LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Soungalo Ouattara, président de l’Assemblée nationale du Faso : Un partisan des « libertés locales » et de la « décentralisation ».

Publié le vendredi 4 janvier 2013 à 17h27min

PARTAGER :                          
Soungalo Ouattara, président de l’Assemblée nationale du Faso : Un partisan des « libertés locales » et de la « décentralisation ».

L’Assemblée nationale du Burkina Faso, dans son nouveau formatage (Constitution de la IVème République - 2 juin 1991), a été présidée par des personnalités politiques de premier plan. Arsène Bongnessan Yé (1992-1997), Mélégué Traoré (1997-2002) et Roch Marc Christian Kaboré (2002-2012). Tous trois restent des personnalités politiques de premier plan. A l’issue du dernier congrès du CDP (2-4 mars 2012), ils ont rejoint les rangs des 24 conseillers politiques chargés d’appuyer l’action du secrétariat exécutif national.

A cette occasion, Kaboré a laissé d’ailleurs la responsabilité du parti présidentiel à Assimi Kouanda, directeur de cabinet du président du Faso. C’est dire que l’accession à la présidence de l’Assemblée nationale, le vendredi 28 décembre 2012, de Soungalo Ouattara est un événement : s’il est une éminente personnalité de la vie publique burkinabè, il n’était pas, pour autant, une tête d’affiche politique. Et c’est sans doute là que se trouve la signification de cette élection (de la même façon que le patron du parti, Kouanda, était, avant sa nomination au poste de secrétaire exécutif national, un quasi inconnu pour les Burkinabè). C’est l’expression que le Burkina Faso, près de trente ans après la « Révolution », plus de vingt cinq ans après la « Rectification » et vingt-et-un ans après la restauration de l’Etat de droit, est entré dans une phase « normale » où le job est assuré par des gens qui ont progressé au sein de la société grâce à leur compétence et pas seulement en surfant, avec plus ou moins de bonheur, sur les soubresauts politiques et sociaux.
Il ne faut pas pour autant que cette normalisation de la vie politique burkinabè conduise à sa banalisation : il reste des combats d’ampleur à mener pour que la démocratie que revendique le « Pays des hommes intègres » soit significative.

Voilà donc Ouattara projeté sur le devant de la scène politique alors qu’au sein du secrétariat exécutif national du parti présidentiel, le CDP, il ne figure qu’en 19ème position en tant que secrétaire chargé des organisations de la société civile. Son élection n’aura été qu’une formalité dès lors que le CDP se sera mis d’accord sur son nom : il a obtenu 96 des 127 voix contre 30 à son adversaire (1 bulletin nul), Denis Nikiéma de l’UPC. La candidature de Nikiéma était soutenue par une coalition de partis de l’opposition (UPC, UNIR/PS, PDS/METBA, Le Faso Autrement, CNPB et RDS). Nikiéma est le secrétaire général de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), le dernier-né des partis politiques (significatifs) burkinabè, devenu très rapidement la deuxième force au sein de l’Assemblée nationale, et dont le leader est Zéphirin Diabré qui fait, désormais, plus que jamais figure de tête d’affiche de l’opposition.

Ouattara est né le 31 décembre 1956 (joyeux anniversaire… !) à Koumi, à une quinzaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Il se rêvait journaliste mais après son bac, au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo et une licence, il rejoindra l’ENA de Ouagadougou (désormais ENAM) plutôt que l’Ecole de journalisme du Conseil de l’Entente à Lomé (sa bourse avait été supprimée après qu’il ait participé à la révolte étudiante à l’université de Ouaga en 1979). Il va alors entamer une carrière d’administrateur civil : préfet-maire de la commune de Réo ; Haut-commissaire intérimaire de la province du Sanguié ; secrétaire général du Passoré et de la Gnagna ; préfet-maire de Bogandé ; préfet de Thyon ; secrétaire général puis secrétaire permanent de l’Administration territoriale et de la sécurité puis de la Commission nationale de décentralisation.

