss Déby Itno ressuscité.

Il y a un an (27-29 février 2012), les experts avaient planché sur la « refondation » de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad). C’était à Ouagadougou. Un mois avant, à Addis Abeba, en marge du 18ème sommet de l’Union africaine, une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’organisation avait été convoquée à l’invitation de celui du Tchad, pays qui présidait la Cen-Sad.

Créée le 4 février 1998, à Tripoli, cette communauté imaginée et financée par Kadhafi, voulait être le « show-room » du « guide de la révolution » avant de devenir le tiroir-caisse permettant au « roi des rois traditionnels d’Afrique » de financer sa clientèle politique sur le continent. Ce qui ne l’a pas empêché de « se prendre les pieds dans le tapis » le jeudi 20 octobre 2010. Cela ne chagrina pas trop les chefs d’Etat africains mais faisait un trou dans leur budget de fonctionnement.

La Cen-Sad, sans « fric » à redistribuer, n’avait plus grand sens. Elle était d’ailleurs en panne alors que les problèmes dans le « corridor sahélo-saharien » (sa raison d’être initiale) s’aggravaient : rébellion des Touareg, AQMI, prolifération des armes légères, trafics en tous genres, criminalité organisée, insécurité alimentaire et même famine… La réunion d’Addis Abeba s’était tenue avant qu’au Mali le MNLA ne déclare la « guerre » à Bamako. Celle de Ouaga prendra en compte cette évolution de la situation sans penser qu’un mois plus tard Amadou Toumani Touré allait, à son tour, « se prendre les pieds dans le tapis ».

A Addis Abeba, l’an dernier, Djibrill Y. Bassolé avait plaidé pour une « refondation totale de la Cen-Sad » afin d’en « faire un outil efficace au service des peuples des Etats membres. Respectueuse de l’égalité souveraine des Etats membres, cette nouvelle Cen-Sad devra être dotée, disait-il, d’une nouvelle charte et fonctionnera dans la transparence sur des bases démocratiques avec une architecture administrative et financière moderne ». Kadhafi était bien mort. Et le ministre libyen des Affaires étrangères balancera une nouvelle pelletée de terre sur son cadavre : « La Cen-Sad doit se démarquer des pratiques qui avaient cours sous le régime Kadhafi ». Ethiquement probant ; financièrement désolant.

Après quinze années d’existence, la Cen-Sad – qui regroupe aujourd’hui la moitié des Etats du continent, y compris une flopée de pays qui n’ont rien à voir avec le Sahel ou le Sahara* mais pas l’Algérie, le plus sahélo-saharien des Etats africains – a voulu faire la démonstration qu’elle pouvait… faire sans le « guide ». Plus exactement, son président en exercice, Idriss Déby Itno, président de la République du Tchad, a vouloir faire la démonstration que la page Kadhafi était tournée et que le nouveau « boss » sahélo-saharien c’était lui. La meilleure preuve en est qu’à l’occasion de la conférence extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cen-Sad, qui s’est tenue à N’Djamena le samedi 16 février 2013, le président de la Cédéao, président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane D. Ouattara, a « rendu un hommage appuyé au président tchadien […] pour son engagement dans la résolution de la crise malienne avec l’envoi de plus de 2.000 soldats ».

Le diplomate nigérien, Ibrahim Sani Abani, secrétaire général intérimaire de la Cen-Sad, n’a pas manqué, quant à lui, de rappeler que le chef de l’Etat tchadien « a toujours attiré l’attention de la communauté internationale en son temps sur les conséquences collatérales du conflit libyen qui perturbent la quiétude et compromettent le lancement des projets et programmes politiques de développement dans le Sahel et le Sahara ».

Sani Abani ne s’est pas arrêté en si bon chemin dans l’éloge du chef de l’Etat tchadien, faisant remarquer qu’il a fallu attendre que « l’intervention de la France au Mali [serve] de déclic pour que les pays africains [entreprennent de] restaurer l’intégrité territoriale et l’unité du peuple malien et combattre le terrorisme et l’extrémisme dans la bande sahélo-saharienne ». « Les Africains, a-t-il ajouté, ne peuvent pas se complaire dans cette incapacité à assurer leur propre sécurité ». On ne peut pas être plus clair ; d’autant mieux que le Niger (pays d’origine de Sani Abani) est lui aussi sur cette ligne : dénonciation des effets collatéraux du conflit libyen, nécessité d’une intervention militaire au Mali. Cerise sur le gâteau : Sani Abani a salué la « détermination [de Déby] à faire survivre la communauté malgré les moments difficiles qu’elle a traversés ». Tout est dit ; enfin presque.

