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Construction d’un marché à bétail à Pouytenga : Le choix du site plombe la réalisation du projet

Publié le mercredi 7 novembre 2012 à 01h25min

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Construction d’un marché à bétail à Pouytenga : Le choix du site plombe la réalisation du projet

Deux villages revendiquent la construction du marché à bétail de Pouytenga. Le premier, le quartier du secteur n°2 de la ville, s’appelle Naryaoghin. Il est situé à 4 km du centre-ville. Le deuxième village a pour nom, Zooré, à quelque 6 km de Pouytenga. C’est Naryaoghin qui avait été choisi pour accueillir ledit marché. Entre-temps, et progressivement, le nom de Zooré est venu en remplacement de celui de Naryaoghin. Ce jeu de balançoire divise les populations. Et cela dure depuis deux ans. Conséquence, le financement destiné à la construction de l’infrastructure pourrait être si, au plus tard, ce 31 décembre 2012, rien n’est fait.

Le budget de la construction du marché à bétail de Pouytenga (dans la province du Kourittenga) est estimé à 300 000 000 de F CFA. C’est le Projet de développement de l’élevage du Liptako Gourma (PDEL-LG) qui a demandé et obtenu, en 2007, ce financement auprès de la Banque islamique de développement (BID). Le début des travaux de construction du marché à bétail était prévu pour 2010. Toutefois, à cause des querelles, notamment entre éleveurs, bouchers, courtiers, emboucheurs, transporteurs, commerçants exportateurs et importateurs de bétail, les travaux n’ont jamais pu démarrer sur le site désigné. Le site étant, aujourd’hui, violemment contesté par les uns et vivement approuvé par les autres. Deux ans après, l’ouvrage n’est toujours pas sorti de terre, alors que le PDEL-LG prend fin ce 31 décembre 2012.

Un financement acquis

Les acteurs de la filière bétail et les populations de Pouytenga ont théoriquement deux mois encore pour , autrement, les 300 millions de FCFA alloués à la construction du marché à bétail seront . Mais pourquoi tant de polémiques autour d’un marché censé profiter non seulement au département de Pouytenga (situé à quelque 134 km de Ouagadougou), mais surtout aux provinces voisines de la Gnagna, du Ganzourgou, du Namentenga et du Boulgou ?

En réalité, c’est lors de la création, en 2006, du Projet de développement de l’élevage du Liptako Gourma (PDEL-LG) que les services techniques du ministère des Ressources animales (MRA) ont fait un constat : la plupart des animaux vendus dans la région du Sahel (les provinces du Séno, du Yagha et de l’Oudalan) sont principalement convoyés au marché à bétail de Pouytenga. Aussi, pour permettre une meilleure pratique de l’activité de commercialisation du bétail, le PDEL-LG avait décidé de réhabiliter l’ancien marché de Pouytenga, devenu vétuste. Mais dès que les experts se sont déportés sur les lieux pour évaluer l’opportunité technique de la réhabilitation du marché, ils se sont rendus compte que l’ouvrage, construit en 1978, est trop exigu et implanté au centre-ville de Pouytenga. Les experts ont alors décidé de construire une nouvelle infrastructure moderne répondant aux normes techniques en vigueur sur un nouveau site, assez excentré. « C’est à l’issue de cette mission de terrain que Prosper Larba Yaméogo, alors maire de la commune urbaine de Pouytenga (NDLR : puisque le 25 janvier 2012, le conseil municipal de Pouytenga a été dissout par décision du conseil des ministres) a sollicité la construction d’une nouvelle infrastructure qui serait délocalisée hors de la ville », indique le coordonnateur du projet de développement de l’élevage du Liptako Gourma (PDEL/LG), Maxime Ouédraogo.

Il dit avoir commencé ses premières conversations avec le bourgmestre de la ville dès le mois de février 2007. Au mois de mai de la même année, le ministère des Ressources animales (MRA) a expliqué à la Banque islamique de développement (BID) l’opportunité de la construction d’un nouveau marché à bétail.

