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Jean-Paul Sawadogo, Directeur général de la SOFITEX : « Le coton conserve sa place de premier produit d’exportation du Burkina Faso »

Publié le mercredi 23 janvier 2013 à 23h58min

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Jean-Paul Sawadogo, Directeur général de la SOFITEX : « Le coton conserve sa place de premier produit d’exportation du Burkina Faso »

C’est ce jeudi 24 janvier 2013 que la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) signe à Paris, la convention de financement avec un groupe de Banques européennes dont la banque internationale HSBC. Présent dans la capitale française, le Directeur général de la SOFITEX, Jean-Paul Sawadogo, situe le contexte de cette signature de convention et évoque des préoccupations relatives à la filière coton au Burkina Faso. Il explique également pourquoi l’on peut toujours considérer « l’or blanc » comme le premier produit d’exportation du « Pays des hommes intègres ».

Sidwaya (S.) : C’est devenu une tradition, chaque année, la SOFITEX vient à Paris pour une cérémonie du genre. A quand remonte le début de ce partenariat entre la SOFITEX et ces banques européennes ?

Jean- Paul Sawadogo (J.P.S.) : Ce partenariat avec ces banques date de deux décennies. Depuis vingt ans donc, la SOFITEX a recours à ces banques pour couvrir les besoins de financement de ses activités. Nous sommes ici à Paris dans le cadre du financement de la campagne de collecte, de transport et d’égrenage du coton de la campagne cotonnière 2012-2013.

S. : L’année passée, le financement était d’une cinquantaine de milliards de francs CFA. Peut-on s’attendre à une augmentation de ce montant cette année ?

J.P.S. : L’année dernière, nous étions à une production de 350 000 tonnes. Cette année, cette production est estimée à 500 000 tonnes. Autant dire que les besoins de financement vont aussi augmenter. Effectivement, nous avons contracté en 2012, un crédit de 50 milliards de FCFA. Cette année nous misons sur 55 milliards de F CFA. Mais il faut dire que les crédits que nous contractons avec les banques européennes, viennent compléter ceux que nous prenons avec le pool national afin de pouvoir couvrir l’ensemble des besoins de la campagne nationale. A titre d’illustration, sur la base de 500 000 tonnes de coton graine, les revenus directs à payer aux producteurs de coton s’élèvent à 122 milliards de FCFA. A cela il faut ajouter les besoins pour les pièces de rechange, le transport, les salaires, etc. C’est pourquoi nous travaillons avec plusieurs partenaires.

S. : On sait que l’un des points de discorde entre les cotonculteurs et la SOFITEX concerne le prix des intrants. Peut-on s’attendre à ce qu’une partie du montant contracté serve à subventionner les prix de ces intrants ?

J.P.S : Pour le moment, les prêts contractés servent à payer les producteurs et à financer les opérations de collecte et d’égrenage du coton. Ce ne sont pas des financements qui viennent pour contribuer à diminuer le prix de quoi que ce soit. Il faut dire que la question des prix des intrants est une préoccupation récurrente, étant donné que le Burkina Faso ne produit pas d’engrais par exemple, et qu’il faut l’acheter sur le marché international. En plus, les prix des intrants varient d’une année à l’autre. Pour ce qui concerne la campagne 2011-2012, il faut saluer l’effort que le gouvernement burkinabè a consenti en accordant plus de 10 milliards de FCFA comme subvention aux intrants. Cela a permis de les rendre plus accessibles aux producteurs. Il convient de souligner également qu’il n’y a pas de corrélation entre le prix du coton et celui des intrants. Au niveau des pays développés, les gouvernements accordent des subventions importantes aux producteurs, notamment de coton.

C’est ce qui perturbe un peu nos marchés. Vous vous souviendrez qu’un certain nombre de pays constitués autour du C4, avaient désigné le président du Faso, pour conduire un plaidoyer auprès de l’OMC (Ndlr : Organisation mondiale du commerce) et des pays développés producteurs de coton afin que les subventions accordées par les pays développés aux producteurs, à défaut d’être annulées, puissent être réduites de façon substantielle pour permettre une véritable concurrence. Cette lutte se poursuit, et il faut saluer l’effort déployé par le Burkina Faso, notamment le président du Faso Blaise Compaoré pour permettre de rendre compétitif notre coton sur le marché international.

