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Zéphirin Diabré sur RFI : « Les Burkinabè souhaitent que notre pays fasse l’expérience de l’alternance »

Publié le jeudi 27 décembre 2012 à 14h34min

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Zéphirin Diabré sur RFI : « Les Burkinabè souhaitent que notre pays fasse l’expérience de l’alternance »

Au Burkina Faso, c’est l’homme qui monte. Depuis les élections législatives du 2 décembre dernier, le président de l’Union pour le progrès et le changement, Zéphirin Diabré, est le nouveau chef de l’opposition burkinabè. Quelles sont ses ambitions politiques face à Blaise Compaoré ?

RFI : Avec dix-neuf députés à l’Assemblée nationale, votre parti devient la première force d’opposition. Vous avez été agréablement surpris ?

Zéphirin Diabré : C’est vrai qu’avec ce score-là, j’ai trouvé un motif de grande satisfaction. Mais nous, nous l’interprétons d’abord et surtout comme, non pas une victoire de l’Union pour le changement (UPC), mais une victoire des forces du changement.

Vous avez dénoncé des fraudes dans la région de Ouagadougou, mais en même temps vous n’avez pas mobilisé vos partisans. Pourquoi ?

Nous sommes un parti responsable, qui se situe résolument dans le cadre des lois et règlements de la République. Nous avons donc décidé de recourir d’abord aux voies légales. Il est important, pour la construction de la démocratie en Afrique, qu’on ait toujours le sens de la mesure et de la responsabilité. Ce qui n’empêche pas aussi la fermeté. Il est hors de question pour nous, à ce stade-là, d’envoyer nos militants à l’aventure et de faire le genre de choses que l’on voit dans certains pays.

Votre parti est jeune, seulement deux ans. Est-ce que vous vous définissez comme une troisième force, entre le pouvoir et les sankaristes ?

Ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses ! Les sankaristes sont une composante éminente et importante de l’opposition dans notre pays. Ils apportent aux débats publics une orientation, une vision, qui est tout à fait respectable. Ils le font en référence à leur champion, feu le président Thomas Sankara. Dans ce qu’il a fait, il y a de grandes choses qu’il faut saluer.

Nous, nous avons une approche beaucoup plus collective. C’est pour cela que je vous dis que cette victoire-là, ce n’est pas celle de l’UPC. C’est celle de l’ensemble des forces de l’opposition. Et notre coopération avec toutes ces forces-là – y compris, donc, les mouvements sankaristes – sans aucun doute, connaîtront un nouveau départ dans la quête collective que nous avons pour l’alternance dans notre pays.

Vous êtes donc prêt à conclure une alliance avec les sankaristes de Bénéwendé Sankara ?

Tout à fait. Avec tous ceux et toutes celles qui, dans notre pays, souhaitent qu’il y ait une alternance démocratique, comme c’est le cas dans d’autres pays de la sous-région. Parce que nous avons un régime qui a beaucoup duré, et l’histoire nous a enseigné, à travers l’exemple de la Côte d’Ivoire du président Houphouët-Boigny et le Zaïre du président Mobutu, que très souvent, quand on n’y prend pas garde, ces régimes finissent par des transitions très douloureuses. C’est la dernière des choses que je souhaiterais pour mon cher Burkina Faso.

Vous avez un parcours atypique. Vous êtes l’ancien « Monsieur Afrique » du groupe nucléaire français Areva. Ça ne vous a pas handicapé pendant la campagne ?

Pas du tout. Mais vous avez oublié que je suis d’abord un acteur de la vie publique de mon pays depuis vingt ans. J’ai été élu pour la première fois député en 1992. Je suis persuadé que c’est davantage cela que les Burkinabè retiennent, plutôt mon passage au sein du groupe Areva.

Justement, dans le passé, vous avez été ministre des Finances de Blaise Compaoré. Qu’est-ce qui garantit que vous n’allez pas vous réconcilier avec lui ?

