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Sénégal : Aminata Tall fera-t-elle du CESE sénégalais un « machin » utile ? Pour les Sénégalais… !

Publié le mardi 5 février 2013 à 18h37min

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Sénégal : Aminata Tall fera-t-elle du CESE sénégalais un « machin » utile ? Pour les Sénégalais… !

C’est, hélas, une donnée quasi générale en francophonie : les Conseils économiques et sociaux (désormais, également, bien souvent, à l’instar de la France, « environnementaux ») sont des « machins » où sont nommés « des amis politiques en mal de poste ou des candidats malheureux aux élections ». « Un lot de consolation » dit-on souvent.

En 2004, lors du renouvellement du CESE par Jacques Chirac, François Hollande, alors premier secrétaire du PS, avait dénoncé une « conception clanique » du CESE. L’Afrique francophone a, majoritairement, adopté cette institution. Elle y a placé, souvent, des personnalités de premier plan. Ce n’est pas pour autant que les CES/CESE se sont montrés « utiles »… aux populations.

A Dakar, Abdoulaye Wade, quand il avait accédé à la magistrature suprême, avait décidé de supprimer le CES (dont le dernier président était Ibrahima Famara Sagna, ancien ministre de l’Intérieur sous Abdou Diouf). En 2004, il l’avait remplacé par un Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (CRAES) et sa présidence avait été confiée à l’ancien maire de Rufisque : Me Mbaye Jacques Diop. En 2007, alors que Wade entamait son deuxième mandat, le CRAES était passé à la trappe.

Le CES avait été restauré, et c’est Ousmane Masseck Ndiaye, ancien maire de Saint-Louis, ancien ministre, ancien secrétaire général de la présidence de la République, qui en avait été nommé président. Ce qui n’avait pas, pour autant, permis au « machin » de s’affirmer sur la scène économique et sociale du Sénégal, comme un véritable outil. A la veille de la présidentielle 2012, Masseck Ndiaye avait créé à Saint-Louis la coalition « Tous avec Wade » (TAW), c’est dire la neutralité politique du CES ; il est vrai que lors de sa prise de fonction Masseck Ndiaye avait annoncé la couleur : le CES « appuiera sans réserve le gouvernement ». Son président disait encore que son job serait de « s’atteler à l’identification des problèmes cruciaux qui interpellent les Sénégalais ». Pas besoin d’une institution de 120 membres pris en charge par l’Etat pour « identifier » ces problèmes. Il suffit, pour cela, de lire la presse sénégalaise et d’aller dans les quartiers…

Le CES, aussitôt créé, est apparu aux Sénégalais comme « la case de repos » pour proches de Wade. En 2009, déjà, c’est Aminata Tall, « dame de fer du PDS », « égérie d’Abdoulaye Wade » comme on disait alors, qui devait se voir confier la présidence de cette institution. On dit même que Me Mbaye Jacques Diop ayant fait de la résistance, le chef de l’Etat avait tout bonnement viré le bébé avec l’eau du bain : exit donc le CRAES et Diop. Mais Aminata Tall qui avait déjà raté la primature, la présidence de l’Assemblée nationale, la présidence du Sénat, allait rater également, malgré la promesse présidentielle, le CRAES. Aminata Tall ayant pris ses distances avec Wade en mars 2011 et Wade ayant perdu la présidentielle 2012, elle va enfin se retrouver à la tête du CESE (ex-CES, ex-CRAES, ex-CES) après avoir occupé la fonction de secrétaire générale de la présidence de la République aussitôt la victoire de Macky Sall.

Aminata Tall est, incontestablement, une tête d’affiche sénégalaise. 63 ans, originaire de Diourbel (dont elle fera son fief politique : maire et députée), titulaire d’un bac D, ancienne élève de l’Ecole normale de jeunes filles de Rufisque, ayant décroché un doctorat au Canada, elle va enseigner à l’ENS de Dakar avant de s’engager en politique. Celle que Wade appelait « l’âme du PDS » est très tôt entrée en politique aux côtés de celui qui était alors le leader de l’opposition.

Elle a quarante deux ans quand, le 8 avril 1991, elle décroche son premier portefeuille. Dans le gouvernement d’Habib Thiam, Wade est ministre d’Etat ; il y est rejoint par trois PDS : Ousmane Ngom, Jean-Paul Diaz et Aminata Tall nommée ministre déléguée auprès du ministre de l’Education nationale (le terne André Sonko, jusqu’alors secrétaire général de la présidence), chargée de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales.

Au Sénégal, les gouvernements d’union nationale sont plutôt des unions libres ; celle du PS et du PDS ne durera pas : elle visait d’abord à neutraliser l’opposition dans la perspective de la présidentielle du 21 février 1993. L’échéance passée, Wade et Diouf renoueront leur « alliance » le 15 mai 1995. Thiam Premier ministre, Wade ministre d’Etat (toujours sans portefeuille) tandis que quatre PDS font leur entrée au gouvernement : Ousmane Ngom, Idrissa Seck, Massokhna Kane et Aminata Tall, à nouveau ministre déléguée auprès du ministre de l’Education nationale (toujours Sonko) mais en charge, cette fois, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle. Cette participation à un « gouvernement élargi de majorité présidentielle » va cesser le 5 juillet 1998 alors que Mamadou Lamine Loum a pris la suite de Thiam à la primature.