La petite histoire des lettres d’invitation

Pour mieux défendre le dossier du futur marché, une mission du MRA s’est rendu, courant avril 2010, au siège de la BID à Djeddah, en Arabie Saoudite, pour expliquer l’opportunité et surtout l’utilité de ce marché. Le résultat des échanges est positif. La construction d’un nouveau marché à bétail de Pouytenga sur un nouveau site dont le lieu restait à déterminer, est acceptée par la BID. Dès lors, les démarches administratives et politiques vont être enclenchées pour la recherche et le choix du site du futur marché à bétail.

Sur proposition du coordonnateur du PDEL-LG, le directeur régional des Ressources animales de la région du Centre-Est, Jean Mbii Kaboré, a rédigé une lettre d’invitation et l’a soumise à la signature du gouverneur de la région du Centre-Est d’alors, Siméon Sawadogo. Cette correspondance était censée être adressée aux commerçants de bétail, aux courtiers, aux bouchers, aux emboucheurs, aux transporteurs de bétail et au maire de la commune de Pouytenga pour prendre part, le 4 décembre 2010, à une réunion d’information à Tenkodogo dont l’objet portait sur la construction du nouveau marché à bétail. A cette rencontre, a indiqué le coordonnateur du PDEL-LG, les acteurs-bénéficiaires du marché ont brillé par leur absence. Ont-ils reçu ou non, leur lettre d’invitation ? De quoi susciter de nombreuses interrogations. Selon le coordonnateur du PDEL-LG, quand les participants à la rencontre ont dit leur surprise suite à l’absence remarquée des acteurs de la filière bétail, le maire de Pouytenga (il n’avait pas encore été revoqué quand la polémique sur le marché a commencé) aurait affirmé qu’.

Aujourd’hui, l’ex-maire de Pouytenga, Prosper Larba Yaméogo qui a participé à cette rencontre, affirme n’avoir jamais reçu une lettre d’invitation ni des services régionaux du MRA ni du gouvernorat du Centre-Est (Tenkodogo). Où sont donc restées les lettres d’invitation convoquant les acteurs à cette réunion ? Mystère et boule de gomme. « J’ai été saisi au téléphone la veille par le gouverneur pour m’entendre dire qu’il y a une rencontre à Tenkodogo demain… Arrivé sur les lieux, j’ai d’abord cru à une rencontre des maires, ce n’est que dans la salle que j’ai pris, moi aussi, connaissance de l’ordre du jour… », a expliqué l’ex-édile de Pouytenga. Pour lui, c’est la délégation venue de Ouagadougou pour prendre part à la réunion qui a proposé, à la fin de la rencontre, de se rendre à Pouytenga pour faire la reconnaissance des sites. , déclare-t-il.

« C’est depuis Tenkodogo que j’ai suggéré, par téléphone, séance tenante, aux conseillers municipaux, aux membres du Comité villageois de développement (CVD) et à ceux du Comité de développement des secteurs (CDS) de Pouytenga de rechercher et choisir des sites dans les périphéries de la ville », poursuit, Prosper Yaméogo. Pourtant, le coordonnateur du projet, Maxime Ouédraogo, a soutenu mordicus que le maire de Pouytenga a bel et bien reçu son invitation pour la réunion de Tenkodogo, autrement, il n’aurait pas été présent dans la salle. « Le maire ne peut pas dire qu’il n’était pas au courant de la réunion parce que c’est lui qui, à la fin de la réunion, a invité la délégation venue de Ouagadougou à se rendre à Pouytenga pour visiter les sites qu’il dit avoir fait identifier et retenus à l’examen des experts », affirme le coordonnateur du PDEL-LG, un peu remonté contre le maire. Ici aussi, il y a des interrogations.

La reconnaissance des premiers sites par l’Etat

Accompagnés donc du maire d’alors, les experts et les autorités politiques et administratives se sont rendus, le 4 décembre 2010 à Pouytenga pour une reconnaissance des sites. Sur les lieux, le maire Prosper Larba Yaméogo leur montre deux sites. A l’examen des lieux, le premier site est rapidement abandonné parce que situé à proximité d’un cimetière. Les techniciens ont visité le deuxième site qui retient, à l’unanimité, leur attention. Pour autant, même ce deuxième site ne sera pas conservé pour longtemps. , a indiqué le maire de la commune, ajoutant que ce sont ces mêmes experts qui ont porté, en définitive, leur choix sur un troisième site, non loin du deuxième. Mais ce troisième site qui sera définitivement retenu est situé dans le village de Naryaoghin.

