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Le président sénégalais Macky Sall entend passer aux choses sérieuses et liquide du gouvernement ses « meilleurs amis » (2/2)

Publié le mardi 6 novembre 2012 à 19h58min

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Le président sénégalais Macky Sall entend passer aux choses sérieuses et liquide du gouvernement ses « meilleurs amis » (2/2)

Ne pouvant pas puiser dans le vivier du PS ni du PDS – les deux partis qui ont formaté l’histoire du Sénégal au temps d’Abdou Diouf et d’Abdoulaye Wade (soit trois décennies de la vie politique du pays) – le président Macky Sall ne pouvait sortir de l’eau pour les placer au gouvernement que du menu fretin (à quelques exceptions près compte tenu des défections qui, ces dernières années, ont illustré l’évolution du PDS). Ou recourir à des gloires anciennes ; mais celles-ci ne font l’affaire qu’à des postes qui, aussi prestigieux politiquement soient-ils, sont plus honorifiques qu’opérationnels.

La première mouture du gouvernement (4 avril 2012) a montré les limites des « politiques » ; et, surtout, leur impatience à « faire le ministre ». Il lui fallait donc trouver ailleurs des hommes capables d’assumer le job. Sept ministres (soit près d’un tiers de l’effectif) ont ainsi quitté l’équipe gouvernementale après… sept mois d’exercice infructueux. Dont deux poids lourds, les « meilleurs amis » de Sall, les numéros 1 et 2 du gouvernement : le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur ; et le ministre de l’Intérieur (cf. LDD Sénégal 0190/Vendredi 2 novembre 2012). Extérieur et Intérieur, autant dire qu’il ne reste pas grand-chose du gouvernement initial. Place aux « pro ». Enfin, il faut l’espérer… !

ABC, Alioune Badara Cissé, ancien directeur de cabinet et ancien secrétaire général du gouvernement quand Sall était premier ministre, était jusqu’à présent le chef de la diplomatie ; mais se considérait comme un premier ministre bis (les mauvaises langues disaient même : président bis) compte tenu de sa proximité avec le chef de l’Etat. Il n’est pas encore chef du gouvernement ; mais il n’est déjà plus ministre des Affaires étrangères.

Juriste de formation, avocat de profession, formé en France et aux Etats-Unis (il maîtrise parfaitement l’anglais qu’il a d’ailleurs enseigné), ABC a mené sa carrière politique au sein du PDS. Il avait quitté le parti de Wade quand Sall avait dû abandonner la présidence de l’Assemblée nationale en 2008. Il l’avait alors rejoint pour fonder l’Alliance pour la République (APR), devenant son coordonnateur national et étant élu, en mars 2009, conseiller municipal de Saint-Louis. C’est lui qui avait conseillé à Sall de se démarquer du reste de l’opposition à Wade regroupée au sein du M23.

ABC n’était pas un spécialiste des relations internationales ; et, manifestement, il n’a pas appris à le devenir (le fait de multiplier les déplacements en avion – « j’étais toujours entre quatre avions » aurait-il déclaré à Sall – n’étant pas nécessairement formateur en la matière). Il a surtout oublié que la diplomatie, au Sénégal comme ailleurs, est du domaine réservé du président de la République ; l’un décide, l’autre exécute. Cependant, sur le fond de l’affaire (qui s’est déroulée alors qu’ABC participait au Hadj 2012), les zones d’ombre sont encore nombreuses. On notera simplement que c’est un diplomate de carrière, un « pro », qui prend sa suite.

Mankeur Ndiaye est né le 15 mars 1960 à Dagana, sur les rives du fleuve Sénégal, où il a fait ses études avant de rejoindre l’Ecole normale de Saint-Louis. A 22 ans, il est instituteur. A 26 ans, il rejoint l’Ecole normale supérieure (ENS) de Dakar puis, dans la foulée, en 1988, l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) où il choisit d’emblée la voie diplomatique. En 1991, il sort major de sa promotion comme il l’avait été, déjà, à l’ENS.

Il peaufinera sa formation au sein de la CNUCED, de l’UNITAR (Nations unies) et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) à Paris. Dès 1993, il sera nommé directeur de cabinet de Magatte Thiam, d’abord ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l’Intégration économique africaine (Moustapha Niasse – aujourd’hui président de l’Assemblée nationale – étant ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur dans le gouvernement d’Habib Thiam) puis, en 1995, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, chargé de la Planification. Niasse va l’appeler aussitôt auprès de lui comme conseiller technique en charge de la coopération économique, technique et financière ainsi que du dossier UE/ACP. Il restera auprès de Niasse jusqu’en 1997. Il est alors nommé deuxième puis premier conseiller à la Mission permanente du Sénégal auprès des Nations unies à New York jusqu’à son retour à Dakar, en avril 2003.

Entre temps, Diouf a cédé la place à Wade et c’est Cheikh Tidiane Gadio qui sera le patron de la diplomatie. Ndiaye devient son directeur de cabinet, avec le titre d’ambassadeur à compter de mai 2003. Il le restera tant que Gadio sera ministre (2009). Nommé ambassadeur à Bamako (il va assurer l’exfiltration vers le Sénégal du président déchu Amadou Toumani Touré), il sera promu ambassadeur à Paris (18 mai 2012) dès l’accession au pouvoir de Sall ; il prendra ses fonctions le 6 juin 2012 et présentera ses lettres de créance le 11 juillet 2012 au président François Hollande.