La présidentielle 2000 est remportée par Wade. Aminata Tall, « lionne du Baol », « égérie libérale », est, bien sûr, au gouvernement. Famille et Solidarité nationale, Développement social et Solidarité nationale, ministre d’Etat en 2003 auprès de la présidence de la République (un titre qui a été, par le passé, celui de Wade), ministre d’Etat, ministre des Collectivités locales et de la Décentralisation en 2004 (protocolairement, elle est le numéro un du gouvernement après Macky Sall, Premier ministre). Mais les situations politiques, au Sénégal, sont volatiles. Rappelée auprès de Wade comme ministre, elle va quitter ses fonctions en 2006 avant d’obtenir le secrétariat général de la présidence en 2009. Femme libre, Aminata Tall est, aussi, un électron libre. Hormis Wade – avec qui elle est en grande proximité – aucun responsable politique ne trouve grâce à ses yeux. Surtout pas ceux qui se sont, politiquement, au-dessus d’elle : Idrissa Seck et Macky Sall en ont fait l’expérience. Elle évoque des « bisbilles ». Les autres la qualifient volontiers « d’emmerdeuse ». Le 7 janvier 2011, elle sera limogée de son poste de secrétaire générale de la présidence et refusera le portefeuille de la Fonction publique.

Parce qu’elle veut ne devoir rien à personne, c’est dans son fief, à Diourbel, qu’elle annoncera, le 27 mars 2011, « la fin à son compagnonnage ingrat » avec Wade. Qui l’aurait « trompée » et « abusée ». Discours de femme meurtrie plus que « d’homme politique ». Elle demandera « solennellement pardon aux Sénégalais et aux Sénégalaises pour la coresponsabilité de tout ce qui s’est passé dans ce pays. J’ai cru à un idéal, dira-t-elle, à une idéologie de justice, de travail, à un homme, et j’ai été déçue ». Ne voulant pas « injurier l’avenir » avant le premier tour de la présidentielle, c’est du côté des figures emblématiques de l’opposition qu’elle se tournera : Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Moustapha Niasse ; ceux qui vont faire gagner Sall au deuxième tour de la présidentielle 2012. Pas question pour Aminata Tall d’être « l’homme lige » de quiconque au cours de la campagne : elle est l’unique femme apte à jouer dans la cour des grands. Indépendance politique pour les uns ; opportunisme pour les autres.

Elle sera, d’abord, sous Sall ce qu’elle avait été sous Wade : secrétaire générale de la présidence avec rang de ministre d’Etat. Elle va s’illustrer dans la chasse à la mauvaise gouvernance et voudra « clarifier cette situation nébuleuse qui ne correspond en rien à une politique de développement juste et durable, mais répond à des intérêts personnels ou de groupe ». Elle entend répondre « à l’impatience et à l’exigence du peuple »*. La voilà nommée présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le CES disparaît ; une nouvelle institution sera créée dès que sa liquidation sera terminée. Le personnel est au chômage technique, le temps pour Aminata Tall de faire le ménage. Il était de notoriété qu’elle entretenait, aussi, de mauvaises relations avec son prédécesseur : Ousmane Masseck Ndiaye ; souffrant d’un cancer depuis de longs mois, il est décédé en ce début d’année 2013.

* Entretien avec Rémi Carayol – Jeune Afrique du 23 septembre 2012.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 février 2013 à 19:41 En réponse à : Sénégal : Aminata Tall fera-t-elle du CESE sénégalais un « machin » utile ? Pour les Sénégalais… !

    vous savez que le conseil économique et social ou conseil économique social et environnement est un gros machin,nous savons tous aussi que c’est un machin,alors je me demande pourquoi vous nous parlez de ce machin. je pense qu’il faut laisser ce machin mourir de sa belle mort en l’ignorant complètement ou laisser les opportunistes de tout poil manger dans ce machin car si on prend le cas de chez nous,à part le président de ce machin que nous connaissons de nom pour avoir été un ancien premier sinistre,personnellement j’ignore tout des autres membres de ce machin et à plus raison combien ils gagnent par mois pour un travail en deça du zéro. en tout cas si un membre ou un ancien membre de ce machin peut venir nous dire ce que ce machin à apporter à la société burkinabè,nous l’attendons de pied ferme. en attendant,à bas le conseil économique et social,à bas le futur sénat,à bas aussi toutes les autres institutions machin machin machin.

  • Le 6 février 2013 à 12:18, par Simba Ndaye En réponse à : Sénégal : Aminata Tall fera-t-elle du CESE sénégalais un « machin » utile ? Pour les Sénégalais… !

    Doc intéressant à lire et à conserver.

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