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Législatives et municipales couplées : Quels ténors pour quels temps forts de campagne ?

Publié le vendredi 30 novembre 2012 à 01h43min

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En attendant l’après-2 décembre, jour du scrutin, pour connaître les tendances des votes, la campagne électorale pour les législatives et les municipales simultanées aura été assez terne. Les ténors annoncés ont-ils été à la hauteur des attentes d’un électorat largement désintéressé ou désenchanté ?

Au moment où les états-majors des partis et formations politiques préparent leurs derniers meetings, force est de constater que cette campagne aura été l’une des moins bandantes que le Faso en voie de démocratisation ait connue. Les multiples reports qui ont émaillé l’organisation de cette échéance électorale n’ont pas permis d’améliorer les performances. Aussi bien au niveau des partis politiques que des électeurs. Ici et là, ce n’était que du déjà-vu, du déjà-entendu. Tant que les messages politiques seront d’une platitude déconcertante, les électeurs -ou ceux qui se présentent comme tels- ne manifesteront pas non plus d’exigences à même de pousser les candidats à voler un peu plus haut.

« La bataille du Kadiogo » entre le « petit président » François Compaoré et Zéphirin Diabré aura été plus un bluff médiatique qu’autre chose. En tout cas, il n’y a pas eu de quoi fouetter un chat. Du reste, il ne pouvait pas en être autrement, puisqu’il s’agit d’un scrutin de listes et non d’affrontement direct. Ceux qui s’attendaient à ce que Moukila et Zèph se rentrent dedans pour s’exciter ont dû être déçus. Une déception qui est finalement à la hauteur du nuage d’amateurisme et d’ignorance qui entoure le jeu politique au Faso.
On se demande à quoi ça sert d’investir tous ces milliards pour l’organisation d’élections qui ne permettent pas finalement de soulever les vrais problèmes du pays. Si l’on convient que les élections sont des temps forts pour la fermentation de la vie politique -donc pour la gestion des affaires publiques-, on est en droit d’attendre mieux que ce qu’on a vu jusque-là. Bien plus qu’à attendre des candidats dire qu’ils vont remporter les élections dans telle ou telle localité. Car, le problème n’est pas seulement de savoir s’ils vont gagner, mais ce qu’ils proposent pour que toute la localité connaisse un changement qualitatif. En cette matière, on est resté plus que sur sa soif.

Les quelques excitations de Laurent Bado qui promet de prendre la mairie de Boulmiougou sont bonnes pour l’ambiance, mais pas suffisantes pour mesurer les forces et les ambitions d’une opposition politique largement dispersée. Arba Diallo, Bénéwendé Sankara et les autres vont probablement conserver les maigres sièges qu’ils avaient à la dernière législature, mais cela ne sera pas suffisant pour provoquer le changement tant attendu. Non pas seulement dans les hommes, mais surtout dans le discours, dans les actes et surtout dans la manière de faire la politique au Faso.

Au cours de cette campagne, on attendait aussi les femmes. Mais hélas ! Elles ont brillé par leur timidité et leur réserve légendaire à prendre des initiatives. Malgré le coup de pouce de la loi des quotas, on ne les a pas vraiment vues prendre le devant ou le dessus. Certes, elles ne se sont plus laissées aller aussi facilement aux djandjobas qu’à l’accoutumée. Mais les candidates n’ont pas suffisamment assuré au point de prouver à l’électorat qu’elles étaient là, et qu’elles voulaient effectivement que les choses changent. A leur décharge, on peut dire que ce n’est pas avec des formations improvisées à la dernière minute qu’on acquiert les rudiments nécessaires pour battre campagne.

Tout compte fait, on peut dire que, globalement, l’enjeu de l’organisation coûte que coûte de ces élections couplées a fini par tuer le jeu politique qu’on attendait. Malgré les appréhensions des uns et des autres, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a plutôt bien joué sa partition. Du moins, jusque-là.

Ce sont plutôt les partis politiques qui ne semblent pas s’être donné les moyens de prouver leurs capacités à assumer. Ils sont tombés dans le piège de la routine et du réchauffé alors qu’il y avait là matière à livrer de vrais messages pour convaincre un électorat qui a toujours du mal à comprendre l’importance de la politique. Alors qu’on les attendait sur le terrain des propositions concrètes pour des idées de projets de loi -pour la prochaine législature- et des projets de société pour la gestion des collectivités-, ils servent des affiches, des T-shirts et des promesses fallacieuses. Comment s’étonner du fait que les gens ne se mobilisent autour d’eux que pour des billets de banque ou pour des biens directement consommables ?

S’il y a bien une leçon à tirer de cette campagne électorale qui s’achève, c’est bien celle de dire qu’elle a révélé les limites de la politique telle qu’elle a du mal à se faire au Faso. Les leaders politiques -ou ceux qui se présentent comme tels- ont encore du pain sur la planche. Ils ont certainement besoin de plus de moyens pour s’organiser, mais ce sont d’abord des idées qu’il faut financer et non des individus en mal de notoriété. La grande dispersion des forces politiques dont est victime la classe politique (de l’opposition comme de la majorité) n’est pas non plus faite pour clarifier le jeu. Le fait de coupler les élections législatives et municipales n’a visiblement fait que décupler les tares.
Il faut maintenant espérer qu’à l’heure des bilans, chacun sache tirer les leçons qu’il faut pour sortir de ce cercle vicieux qui apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la démocratie burkinabè a du plomb dans l’aile. C’est du moins la plus grande révélation de cette échéance électorale supposée être la dernière de l’ère du Blaiso national. Attention donc au virage dangereux.

A. TraorÈ

Journal du Jeudi

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