Ouattara sera ainsi formaté par la fonction publique burkinabè avant de rejoindre la présidence du Faso en tant que secrétaire général, un poste qu’il va occuper pendant plus de dix ans, de 1995 à 2006. Il fera part de son expérience dans le domaine de l’administration territoriale à travers une dizaine d’ouvrages dont son « Gouvernance et libertés locales », un gros volume de 240 pages sous titré : « Pour une renaissance de l’Afrique » (éd. Karthala, Paris, novembre 2007).

Il sera ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, chargé des Collectivités locales, dans le gouvernement de Paramanga Ernest Yonli formé le 6 janvier 2006 (c’était le premier gouvernement du quinquennat à la suite de la présidentielle du 13 novembre 2005) ; Ouattara était alors sous la tutelle de Clément Sawadogo. Dans le premier gouvernement de Tertius Zongo, formé le 10 juin 2007, il garde les mêmes fonctions, avec la même tutelle, mais l’intitulé de son portefeuille change : les collectivités locales deviennent les collectivités territoriales. Le 3 septembre 2008, il est remplacé par Toussaint Abel Coulibaly et devient ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat. Il restera au gouvernement quand Zongo passera la main à Luc Adolphe Tiao à la suite des mutineries de 2011, mais cette fois au portefeuille de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale (gouvernement du 21 avril 2011).

Aux collectivités locales, il militera pour la « voie de l’élargissement des libertés locales portées par le processus de décentralisation » afin de mieux prendre en compte « les cultures et les savoirs locaux afin de donner un visage africain » aux nécessaires mutations du monde contemporain. Il ne manquera pas de rappeler, par ailleurs, que la colonisation a éradiqué des « siècles d’organisation du pouvoir, d’autonomie politique et administrative fondée sur le sacré ». Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, il publier en mars 2009 « Le Livre blanc 2008 sur la fonction publique » dans lequel il affirme, à juste raison : « Je demeure convaincu que notre fonction publique doit être considérée comme un bien collectif de la nation et qui, comme tel, doit être cultivé, entretenu et sans cesse consolidé comme un héritage précieux à transmettre aux générations futures ».

C’est un sujet que Ouattara aborde avec passion ; il sait la place et le rôle que cette fonction publique (environ 94.000 agents dont plus de 55.000 fonctionnaires, aux trois quart des hommes !) a joué dans l’évolution du Burkina Faso sous la « Révolution » puis la « Rectification » et, enfin, depuis la libéralisation de l’économie et la démocratisation de la vie politique. Il s’est attelé à redonner à cette fonction publique ses lettres de noblesse (remises en question par la montée en puissance du secteur privé, notamment dans le secteur des services) et s’est efforcé de lui donner le goût de l’excellence (il avait d’ailleurs créé une lettre de performance de la haute administration intitulé : « Quête d’excellence »).

Il a entrepris le recensement biométrique des fonctionnaires (avant d’engager celle des agents) afin de rendre pleinement opérationnelle une fonction publique qui a été considérée, trop souvent, comme un « fromage ». Il a d’ailleurs, à ce propos, dénoncé « une fonction publique de fils à papa » au sein de laquelle une « politique de la puissance financière » s’appliquerait, privilégiant l’accès sur titre aux postes administratifs alors que c’est la voie du concours (facteur d’égalité des chances) qui, selon lui, doit être maintenue et renforcée.

Voilà donc Ouattara élu président de l’Assemblée nationale, l’année du vingtième anniversaire de l’installation de cette institution (15 juin 1992) et l’année de la réforme constitutionnelle. Il se trouve en position d’assurer la présidence du Faso en cas de vacance du pouvoir (ce n’est pas négligeable) dans l’attente de l’application des réformes constitutionnelles qui instituent, notamment, que le Premier ministre est issu de la majorité parlementaire et qu’il est responsable devant le Parlement, ainsi que de la mise en place d’un Sénat (on pourra noter, d’ailleurs, que la présidence du Sénat, qui interviendra notamment sur l’organisation des collectivités locales, irait « comme un gant » à Ouattara). Autre donnée à prendre en compte : la nomination de Ouattara donne à Roch Kaboré une liberté d’action qu’il n’avait pas jusqu’à présent. Notamment dans la perspective de la prochaine présidentielle.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique