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Energies renouvelables au Burkina Faso : Le charbon « bio », un combustible méconnu

Publié le vendredi 11 janvier 2013 à 00h48min

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Energies renouvelables au Burkina Faso : Le charbon « bio », un combustible méconnu

L’accès à l’énergie pour la cuisine devient un véritable casse-tête chinois pour les consommateurs. Le charbon « bio » ou biologique, fait de biomasse inutilisée pourrait être une alternative. Des jeunes s’essaient à la production de cette énergie, mais elle est peu connue au Burkina Faso.

Le charbon « bio » ou encore charbon biologique est un produit fabriqué à base d’argile, de poussière de charbon, de déchets végétaux (paille de riz, coques d’arachides, tiges de mil). Ce produit n’est pas encore bien connu de la majorité de la population. Des sondages-tests faits par les producteurs sur le charbon « bio », dans certains marchés de Ouagadougou, montrent un faible taux d’utilisation de ce produit. Pourtant, c’est l’activité principale de deux jeunes, Arnaud Sow et Sié Martial Kam, résidant au secteur n°26 de Ouagadougou. Ils le produisent manuellement, sous forme de boulettes après carbonisation et malaxage des matières premières, suivis d’un séchage d’une durée de 72 h maximum et conservé dans des sacs et sachets.

Ce produit possède t-il les mêmes propriétés que le charbon de bois ? A ce niveau, Beli Neya, de la Direction de la production forestière (DPF) a souligné que techniquement, il a été démontré qu’avec le charbon « bio » de type 2, c’est-à-dire, à partir de 80% de poussière et de 20% d’argile, on arrive à obtenir un produit qui a les mêmes propriétés que le charbon classique. Il a ajouté que les énergies traditionnelles, à savoir, l’utilisation du bois, du charbon de bois et les résidus agricoles, en termes d’alternative, sont des solutions connues au Burkina Faso. « La question de l’énergie est centrale, car nous dépendons à 80% des énergies traditionnelles (bois, charbon de bois, résidus agricoles). Tout ce qui est électricité, gaz, occupe près de 15% dans la satisfaction des besoins d’énergies », a-t-il soutenu.

Les producteurs de ce combustible ont estimé que le produit permet aux populations de réaliser une économie, étant donné qu’il est vendu moins cher que le charbon de bois. « Nous conditionnons le charbon dans des sachets de 5FCFA à raison de 100 F CFA le sachet et dans des sacs de 20 Kg, à raison de 2 000 FCFA. Avec un Kg de charbon, la ménagère peut faire la cuisine d’au moins pour cinq personnes », soutient Arnaud Sow. Comparativement au charbon de bois, il a notifié que la combustion du « bio » a de belles braises et cela permet, dit-il, de prolonger la cuisson.

Je n’utiliserai plus le charbon de bois…

Adélaïde Pouya, commerçante de profession et cliente des vendeurs du charbon « bio », depuis une année, l’apprécie en ces termes : « Le charbon bio » est très économique et moins salissant. J’ai abandonné le charbon de bois au profit de ce nouveau produit que j’ai découvert à travers mon mari. Mais sur le côté allumage, il faut vraiment être patiente ». Pour l’allumage, M. Sow explique qu’il faut exclure le pétrole et se contenter juste de brindilles au fond du fourneau, en déposant quelques boulettes de charbon. Si certaines clientes ont jugé la mise à feu de ce produit trop longue, d’autres, par contre, ont trouvé leur propre technique, bien qu’elles reconnaissent que le charbon ordinaire a un léger avantage sur ce plan.

« Au début, j’avais des difficultés pour allumer le charbon « bio », mais j’ai trouvé une technique plus facile et si ce produit est disponible, je n’utiliserai plus le charbon de bois », confie Eloïse Nikiéma, assistante Biling, cliente du charbon « bio ».

En dehors de ces deux utilisatrices du charbon « bio », Mme Lompo, non pas parce qu’elle n’apprécie pas ce produit, affirme plutôt qu’il lui serait difficile d’abandonner son charbon ordinaire, étant donné que l’autre n’est pas ancré dans ses habitudes. Elle dit reconnaître tout de même que le charbon « bio » contribue à la protection de l’environnement, étant donné que c’est un travail de nettoyage qui est fait, en ne brûlant pas tout ce qui reste après les récoltes, mais en réutilisant ces résidus à d’autres fins.
De l’avis du Directeur des forêts (DFOR), Adama Doulkom, il est difficile de changer de si tôt les comportements des populations à l’utilisation d’un nouveau produit, sans les sensibiliser sur les différents avantages et inconvénients.

« Mais si on venait à prouver que le charbon « bio » est moins salissant et qu’il a un pouvoir calorifique important, nous pensons que les habitudes des populations pourront être changées », a-t-il soutenu.

La politique du Ministère de l’environnement et du développement durable (MEDD) est de faire la promotion des énergies palliatives en vue de préserver le couvert végétal.

Ainsi, l’objectif recherché à travers la production du charbon « bio », selon M. Sow, est de diminuer considérablement l’émission de gaz carbonique (de formule chimique CO2) et partant, à lutter contre les feux de brousse. Les combustibles, de manière générale, sont parmi les causes les plus importantes de la déforestation au Burkina Faso. En effet, des milliers d’hectares (ha) de forêts partent chaque année en fumée malgré les multiples sensibilisations entreprises par le MEDD sur l’ensemble du territoire national.

Du manque de financements…

« A travers la fabrication de ce combustible, nous voulons, d’une part, former les populations urbaines et rurales à la technique de production, afin de réduire le chômage. D’autre part, nous voulons que la lutte contre les feux de brousse et la coupe abusive du bois, soient une réalité dans notre pays. Cela pourrait maintenir nos sols fertiles pour une agriculture performante », a souhaité M.Sow.

Le DFOR, Adama Doulkom, a relevé qu’effectivement, la production du charbon de bois classique a un impact négatif sur le potentiel forestier car, a-t-il expliqué, « Pour avoir un kg de charbon de bois, il faut utiliser cinq kg de bois. Et surtout avec le potentiel forestier que nous avons, il est extrêmement important que nous trouvions des mesures alternatives dans le cadre de l’utilisation du charbon de bois ». Il a par ailleurs indiqué que le charbon « bio » est l’une des voies à explorer dans le contexte du Burkina. M. Doulkom a noté que le MEDD s’y était déjà engagé, il y a quelques années, dans la construction d’une usine de briquettes à Boromo dans la province des Balé.

L’objectif visé à travers la construction de cette usine, était d’utiliser les résidus de récoltes de coton notamment, pour produire des briquettes qui pourraient être éventuellement utilisées comme le charbon « bio ». « Malheureusement, ce projet n’a pas abouti parce qu’il y a eu des défaillances sur le plan technique et aussi un manque de financement », a déploré le DFOR, M. Doulkom.

Afin de pouvoir intégrer ce nouveau produit au niveau des ménages burkinabè, M. Doulkom a souhaité qu’une étude minutieuse soit faite, pour éviter de revivre la même situation que celle des briquettes de Boromo. Il a également souligné que lors du Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (FRSIT), tenu en octobre 2012, il y a eu des promoteurs qui, dans le cadre des innovations, essayent de mettre en place des prototypes de briquettes qui pourront être éventuellement utilisées comme combustibles. Pendant combien de temps les Burkinabè vont continuer à utiliser le charbon ordinaire ? La question reste posée.
« Les tests que nous avons faits, montrent qu’en terme comparatif, il est mieux indiqué de s’engager vers le produit ‘’ bio’’, où alors, avoir d’autres technologies alternatives.

Dans le cadre de la filière bois-énergie, il est apparu que des sources d’énergies alternatives soient introduites dans toute la politique énergétique du Burkina Faso », a indiqué M. Doulkom
Dans les pays de la sous-région tels qu’au Mali et au Sénégal, le charbon « bio » est vulgarisé et à entendre les deux producteurs, Arnaud Sow et Sié Martial Kam, ce sont des chiffres d’affaires importants qui sont engrangés par les acteurs.

Ils nourrissent tous deux l’espoir de mettre tous les moyens possibles dans les années à venir pour que les populations aient un produit de proximité. En outre, le directeur des forêts, Adama Doulkom, a signifié que de nos jours, l’Etat burkinabè essaye de se désengager de la production de briquettes et faire en sorte que le privé puisse prendre la relève parce que selon lui, il est important que si des briquettes seront produites, que leur pouvoir calorifique soit égal ou supérieur au charbon classique afin de pouvoir intéresser les consommateurs.

Le témoignage de certains clients sur les multiples avantages du charbon « bio » est une réalité, mais le manque de moyens financiers handicape la production en quantité énorme. « Nous n’avons pas d’investissement, nous produisons juste pour ceux qui en demandent », a confié Arnaud Sow.
La production du charbon « bio » semble, à ce stade, être une arme efficace contre les changements climatiques, la désertification et contribue à préserver les ressources forestières tout en étant une alternative énergétique bon marché.

Afsétou SAWADOGO

Sidwaya

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