Sall viendra en visite officielle à Paris au début de l’été 2012 et Hollande a fait son premier déplacement en Afrique, à Dakar, le 12 octobre 2012. Ce que Ndiaye appelle « le retour à la normalité diplomatique dans les relations entre Dakar et Paris » alors que « les deux dernières années, on le sait, n’ont pas été faciles, mais cette période est derrière nous. Les chantiers sont immenses et la volonté politique est forte des deux côtés ». Sall entend confirmer l’orientation économique de la diplomatie sénégalaise. Et il l’a rappelé lors du conseil des ministres du 2 novembre 2012 : « Diffusion auprès des ambassades des opportunités économiques au Sénégal ; proposition d’un plan de travail annuel par chaque ambassade et par consulat ; mise en place au sein du ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur d’un mécanisme de coordination des actions économiques ».

La chute d’Alioune Badara Cissé apparaît aujourd’hui comme une rupture politique et personnelle avec Sall. L’ex-ministre aurait refusé toute autre affectation. Mbaye Ndiaye, qui abandonne son portefeuille de ministre de l’Intérieur, a quant à lui accepté le titre de ministre d’Etat sans portefeuille auprès du président de la République. Ce cadre de la Sénélec, militant du PDS, maire des Parcelles assainies, un quartier de Dakar, était monté au créneau lors de l’éviction de Sall de l’Assemblée nationale. Il le rejoindra aussitôt, perdant du même coup l’ensemble de ses mandats, pour fonder l’APR dont il sera le directeur des structures. Ndiaye, parce qu’il était rodé aux luttes électorales, va hériter du ministère de l’Intérieur.

Un costume trop large pour lui. La mise à sac de certains quartiers de la capitale à la suite de la manifestation des Thiantacounes, les « disciples » de Cheikh Béthio Thioune* (emprisonné depuis le 26 avril 2012 pour divers délits : détention d’armes, association de malfaiteurs, recel et inhumation de cadavres…), le 22 octobre 2012, lui a été fatale.

C’est un gendarme qui le remplace. Et non des moindres : le général de division Pathé Seck, ancien haut commandant de la gendarmerie et directeur de la justice militaire, nommé à l’âge de la retraite (il est né le 29 novembre 1945) ambassadeur du Portugal. Saint-Cyrien mais également bardé de diplômes universitaires (espagnol, relations internationales, histoire, criminologie…), il bénéficie d’une excellente réputation d’homme intègre, exigent et rigoureux particulièrement proche (et estimé) de ses homologues français. Son handicap : être un gendarme pour assurer la tutelle de la police. Son atout : c’est un « pro », y compris en matière de renseignement.

* Le samedi 17 mars 2012, une gigantesque marche des Thiantacounes avait été organisée à Dakar. Le chef des mourides, Cheikh Béthio Thioune, avait affirmé, ce jour-là, installé sur un fauteuil aux allures de trône au milieu de la place de l’Obélisque : « Nous sommes toujours la majorité ! Cela signifie quoi ? Que le président Abdoulaye Wade sera président de la République du Sénégal tant que nous le voudrons parce que tel est le désir du Seigneur ». Ce qui s’est révélé faux !

Jean-Pierre Bejot
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 7 novembre 2012 à 10:14, par Joukov En réponse à : Le président sénégalais Macky Sall entend passer aux choses sérieuses et liquide du gouvernement ses « meilleurs amis » (2/2)

    Revenons sur un discours du président senegalais sur les taux d’intérêt . Il est ingenieur et je suppose qu’il a fait un peu d’économie. Est il normal de baisser les taux d’intérêt pour doper la consommation et surtout les importations quand on sait que dans notre zone Uemoa, nous ne fabriquons rien, et ne transformons rien si ce n’est exporter les matières premières à l’état brut. Devons nous travailler pour l’Asie et pour le reste du monde car ces usines asiatiques sont majoritairement la propriété de fond de pension ou paient des licenses ou brevets occidentaux. Mr le président, revoyez vos cours d’économie et mettons fin l’auto flagellation.

  • Le 7 novembre 2012 à 10:18, par Joukov En réponse à : Le président sénégalais Macky Sall entend passer aux choses sérieuses et liquide du gouvernement ses « meilleurs amis » (2/2)

    Revenons sur un discours du président senegalais sur les taux d’intérêt . Il est ingenieur et je suppose qu’il a fait un peu d’économie. Est il normal de baisser les taux d’intérêt pour doper la consommation et surtout les importations quand on sait que dans notre zone Uemoa, nous ne fabriquons rien, et ne transformons rien si ce n’est exporter les matières premières à l’état brut. Devons nous travailler pour l’Asie et pour le reste du monde car ces usines asiatiques sont majoritairement la propriété de fond de pension ou paient des licenses ou brevets occidentaux. Mr le président, revoyez vos cours d’économie et mettons fin l’auto flagellation.

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