Ce qui restait à dire Déby l’a dit. Si aujourd’hui, on peut « mettre à flot la Cen-Sad » c’est, d’abord, parce que les pays adhérents ont pu se réunir à N’Djamena « ce 16 février 2013 »**. Ensuite, la Cen-Sad ce n’est pas rien (alors que de nombreux commentateurs considèrent qu’elle fait doublon avec bien d’autres institutions régionales et continentales) : pour Déby, « cet espace qui regroupe 28 pays africains qui ont les mêmes besoins peut-être construit et même aider l’Union africaine dans ses objectifs d’intégration ». Pour ceux qui n’auraient pas tout compris, il n’hésitera pas à enfoncer le clou : « Je pense qu’il n’y a pas une meilleure organisation que la Cen-Sad qui regroupe un nombre important de pays dont beaucoup ne font pas partie de la même zone géographique ».

Le plus grand dénominateur commun des pays membres de la Cen-Sad (hormis l’UA bien sûr et l’OCI d’autre part qui ne sont, ni l’une ni l’autre, des organisations africaines), c’est la Cédéao ; dont le Tchad ne fait pas partie. Vient ensuite l’UEMOA ; dont le Tchad ne fait pas partie. Puis le Conseil de l’Entente ; dont le Tchad ne fait pas partie. Le Tchad n’appartient qu’au Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS). N’Djamena, que la colonisation avait rattaché à l’AEF (aux côtés du Congo, du Gabon et de l’Oubangui-Chari, aujourd’hui RCA, trois pays « forestiers ») et non pas à l’AOF, vit mal, aujourd’hui, sa présence au sein d’un ensemble sous-régional (la CEEAC) sans vitalité et dont les chefs d’Etat ne sont, pour l’essentiel, que des modèles de… longévité. Déby, qui n’est pas cependant arrivé d’hier au pouvoir, entend se démarquer de ses pairs d’Afrique centrale et reconstruire son image : la guerre au Mali est une opportunité d’autant plus forte qu’il n’a plus à subir la pression de Tripoli ! Autant dire qu’il joue, avec une certaine maestria (mais il est sur son terrain préféré), une carte diplomatico-militaire qui, aujourd’hui, le rend incontournable en Afrique de… l’Ouest. Tricard il y a quelques années, alors que les « rébellions » l’avaient contraint à faire de N’Djamena un camp retranché, Déby est aujourd’hui « l’empereur du Mali » (tout le monde ne peut pas être « roi des rois d’Afrique »). Superbe rétablissement… !

Dix chefs d’Etat sont venus assister au sacre (Bénin, Burkina Faso, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Djibouti, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Soudan). Sur le plan Cen-Sad stricto sensu un « traité révisé » a été adopté et deux « conseils permanents » ont été créés : l’un pour le développement durable ; l’autre pour la paix et la sécurité (un centre communautaire de lutte contre le terrorisme doit être créé en Egypte). Pour certains commentateurs, après les dérives des années Kadhafi, est venu le temps « du passage d’une Cen-Sad politique à une communauté recentrée sur des objectifs de développement ». C’est un « recadrage » en vue « de créer un espace de solidarité et d’entraide entre les pays du pourtour du Sahara et du Sahel » (selon Bassolé). Reste à « refonder » l’organisation et ce n’est que sur le terrain que l’on pourra juger que la Cen-Sad est enfin passée de la parole aux actes.

* Au moment de la chute de Kadhafi, la Cen-Sad comptait 29 pays membres dont les Comores, l’Erythrée, le Liberia, le Kenya, la Sierra Leone, la Somalie, Sao Tomé & Principe, le Cap-Vert…

** Le chef de l’Etat tchadien n’a pas manqué, cependant, de rendre hommage aux « réunions ministérielles qui se sont tenues à Ouagadougou, à N’Djamena, au Maroc et, maintenant, la quatrième réunion ministérielle au Tchad ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 20 février 2013 à 18:57 En réponse à : Cen-Sad 2013 : « Recadrage » avant « refondation ». Sous les auspices d’un Idriss Déby Itno ressuscité.

    vous aurez pu nous éviter votre article qui est à l’image de cette cen-sad qui va mourir de sa belle mort comme son géniteur car voilà un machin créer par un mégalo pour sa propre gloire et on voit la moitié des pays africains se ruer pour adhérer à cette connerie pour lècher les babiches de ce roi des rois d’afrique. il est mort et c’est aussi la mort de cen-sad meme si les gesticulateurs veulent nous faire croire le contraire et c’est tant mieux que ce machin crève,il ne sert à rien tout comme l’ua,la cedeao,le cilss etc etc....!

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