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Réunion spéciale de l’OCI sur le Mali au Caire : Djibrill Bassolé, envoyé spécial pour le Mali du secrétaire général

Publié le mercredi 30 janvier 2013 à 19h36min

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Réunion spéciale de l’OCI sur le Mali au Caire : Djibrill Bassolé, envoyé spécial pour le Mali du secrétaire général

La 12ème session de la Conférence islamique au sommet devrait se tenir au Caire du 2 au 7 février 2013. Une première pour la capitale égyptienne. En un temps où l’Organisation de la coopération islamique (OCI) – dénomination de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) depuis le 28 juin 2011 – est sur bien des fronts et où l’Egypte renoue avec la violence. Thème de cette réunion : « Le monde musulman : nouveaux défis et opportunités croissantes ».

Les situations conflictuelles dans ce monde-là, qui ne manquent pas, vont être l’objet de toute l’attention des participants. Réunion des hauts fonctionnaires les 2-3 février, des ministres des Affaires étrangères les 4-5 février et conférence des chefs d’Etat et de gouvernement les 6-7 février. Compte tenu de la situation qui prévaut au Mali une réunion spéciale exécutive de haut niveau devait lui être consacrée le 5 février 2013 ; ouverte aux ministres des Affaires étrangères des 57 pays membres de l’OCI et à « toutes les parties prenantes dans le conflit malien ». C’est ce qui est programmé : reste à savoir si Le Caire sera sécurisé pour permettre l’accueil des participants au sommet de l’OCI ; quant à la tenue de la « réunion spéciale » sur le Mali, elle risque fort de devoir être reportée : le même jour – 5 février 2013 – doit se tenir à Bruxelles, sous l’égide de l’Union européenne, une réunion du Groupe international de soutien et de suivi de la situation au Mali à laquelle participeront la Cédéao et l’UA.

A l’occasion d’un entretien accordé à Djeddah, au siège de l’OCI, à l’IINA, agence islamique internationale de presse, le secrétaire général de l’OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a confirmé la nomination de Djibrill Y. Bassolé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale du Burkina Faso, comme son « envoyé spécial pour le Mali ». L’annonce de la création de ce poste avait été faite à Paris le 3 octobre 2012 (cf. LDD Mali 053/Jeudi 1er novembre 2012). Il était attendu, d’ailleurs, que ce job soit confié à Bassolé.

Cette 12ème session, au cours de laquelle le Sénégal va céder la présidence à l’Egypte* pour les trois prochaines années, avait déjà été reportée du fait de la situation politique indécise du pays. Elle interviendrait deux ans après le déclenchement des « révolutions arabes » ; occasion de faire un premier bilan de ces bouleversements politiques, sociaux et diplomatiques.

Il faut, à cette occasion, revenir sur ce qu’en disait Ihsanoglu, à Paris, le 3 octobre 2012 (cf. LDD Mali 053/Jeudi 1er novembre 2012) : « La question la plus sensible dans le monde musulman dans les décennies à venir sera : où tirer le trait entre la politique et la religion ? En Islam, la religion a une place dans la politique. Ce n’est pas comme en Europe. Mais le rôle des hommes politiques, c’est de développer leur pays et de résoudre les problèmes économiques et sociaux […] Nous sommes dans une période de transition. Il va s’établir progressivement une distinction entre radicaux et modérés, entre traditionnalistes et modernistes. Le courant dominant, en tout cas, ne réussira que s’il résout les problèmes sociaux et économiques qui ont été à l’origine des soulèvements. Les mots d’ordre étaient : liberté, pain, dignité. Au début, il n’y avait pas de slogans religieux […] La question aujourd’hui est : comment les partis islamistes au pouvoir vont-ils se transformer ? Vont-ils rester des activistes sociaux ou devenir des leaders politiques ? Vont-ils bâtir un programme de gouvernement de leurs pays ? ». Pour Ihsanoglu : le « printemps arabe » doit être « l’automne des dictateurs ».

Le parcours de Bassolé est dense (cf. LDD Burkina Faso 0121/Mardi 30 janvier 2007). Il est né le 13 novembre 1957 à Nouna, à un jet de pierre de la frontière avec le Mali, au sein d’une famille de 22 enfants dont le père était infirmier. Scolarité au collège Charles Louanga de Nouna avant de rejoindre le Prytanée militaire de Kadiogo (1975-1978) puis l’Académie royale militaire de Meknès (1978-1982) et l’Ecole nationale de la gendarmerie d’Abidjan (1982-1983).

Il sera commandant de la compagnie de gendarmerie de Bobo-Dioulasso (1983-1984) puis de Ouagadougou (1984-1987), commandant du 3ème groupement de gendarmerie de Dedougou puis du 5ème groupement de Ouagadougou (1988-1995). Dans le même temps, il va parfaire sa formation : DES à l’Ecole de gendarmerie de Maisons-Alfort (1990) et maîtrise de droit judiciaire à l’université de Ouagadougou (1992). Colonel, il sera nommé à l’état-major du président du Faso avant d’être promu chef d’état-major de la gendarmerie nationale (1997-1999). Il est aujourd’hui colonel-major. Cette activité professionnelle dense n’a pas empêché son implication dans la vie politique et diplomatique. Il a été membre de la Commission constitutionnelle du Burkina Faso (1990-1991), du Comité international de suivi des élections au Togo (1993-1995), du Comité de médiation du conflit touareg au Niger (1994-1995).

En 1999, au lendemain des tensions nées de « l’affaire Zongo », Bassolé va entrer au gouvernement comme ministre délégué chargé de la Sécurité puis ministre plein. A ce poste, il va avoir à participer à l’accord intertogolais (août 2006) puis à la gestion de la « crise ivoiro-ivoirienne » qui débouchera, en mars 2007, sur l’accord de Ouagadougou. Le 4 juin 2007, il est nommé ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale dans le gouvernement de Tertius Zongo. Peu de temps (suffisamment pour qu’il soit obligé de défense la reconnaissance de la République du Kosovo par le Burkina Faso en 2008) : le 1er août 2009, il est promu médiateur conjoint ONU-UA pour le Darfour, l’occasion de nouer des relations privilégiées avec l’émirat du Qatar, partie prenante dans la négociation qui aboutira à la signature des accords de Doha le 14 juillet 2010.

Un an plus tard, il reviendra aux affaires étrangères, mais ne connaîtra pas de répit pour autant. Il continuera de suivre le dossier du Darfour, sera confronté à la crise-post présidentielle en Côte d’Ivoire puis, l’an dernier, en 2012, à la « crise malo-malienne ». Une crise qui va à nouveau le mobiliser à temps complet. Il lui faudra d’abord gérer les « effets collatéraux » des événements du 17 janvier 2012 avec l’arrivée massive, aux frontières du Burkina Faso, de dizaines de milliers de « réfugiés ». Puis les conséquences de la déstabilisation des institutions républicaines à la suite du coup d’Etat du 22 mars 2012. La Cédéao ayant confié la médiation au président du Faso, Blaise Compaoré, Bassolé va se retrouver en première ligne en vue « de résoudre par le dialogue la double crise sécuritaire et institutionnelle qui sévit au Mali ». Un temps, on pensera que le secrétaire général des Nations unies, qui avait fait appel à lui pour le Darfour, pourrait à nouveau l’appeler pour être le « Monsieur Mali » de l’ONU. Ce ne sera pas l’ONU mais l’OCI.

Pour Bassolé, dans le dossier malien, le dialogue politique était une nécessité, la guerre une alternative probable. L’implication de la France sur le terrain militaire a brusqué les choses sans, pour autant, solutionner durablement la crise. Objectif : des institutions aussi incontestables que possible à Bamako, sans exclure les leaders politiques des populations du Nord-Mali, par voie électorale ; puis la réconciliation et la reconstruction par le dialogue. Le tout dans un contexte sécuritaire qui demeure aléatoire : les « islamistes radicaux » et autres « terroristes » se sont éparpillés dans la nature et les risques d’attentats dans les pays engagés sur le terrain sont accrus. Compte tenu de « l’état des lieux » à Bamako et dans les villes du Nord-Mali, la tâche va être ardue et la relance du dialogue ne sera pas la chose la plus facile. Mais des choses faciles en matière de « raccommodement », Bassolé n’en n’a pas gardé le souvenir !

*Huit pays seulement ont accueilli un sommet de l’OCI : le Maroc, où l’OCI a été fondée en 1969, à trois reprises ; le Sénégal à deux reprises (1991 et 2008) ; l’Arabie saoudite, l’Iran, le Koweït, la Malaisie, le Pakistan, le Qatar à une seule reprise. Avec la prochaine session en Egypte, l’Afrique aura ainsi été honorée six fois !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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