« Dès que le site du village de Naryaoghin a été retenu, j’ai fait appeler le chef du village, les élus municipaux et les membres du Comité villageois de développement de ladite localité pour leur dire officiellement qu’un lopin de 20 hectares a été identifié et retenu pour la construction d’un marché à bétail d’envergure régionale à Pouytenga », explique M. Yaméogo qui a dit avoir fait diffuser, ultérieurement, des communiqués radiophoniques pour que les populations qui ont des lopins de terre et des champs prennent des dispositions pratiques pour libérer le site retenu. , s’interroge Prosper Larba Yaméogo. Il a souligné être des qui bloquent, depuis deux ans, la construction de l’infrastructure.

Des polémiques interminables

Une fois choisi, le site de Naryaoghin restera durant deux ans en l’état. Et pourtant, aucun obstacle majeur n’y avait été relevé ni par les techniciens du ministère des Ressources animales ni par les populations de Pouytenga qui, a-t-on appris, semblaient, au départ, approuvées le choix du site. Selon le maire de Pouytenga, c’est quand l’entrepreneur a voulu commencer les travaux au mois de février 2012 qu’une . En réalité, le village de Naréyaoghin est un quartier du secteur n°2 de Pouytenga. Se trouvant sur l’axe Pouytenga-Bogandé, Naryaoghin est juste situé à 4 km du centre-ville de Pouytenga. Le site est un endroit au relief agréable avec de pousses d’herbes verdoyantes. Assez plat, il s’étend à perte de vue. , explique un habitant de Naryaoghin. Comme pour justifier choix, notre guide poursuit : , soutient-il.

Sur le lieu, la tension est vive : les injures fusent de partout. Certains y voient un « laxisme de l’Etat", d’autres pointent un doigt accusateur sur le syndicat des commerçants de bétail de Pouytenga soupçonné d’avoir le projet de construction du marché pour en faire un objet de chantage. , déclare, visiblement furieux, Victor Naré, un habitant de Naréyaoghin venu manifester. Mais pourquoi le site de Naryaoghin suscite tant de polémiques ? De fait, des sources font état qu’actuellement, l’Etat aurait décidé, en définitive, de porter sa préférence sur un autre nouveau site que les populations et le syndicat des commerçants auraient choisi. Ce nouveau site s’appelle Zooré. Et voici déjà Zooré objet de toutes les polémiques à Pouytenga.

Zooré dans le collimateur

Zooré est à environ 6 km de Pouytenga (sur l’axe Pouytenga-Boulsa). C’est un village relevant de la commune urbaine de Pouytenga. Une vaste broussaille clairsemée de quelques arbustes, à notre passage. La présence de champs indique que les concessions ne sont pas proches du site qui a été identifié pour abriter le nouveau marché. Un parc de vaccination à bétail construit par la commune de Pouytenga à une époque où l’on n’évoquait pas encore de construction d’un marché à bétail est bien visible. Mais qui a fait le choix du site de Zooré ? Au nombre de ceux qui exigent le maintien de la construction du marché à bétail sur le site de Zooré, il y a surtout Issaka Balma et Ignace Naré, respectivement président et 2e vice-président de l’Association des commerçants et exportateurs de bétail de Pouytenga (ACEB). En colère, tous d’eux ont déclaré que le premier site se trouvant à Naryaoghin a été unilatéralement identifié et choisi par le maire sans l’avis des populations et des autres acteurs de la filière bétail.

