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Marche du 18 décembre : un avertissement sans frais

Publié le mardi 21 décembre 2004 à 06h56min

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Les organisations syndicales ont choisi un samedi pour leur dernière grande manifestation de l’année. Il n’y a donc pas de préjudice sur l’Administration et le secteur privé, ce jour étant férié. La mobilisation sociale se veut, à ce titre, d’abord un avertissement aux pouvoirs publics sur la situation insoutenable que vivent les populations.

Avertissement sans frais, pour ainsi dire, puisqu’on a évité une paralysie des services sous la forme d’une grève. Mais cette mise en garde doit être prise au sérieux pour plusieurs raisons. La marée humaine qui a arpenté les artères de Ouagadougou provient de toutes les organisations syndicales. Le fait est trop rare pour ne pas être souligné : l’unité syndicale au Burkina, quand elle survient, traduit toute l’ampleur de la demande sociale et la faible écoute des autorités.

La valse des étiquettes opérée par l’Etat lui-même est intervenue avec une telle frénésie qu’elle est devenue invivable. Dans un contexte où le travailleur se sent ainsi abandonné, aucune organisation syndicale ne peut croiser les bras. Peut-être que certaines d’entre elles se sont jointes à la mobilisation par opportunisme. Mais n’empêche qu’elles n’ont d’autre choix que de suivre le cours de l’histoire qui, en cette fin d’année 2004, est marqué par un renchérissement insoutenable du coût de la vie.

Le climat socio-économique est donc favorable à une manifestation de mécontentement. D’autant que les autorités publiques ne semblent pas prendre toute la mesure de la grogne sociale. Car il est inconcevable qu’au moment où la plupart des indicateurs sociaux sont au rouge, le train de vie de l’Etat continue d’être aussi soutenu. L’acquisition de véhicules haut de gamme et grands consommateurs de carburant, la distribution de prébendes comme le million de francs CFA octroyé aux députés, etc, donnent l’impression d’un Etat n’ayant aucun souci à se faire.

Or la réalité est que la masse vit dans une extrême précarité que les chiffres ronflants du taux de croissance et les bons points de la Banque mondiale ne viennent pas améliorer. A cela, il faut ajouter ce paradoxe qui veut que l’on ne capitalise pas les grandes rencontres organisées à Ouagadougou. L’Etat ne met pas en place tous les atouts de son côté pour que le pays remplisse convenablement sa vocation de carrefour international. Les populations semblent perdantes lors de ces grand’messes.

Au total, le fossé se creuse entre un peuple qui gémit de misère et un pouvoir qui n’arrive pas à trouver le remède approprié. Ensemble, n’oublions plus jamais, le dicton populaire : "les uns mangent, les autres regardent. Ainsi naissent les révolutions".

Le tout libéralisme engagé sous la houlette des bailleurs de fonds ne peut justifier la démission des structures de l’Etat dans certains segments de l’activité économique. La flambée incontrôlée des prix, proche de l’arnaque, ne saurait être tolérée par un gouvernement soucieux des intérêts des populations. Certes, l’ingérence outrageuse dans le système économique n’est plus de mise (encore que cela se fasse dans les pays qui nous dictent leur loi) mais un laisser-aller total participe aussi de la démission. Et quand viendra l’heure où il faut rendre compte au peuple, du bilan de son mandat, l’exercice pourrait s’avérer difficile.

Car dans le même temps, le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté est brandi comme la panacée à tous nos maux. Mais les Burkinabè n’ont jamais été aussi pauvres que depuis que ce cadre existe. Ce bréviaire semble plus destiné à séduire les bailleurs de fonds (d’ailleurs inventeurs du CSLP) qu’à insuffler une dynamique endogène de développement. On risque en effet de répéter les erreurs d’hier avec les fameux Programmes d’ajustement structurels dont le bilan est très peu flatteur.

Même nos mentors d’Europe et d’Amérique portent une attention particulière aux clameurs de la rue. Ils sont attentifs à leur opinion dont la vivacité impose respect, sinon écoute. Tel n’est pas encore le cas sous nos cieux, d’où ce fossé qui sépare gouvernants et gouvernés. Mais le 18 décembre semble marquer un nouveau rapport de forces qui appelle de la part de l’Etat, une plus grande disponibilité.

A la veille d’échéances électorales importantes, le mécontentement social, s’il n’est pas compris, peut se transformer en sanction politique. Pour le moment, on n’en est pas là, même si 2004 s’achève sur une note de ras-le-bol pour beaucoup de Burkinabè. Il faut souhaiter que l’année nouvelle se présente sous de meilleurs auspices, avec des dirigeants plus engagés à résorber la crise sociale, grâce à une meilleure écoute des aspirations populaires.

Le Pays

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