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VIe anniversaire du drame de Sapouy : Où est passée la 4x4 calcinée ?

Publié le lundi 13 décembre 2004 à 07h35min

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Ce matin du dimanche 13 décembre 98, le directeur de publication de l’Indépendant du Burkina, Norbert Zongo, avait rendez-vous avec son destin - ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler l’holocauste de Sapouy.

Pour que s’accomplisse ce qui était écrit quelque part, Norbert abandonna en cette fête de la Sainte-Lucie le chemin habituel, qui le conduisait à son ranch, "Le Safari Sissili" -, la route nationale 1 et sa biffurcation de Sabou. Ainsi emprunta-t-il la nationale 6, qui fend au passage les départements de Saponé, Ipelcé et Sapouy. Pour une fois, le véhicule qui l’amenait, lui et ses compagnons d’infortune, Blaise Ilboudo, Yembi Ernest Zongo et... le chauffeur, Ablassé Nikièma, ne toussa point. Avait-il soigneusement été mis en état d’atteindre le golgotha ?

Question qui demeure sans réponse, tout comme celle se rapportant à l’identité de celui qui renseigna les bourreaux du 13 décembre quant au nouvel itinéraire des futurs suppliciés. La vieille Toyota Land Cruiser a tenu bon jusqu’au troisième arrêt à Sapouy, là où devait se jouer l’avenir, pour ne pas dire le devenir d’un pays, celui dit des hommes intègres. Quand donc l’astre du jour s’inclina, les assassins accomplirent leur mission avant de disparaître dans la forêt du Sud-Burkina.

Depuis ce jour fatidique, l’émérite journaliste, qui dérangeait les impis et les mécréants, n’écrit plus, mais son combat a changé la marche de la nation entière, et les échos de sa plume acerbe bouscule encore certaines consciences. On n’en saura plus rien non plus des mobiles du crime, ni de la main qui a armé les tueurs. On a beau multiplié les marches à travers le Burkina dans la tourmente, comme un seul homme le peuple a eu beau aller au front pour dénoncer cette forfaiture, réclamer la tête des coupables, et condamner l’injustice, on en restera là. Constat notable tout de même, le pouvoir a tremblé quand il n’était pas dans la rue.

La Commission d’enquête indépendante (CEI), créée aux lendemains du drame, par décret n°98-0490/PRES/PM/MEF/DEF/MJ-GS/MATS le 18 décembre 1998, et modifié par le décret n°99-001/PRES/PM/MEF/MJ-GS/MATS le 7 janvier 1999, pour faire toute la lumière sur ce quadruple assassinat, n’a trouvé que des suspects sérieux, recrutés dans les rangs de la Garde de sécurité présidentielle, que sont :
- les soldats Christophe Kombasséré et Ousséni Yaro ;
- le caporal Wampasba Nacoulma ;
- les sergents Banagoulo Yaro et Edmond Koama ;
- l’adjudant Marcel Kafando. Le juge d’instruction Wensceslas Ilboudo, chargé de voir dans ce dossier de la IVe République ce que les autres n’ont pas vu, a inculpé un seul d’entre eux, l’adjudant Marcel Kafando, dont la précarité de la santé recommande une extrême prudence.

Tous les témoins occulaires de l’holocauste de Norbert Zongo ont, eux aussi, reçu leur part de plombs et été emportés par les flammes, parce que gênants. Ce faisant, nous pensons à son frère Yembi Ernest Zongo, son ami Blaise Ilboudo et... à son chauffeur Ablassé Nikièma, qui, avant de subir l’atroce sort de leur compagnon de luxe, ont dû voir et reconnaître certaines voix, certains visages. Sur le convoi mortel du 13 décembre 98, celui-là qui pouvait faire avancer un peu les choses est aujourd’hui muet à jamais : il s’agit de la désormais célèbre Toyota Land Cruiser immatriculée 11 J 6485 BF, léchée, elle aussi, par les flammes, qui a aujourd’hui valeur d’objet de musée parce qu’entrée dans l’histoire.

Si ses passagers d’hier, ou ce qui en reste, reposent tous au cimetière militaire de Gounghin, elle est sous scellés et sous bâche dans le garage de la police nationale (Direction du contrôle de la migration), et strictement gardée pour d’éventuelles expertises au cas où il y aurait un quelconque rebondissement. Mais six ans après, le sésame peut-il encore s’ouvrir ? Oui, à une seule condition : que l’ordonnateur de l’expédition macabre du 13 décembre, ses complices, les exécuteurs de l’odieux crime, excédés par les pressions multiformes, pris de remords ou interpellés par leur conscience, s’ils en ont encore, se décident à passer aux avœux et à battre leur coulpe.

Ainsi, les veuves et les orphelins sècheraient enfin leurs larmes, les hommes intègres se réconcilieraient avec eux-mêmes, et fermeraient la gueule à leurs détracteurs d’ici et d’ailleurs. Dans l’attente que le miracle se produise, Norbert Zongo, pour le combat qu’il a mené, l’espoir qu’il a incarné et le martyre qu’il est devenu, est entré dans la légende. Malheureusement, c’est selon, ses compagnons d’infortune demeureront dans l’anonymat, eux dont le tort est de s’être retrouvés dans les mêmes flammes qui ont consummé l’illustre journaliste, le justicier à la plume, venu de Koudougou.

Pour témoigner et servir de repère aux générations montantes et à venir, le squelette du véhicule de Norbert Zongo, la Toyota Land Cruiser, mériterait de trôner en l’état à un carrefour de la capitale, où iraient s’incliner à chaque date anniversaire du drame de Sapouy les activistes des droits de l’homme et tous les citoyens épris de paix et de justice. Ce pourrait être le carrefour des consciences, pas celui des lamentations.

Bernard Zangré
L’Observateur Paalga

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