Quant à Saïdou Kaboré, conseiller municipal à Pouytenga, il a souligné que ses origines parentales avec Zooré ont guidé son choix au détriment de Naryaoghin où le . , a prévenu le conseiller municipal qui se dit prêt à pour que le marché ne soit pas construit à Naryaoghin. Naturellement, les gens du village de Naryaoghin ne sont pas d’accord pour Zooré. Une autre partie de la population de Pouytenga manifeste bruyamment son hostilité au choix du site de Zooré dont l’identification n’aurait pas été portée au préalable à sa connaissance. Ainsi, depuis six mois, le choix du site de Naryaoghin et celui de Zooré divise les populations de Pouytenga. Le climat social se dégrade de jour en jour dans la ville et la tension est perceptible. Les partisans du site de Naryaoghin ont commencé à participer massivement aux nombreuses marches de protestation sur la préfecture de Pouytenga et le haut-commissariat de la province du Kourittenga pour exiger le maintien de la construction de l’ouvrage sur le premier site.

Le 28 juillet dernier, les partisans du site de Naryaoghin se sont réunis pour créer un mouvement dénommé "Collectif pour le respect et la défense de la parole de l’autorité (CRDPA)". Ce cadre, selon ses fondateurs, est la structure légitime par laquelle les habitants entendent saisir le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, . Fin juillet dernier cependant, l’entrepreneur est arrivé à Zooré pour le démarrage éventuel des travaux. Cela a fait monter la tension entre les partisans du site de Naryaoghin et ceux de Zooré. La gendarmerie s’est interposée pour faire entendre raison aux parties en conflit. Le risque d’une confrontation est désormais grand. Les parties en conflit ne se disent plus le simple bonjour à Pouytenga.

Du temps perdu

Informé de cette guéguerre, l’Etat avait fait organiser une série de réunions de concertation à Pouytenga auxquelles ont toujours participé le haut-commissaire de la province du Kourittenga, le préfet de Pouytenga, les représentants du ministère des Ressources animales, les représentants du syndicat des commerçants de bétail et les ressortissants des villages du Naryaoghin et de Zooré. Dans le compte rendu de la réunion du 4 avril 2012, on y lit : « Pour le directeur régional des Ressources animales du Centre-est (DRRA-CE), il n’est plus question, à l’heure actuelle, de délocaliser le site de Naryaoghin. Le DRRA-CE a ajouté que le ministre de l’Economie et des Finances a déjà signé les accords de financement, les marchés ont été passés et que les entrepreneurs sélectionnés attendent l’autorisation pour démarrer les travaux sur le site de Naryaoghin ».

Le préfet de Pouytenga, Aminata Sorgho/Gouba, d’affirmer : . Quant à la réunion sus-évoquée, le compte rendu précise : « A la question du haut-commissaire de savoir si les acteurs de la filière bétail sont d’accord pour la réalisation du nouveau marché à bétail à Naryaoghin, la majorité des acteurs ont répondu par l’affirmative. Ceux qui étaient d’accord ont promis au haut-commissaire de tenter de convaincre leurs camarades. Ils ont aussi promis de s’impliquer dans le processus de la mise en œuvre du projet ». Pourquoi donc après cet engagement public pris au cours de la rencontre, le site du marché à bétail a été retiré du sol de Naryaoghin ? Pourquoi les conclusions de cette rencontre peinent à être appliquées ? Pourquoi donc l’Etat n’est pas resté dans l’esprit de sa propre logique pour faire construire le marché ? Pour la secrétaire générale du ministère des Ressources animales (MRA), Joselyne Somé, l’engagement pris par les acteurs était un . , avance Mme Somé. Pour le maire de Pouytenga, Prosper Larba Yaméogo, cette interminable querelle est la de l’administration qui n’a pas suffisamment marqué son .

En tous les cas, pour Ambroise Vebamba, un commerçant de bétail à Pouytenga, si les sites de Naryaoghin et Zooré doivent causer la fracture sociale dans la province du Kourittenga, autant les abandonner tous et faire l’option d’un autre site plus consensuel. Peut-être que cette piste sera la bonne puisque par lettre N°2012-161/MRA/CAB datée du 24 avril 2012, le ministre des Ressources animales . La correspondance ministérielle précise : . Cette note restera-t-elle lettre morte ou aura-t-elle un vent plus favorable ? Nul ne peut répondre pour le moment.

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)

Sidwaya

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