D’abord je dois dire – et je n’ai pas peur de le dire – que j’ai été ministre du président Blaise Compaoré et j’ai pour lui un respect républicain, à la fois pour sa personne, puisque j’ai accepté de rentrer dans son gouvernement, mais aussi pour la fonction qu’il occupe, qui est la charge la plus éminente de notre pays. Et le fait d’avoir été ministre de quelqu’un n’empêche pas que l’on puisse avoir des divergences.

J’ai actuellement des divergences politiques très fortes avec la manière dont notre pays est gouverné, sur le plan de la conduite de la démocratie, qui est verrouillé et qui est organisé de manière à éviter l’alternance, sur la manière dont le développement s’organise. Notre pays est comme géré par un clan de parents, d’amis. Et notre économie est prise en main par des groupes restreints.

J’ai aussi des divergences sur la manière dont la société est gérée. Le Burkina Faso a une histoire qui nous a enseigné des valeurs de travail, d’intégrité, de sobriété. J’ai comme l’impression qu’il y a un laisser-aller à ce niveau-là. Et on le voit bien dans la manière dont la corruption se développe dans notre pays, que nous ne pouvons pas accepter.

Est-ce que vous excluez tout rapprochement d’ici 2015 ?

Nous sommes un parti d’opposition qui a une ligne bien tranchée. Nous, nous pensons que, d’ailleurs, pour l’intérêt de la démocratie, il faut éviter ces va-et-vient entre les postures d’opposants et de membres de la majorité. Il est bon pour nous que l’opposition s’oppose et prépare l’alternance, quel que soit le temps que cela va prendre. C’est une question qui ne souffre pas de la moindre ambiguïté.

A l’Assemblée nationale, il y a un poste officiel de chef de file de l’opposition. Est-ce que vous allez accepter ce poste ?

On n’est pas encore installés au niveau de l’Assemblée nationale. Et quand on y sera, le parti fera connaître sa décision et les voies des modalités à travers lesquelles, éventuellement, cette responsabilité pourra être assumée.

La grande question aujourd’hui est de savoir si Blaise Compaoré va modifier la Constitution, pour pouvoir se représenter en 2015. A votre avis, que va-t-il faire ?

Je ne sais pas. Par contre, je peux vous dire ce que les Burkinabè souhaitent. Les Burkinabè souhaitent que notre pays fasse l’expérience de l’alternance.

François Compaoré, le frère du chef de l’Etat, vient d’être élu député en même temps que vous. Est-ce qu’il pourrait se présenter en 2015 pour le parti au pouvoir ?

Je ne sais pas. Et c’est une question qui ne nous regarde pas. Maintenant, cela dit, il est un citoyen, comme tous les autres Burkinabè. S’il estime qu’il a un projet de société à proposer aux Burkinabè, il sortira et il le dira, et puis les Burkinabè trancheront.

Quel est, à votre avis, l’adversaire le plus difficile à battre, Blaise ou François ?

Je ne me suis pas posé la question.

C’est vrai ?

Oui. Je ne me suis pas posé la question ! Par contre, je me pose la question de savoir quel programme crédible l’opposition va présenter pour emporter l’adhésion des Burkinabè.

Est-ce que vous serez candidat à cette présidentielle ?

Je ne peux pas vous dire. Je suis un citoyen membre d’un parti. Il appartiendra à ce parti-là, au sein de l’opposition, de décider quelle est la personne la plus appropriée. Je n’ai pas d’ambition personnelle.

Vous savez, je ne suis pas un politicien de carrière. Mais je suis un soldat de l’alternance et du développement, et il appartiendra donc à mon parti et à toute l’opposition, de s’organiser pour voir quelle est la personne la plus capable de porter son flambeau le moment venu.

Et si les militants de l’UPC demandent au soldat Zéphirin Diabré d’être candidat, qu’est-ce que vous répondrez ?

A ce moment-là, vous me reposerez la question et je vous dirai.

Christophe Boisbouvier

RFI

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