S. : On parle du coton génétiquement modifié (OGM) au Burkina Faso. Quelle en est la situation aujourd’hui ?

J.P.S. : Le coton génétiquement modifié a été introduit au Burkina Faso pour une raison bien simple. On a constaté à un certain moment, que certaines maladies causées par les ravageurs du cotonnier étaient devenues résistantes aux pesticides et insecticides habituellement utilisés. Elles (ces maladies) causaient de véritables dégâts à la production cotonnière. Il a été donc envisagé, avec le partenariat de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), une solution consistant à trouver une variété qui résiste à l’attaque des ravageurs-suceurs. C’est dans ce cadre que le coton OGM a été introduit au Burkina Faso. Cette introduction a été faite sur la base de recherches, d’expérimentations pour s’assurer de la qualité de la semence introduite et que les conditions sont réunies pour permettre une véritable amélioration de la production cotonnière.

Si vous voulez, le coton OGM est un mariage entre un coton burkinabè et un autre américain. Ce mariage permet de fabriquer des toxines à même d’éloigner les insectes ravageurs et suceurs sur le cotonnier. Après cette introduction, nous avons pu noter une nette diminution des maladies de cotonniers et une amélioration de la productivité. Aujourd’hui (campagne 2012-2013), nous sommes à 55% de coton OGM contre 45% de coton conventionnel cultivé au Burkina Faso. Cela est dû à la précaution prise au niveau de la recherche et à la SOFITEX, étant donné que c’est une nouvelle technologie qu’il convient d’introduire de façon progressive, afin de pouvoir maîtriser l’ensemble des techniques nécessaires à une meilleure production cotonnière. Autrement, les paysans souhaitent emblaver leurs champs uniquement avec le coton OGM. Si on suivait l’expression des producteurs, de nos jours, on serait à plus de 100% de coton génétiquement modifié, cultivé au Burkina Faso.

S. : En 2011, le Burkina Faso a connu une campagne cotonnière mouvementée, marquée par la révolte de paysans détruisant des champs de ceux qui avaient opté de cultiver le coton cette année-là. Est-ce aujourd’hui, un vieux souvenir ?

J.P.S. : Effectivement, en 2011, nous avons connu une situation très difficile. Cette année là, les producteurs ont réclamé à la fois, une diminution des prix des intrants et une hausse du prix d’achat du coton graine. Toute chose ayant conduit à des frondes, à des destructions de champs et malheureusement à une perte de vie humaine, dans le village de Mamou, commune de Yaho, dans la province des Balé. Suite à cela, il été organisé des états généraux de la filière cotonnière qui a regroupé l’ensemble des acteurs : les cotonculteurs, les sociétés cotonnières, les banques, les chercheurs, les assureurs, les huiliers, les vendeurs d’engrais, etc. Au cours desdites assises, il a été discuté de l’ensemble des difficultés liées à la culture du coton au Burkina Faso.

Les uns et les autres ont reçu des explications sur un certain nombre d’aspects. Par exemple, il a été expliqué que ce n’est ni l’Etat, ni les sociétés cotonnières, ni les producteurs qui fixent le prix d’achat du coton et que c’est un mécanisme qui intègre un certain nombre de facteurs du marché. Ce mécanisme est géré par une banque, en l’occurrence, Bank of Africa (BOA). Le mécanisme est présidé par le président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) et regroupe les autres acteurs que sont les sociétés cotonnières, l’Etat et la recherche. Les états généraux ont été donc l’occasion de comprendre certains paramètres et ont permis l’apaisement de la situation et un engagement de la part des producteurs pour produire plus et mieux. Je puis vous dire que de nos jours, il existe une concertation permanente avec l’ensemble des acteurs de la filière coton pour éviter ce que nous avons connu en 2011.

S. : Le métal jaune, l’or, a détrôné depuis 2009, le coton à la première place des produits d’exportation du Burkina Faso. Peut-on s’attendre à ce que très prochainement, « l’or blanc » retrouve sa place ?

J.P.S : C’est vous qui dites que le coton a perdu sa place de pionnière. Nous, nous ne percevons les choses de cette manière. Personnellement, j’estime que « l’or blanc » conserve toujours sa place de leader des produits d’exportation au Burkina Faso. Mieux, ce produit a même davantage plus d’éclat, à notre avis. Il s’agit d’une filière qui crée beaucoup d’emplois, qui intéresse plusieurs personnes en ce sens qu’il y a quatre millions de Burkinabè qui vivent de la production cotonnière. La filière contribue ainsi à une meilleure répartition des revenus au niveau des milieux ruraux. J’ai mentionné tantôt que pour une production de 500 000 tonnes de production, ce sont 122 milliards de FCFA qui seront distribués comme revenus aux producteurs burkinabè dans la zone SOFITEX. Pour l’ensemble du pays où nous estimons une production de 630 000 tonnes de coton graine, c’est environ 154 milliards de FCFA qui seront repartis directement, aux cotonculteurs.

A cela il faut ajouter les autres acteurs qui bénéficient de la filière cotonnière. On peut citer, entre autres, les huiliers qui reçoivent les graines de coton pour la fabrication de l’huile, de savon, etc. Ces huiliers emploient des Burkinabè pour faire fonctionner leurs entreprises. Il y a également les transporteurs. Cette année par exemple, nous avons loué avec les transporteurs privés burkinabè, près de 500 camions pour le ramassage du coton. Eux aussi, sont appelés à employer des citoyens. Il y a également les banques avec qui nous avons un très bon partenariat que ce soit au niveau national où international. Cette bonne collaboration est due au fait que la SOFITEX respecte ses engagements en terme de remboursement des crédits. Mais ce qu’il faut savoir est que tous les remboursements sont assortis d’intérêts financiers qui font vivre les établissements bancaires. Il y a aussi les assureurs.

A ce propos, la SOFITEX dispose de 16 usines dont 15 d’égrenage et une pour le traitement de la semence. Toutes ces usines sont assurées. Sans oublier le parc automobile. L’activité cotonnière intéresse et fait vivre beaucoup plus de monde que d’autres secteurs. Si l’or jaune aujourd’hui, a fait son apparition au Burkina Faso, tant mieux dans la mesure où cela constitue une amélioration des sources des ressources financières pour le Burkina Faso et une valeur ajoutée très importante. Notre souhait n’est pas qu’il y ait une dualité entre l’or blanc et l’or jaune. Nous souhaitons plutôt que l’on puisse trouver d’autres types d’or pour que cela puisse contribuer au développement du Burkina Faso.

Interview réalisée à Paris par Alban KINI (alban-kini@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 26 janvier 2013 à 21:48, par Vagabond En réponse à : Jean-Paul Sawadogo, Directeur général de la SOFITEX : « Le coton conserve sa place de premier produit d’exportation du Burkina Faso »

    Ne nous endormez pas ! l’Or est en tete et on veut le cacher à tous pour mieux gerer de facon mafieuse les fonds qui y sont issus !

  • Le 29 janvier 2013 à 10:24, par MB En réponse à : Jean-Paul Sawadogo, Directeur général de la SOFITEX : « Le coton conserve sa place de premier produit d’exportation du Burkina Faso »

    Je vous remercie pour l’interview ! Mais je pense humblement que le patron de SOFITEX ne répond pas à votre question de savoir que l’or blanc ne teint plus sa place de 1er produit d’exportation au pays. Il répond à une polémique de savoir si les bénéfices issus de l’exportation de l’or jaune est réparti comme il se doit ? Mais je pense que nos grosses têtes sont des lâches, personne n’a le courage de dénoncer son prochain. Chacun utilise des tournures pour dénoncer un problème, sachant que le taux de scolarisation au pays reste toujours à améliorer et les étudiants d’aujourd’hui s’exprime pas aussi bien. Il faut qu’ils aient le courage de dire les choses comme elles sont. Car servir un pays est différent de servir une personne. Il faut qu’on apprenne à dire la vérité à ceux qui mettent leur confiance en nous, car sans l’honneur un homme est identique à un animal féroce.
    Merci ! MB.

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