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Moumouni Fabré à Pô pour reconclier agriculteurs et éleveurs

Publié le vendredi 10 décembre 2004 à 09h34min

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A l’issue de sa mission de bons offices pour réconcilier les agriculteurs et éleveurs du village de Kampala, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Moumouni Fabré dans une interview accordée à la presse a donné des précisions sur certains aspects des échanges qu’il a eus de part et d’autre.

Le sentiment qu’affichent les agriculteurs d’être lésés dans les règlements des conflits qui les opposent aux éleveurs par l’Administration, l’action qu’à faite et que compte faire le gouvernement, le retour des éleveurs à Kampala...

Question : M. le ministre, vous êtes à Pô dans le cadre de la résolution du conflit qui oppose agriculteurs du village de Kampala aux éleveurs peulhs de ce même village. Vous vous êtes entretenu avec les deux parties.Qu’est-il ressorti de vos échanges et comment se présente la sortie de crise ?

Réponse : La crise est partie d’un sentiment de ras-le-bol des agriculteurs qui ont l’impression qu’ils sont l’objet d’agressions répétitives de la part de la communauté peulhe. Ce faisant, ils ont voulu se faire justice. Des discussions que nous avons eues avec chacun des deux groupes, il ressort fort heureusement que chaque partie est animée de la volonté de travailler à la consolidation de la paix dans la zone. Chacun veut vivre en fraternité et en convivialité avec l’autre. A Kampala, les agriculteurs ont affirmé que cela fait plus de 40 ans que les peulhs vivent dans la zone sans qu’il n’y ait eu un problème de ce genre.

De notre avis, ce qui a provoqué le présent conflit est dû à un manque de concertation entre les responsables des deux communautés. S’il y avait un cadre de concertation et de dialogue permanent entre les deux parties, il est évident que nous n’aurions pas connu cette déplorable situation. Ce constat fait, nous avons instruit le haut-commissaire pour la création d’un cadre de concertation qui permettra aux uns et aux autres de se parler face-à-face, de comprendre réciproquement leurs problèmes et de trouver ensemble les solutions qui s’imposent. Cela permettra aux deux communautés de vivre ensemble de façon harmonieuse.

Car comme vous le savez l’agriculture a besoin de l’élevage et vice-versa. L’éleveur a besoin des céréales pour faire vivre ses animaux et l’agriculteur a besoin de la fumure organique pour faire fructifier son champ. Ce sont donc des acteurs complémentaires du développement qui doivent travailler ensemble . Nous allons donc faire de sorte que ce cadre de concertation soit permanent et qu’il évite désormais que les situations conflictuelles n’explosent.

Q. : La communauté peulhe de Kampala s’est réfugiée à Pô. Qu’est-ce que le gouvernement a fait de concret pour elle et quand pensez-vous qu’elle pourra y retourer ?

R. : Dès que le problème s’est posé, le ministère de l’Action sociale est venu rapidement au secours des uns et des autres en fournissant des couvertures, des nattes et des habits pour les enfants. Nous ferons le point avec M. le haut-commissaire pour évaluer les besoins au plan sanitaire, car vous constatez qu’il y a beaucoup d’enfants qui toussent. Dès que le point sera fait, nous ferons suivre immédiatement des médicaments pour leurs soins.

Par ailleurs, nous sommes en train d’étudier et d’évaluer l’aide à apporter à certains qui ont tout perdu : céréales, volailles, habits et argent. Le gouvernement étudiera la contribution à leur apporter pour leur permettre de redémarrer leurs activités. Notre souci, c’est de pouvoir créer véritablement ce climat de tolérance et de paix entre les deux communautés.

Q. : M. le ministre, en dehors de l’absence d’un cadre de concertation entre agriculteurs et éleveurs, n’y a-t-il pas eu quelque part une faillite de l’administration dans la résolution des conflits qui interviennent de façon conjoncturelle ?

R. : Qu’entendez-vous par faillite de l’administration ?

Q. : Quand on écoute les agriculteurs kasséna, ils estiment que les conflits qui éclatent sont généralement mal gérés et mal réglés. L’application de la loi du Talion serait donc intervenue parce que l’administration ne règle pas au mieux les conflits. Les agriculteurs ont par exemple le sentiment que la gendarmerie et la police ne sont pas toujours impartiales dans le règlement des conflits entre eux et les bergers peulhs.

R. : Lorsque deux parties sont en conflit, chaque fois que vous allez trancher, il y a l’une des parties qui estimera que vous avez tranché en sa défaveur. Lorsque vous allez en justice avec des avocats pour chaque partie et avec un juge devant vous, la loi est dite. Cependant, il y a une des parties qui estimera toujours qu’elle est brimée par rapport à l’autre. Quand bien même la loi est dite. Dans ces conditions il est difficile que dans une situation de conflit, vous parvenez à satisfaire toutes les deux parties. Il est clair que chaque fois que vous allez trancher en prenant une décision en faveur de l’un et en défaveur de l’autre, il y aura toujours mécontentement de la part de celui pour qui la décision est défavorable. Nous comprenons cela, car c’est humain. Personne ne veut perdre dans un conflit ou dans un procès.

De même, lorsque vous fixez des amandes à payer, les prétentions des uns et des autres sont différentes. Lorsque vous fixez par exemple un montant donné à la partie qui a subi des dommages, celle-ci généralement estime de son côté que le montant n’est pas à la hauteur du dommage par elle subie. Dans ce cas que voulez-vous que l’on fasse ?

Certains ici ont salué la promptitude de la gendarmerie qui est intervenue le plus rapidement possible pour protéger la communauté peulhe. Cela est un indice qui démontre qu’il y a pas de partie- pris pour x ou y.

Ceux qui ont été arrêtés, ne l’ont pas été du fait de leur statut d’agriculteurs, mais parce qu’ils sont responsables d’un acte ayant entraîné mort d’hommes. Et quand il y a mort d’homme, il faut que le loi intervienne. On ne peut pas passer cela en perte et profit. Il faut que la loi intervienne. C’est donc dans le cadre de cette procédure que les gens ont été arrêtés. S’il s’avère par la suite qu’ils sont innocents, ils seront purement et simplement relâchés.

Q. : Au terme de cette sortie sur le terrain ,est-ce que vous avez bon espoir que dans un mois, la paix sera retrouvée ?

R. : Nous sommes véritablement confiants. Chacune des deux communautés souhaite que le problème soit définitivement résolu, que la paix revienne et qu’à nouveau les deux entités puissent vivre en bonne intelligence, comme de par le passé. Il y a une volonté de vivre ensemble. Nous allons créer les conditions pour permettre à cette volonté de se réaliser. Le cadre de concertation qui sera créé sera permanent pour permettre de résoudre tous les problèmes. Du fait que les agriculteurs ont égrainé un certain nombre de griefs qui sont consécutifs à des agressions ou à des dégâts de champs, la communauté peulhe n’a pas perçu de tels actes dans toute leur ampleur. Tout simplement parce qu’il n’y a pas eu un cadre pour exposer les différents problèmes auxquels les autres ont été confrontés. S’il y avait un cadre de concertation qui permettait de "répercuter" l’information à l’endroit des autres, ceux-ci auraient fait certainement attention et le conflit aurait été évité.

Q. : A quand le retour de la communauté Peulhe à Kampala ?

R. : Nous avons demandé au haut commissaire de tout mettre en œuvre pour que le processus de concertation s’achève le dimanche 12 décembre pour permettre à la communauté peulhe de retrouver chez elle à Kampala à partir de la semaine prochaine.

propos recueillis par notre correspondant à Pô
Sidwaya

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