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Vulgarisation du FACA : « La persévérance dans la défense des causes justes ne manque jamais de pont-relais solides », dixit Dr Badiori Ouattara

Publié le mardi 23 octobre 2012 à 23h10min

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Vulgarisation du FACA : « La persévérance dans la défense des causes justes ne manque jamais de pont-relais solides », dixit Dr Badiori Ouattara

Maladie héréditaire, la drépanocytose est la première hémoglobinopathie au monde et l’Afrique est le continent le plus touché. Depuis 1990, des chercheurs burkinabè travaillent pour la mise au point d’un phytomédicament permettant de soigner le mal sans véritablement le guérir : le FACA. La vie d’un homme semble liée à ce médicament tant il s’y est investi et continue à le faire sans compter. Homme de caractère et d’endurance, Dr Badiori Ouattara travaille sur le FACA depuis son admission à la fonction publique en 1992. Dans cette interview accordée à votre portail Lefaso.net, il parle de la drépanocytose, du FACA dans toutes ses facettes et du FRSIT qui est une tribune de valorisation des résultats de recherche.

Présentez-vous aux lecteurs du Faso.net ?

Je suis Ouattara Badiori, pharmacien d’industrie spécialisé en technologie pharmaceutique, responsable de la production des médicaments à U-PHARMA. U-PHARMA est une unité de fabrication de médicaments au sein de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS). Cet institut relève du CNRST qui, lui-même, relève du MRSI (ministère de la recherche scientifique et de l’innovation). Nous travaillons depuis 1990 sur un phyto-médicament qu’on appelle le FACA. On est parti d’une recette de tradi-thérapeutes et jusqu’à nos jours les études continuent.

Dites- nous ce qu’est le FACA ?

Le FACA est un médicament traditionnel amélioré (MTA) à base de deux plantes médicinales récoltées au Burkina Faso. C’est un phytomédicament de catégorie deux et de liste une. Il est présenté sous formes gélules dosées à 80 mg pour les enfants de 30 mois à 15 ans et 160 mg pour les adultes. Il est conditionné dans des boîtes de 100 gélules. Le FACA prend en charge un grand nombre de malaises liés à la drépanocytose. Il peut soulager aussi certains symptômes chez les porteurs de l’hémoglobine C.

Le FACA soigne les malaises liés à la drépanocytose, dites-nous ce qu’est la drépanocytose ?

La drépanocytose est une maladie génétique de la plus grande composante du globule rouge à savoir l’hémoglobine. Elle est caractérisée par la présence d’une hémoglobine qui fixe mal l’oxygène appelée hémoglobine S. Dans certaines conditions, cette hémoglobine se polymérise, déforme le globule rouge qui perd beaucoup de ses propriétés notamment la déformabilité qui lui permet d’oxygéner tous les compartiments de l’organisme. Les porteurs de l’hémoglobine AS sont dits non malade ; les vrais malades seraient ceux qui ont hérités l’hémoglobine S chez les deux parents (Hb SS) ou ayant d’autres combinaisons comme les porteurs de l’hémoglobine SC. C’est une maladie très douloureuse dont la gravité des signes cliniques dépend de beaucoup de facteurs (teneur de l’hémoglobine fœtal (Hb F), prise en charge précoce de la maladie, bonne hygiène de vie, …). Ainsi en dehors des erreurs de diagnostic, il y a des porteurs de l’hémoglobine SS ou SC qui ne font jamais de crises parce qu’ils sont protégés par une forte teneur de leur hémoglobine F ; par contre il y a des AS qui souffrent beaucoup ; voilà pourquoi j’ai mis au conditionnel cette appellation de « malade drépanocytaire et non malade ».

Pouvez-vous nous résumer les travaux menés sur le FACA ?

Les travaux scientifiques sur le FACA ont commencé en 1990 et couronnés en 1991 par une thèse d’état de médecine confirmant la propriété antidrépanocytaire du produit. D’autres thèses en pharmacie ont permis d’obtenir des informations sur les propriétés pharmaco-toxicologiques du FACA. Des études cliniques furent menées en 2001 pour compléter celles de 1990. La structure des principes actifs a été élucidée entre 2004 et 2009. Il s’agit de nouvelles molécules découvertes pour la première fois au monde ; on les appela Burkinabines A, B et C. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) burkinabè a été obtenue le 28 Mai 2010. Les travaux de vigilance thérapeutique se poursuivent.

Peut-on nous assurer aujourd’hui que le FACA est assez efficace et n’entraine pas d’effets secondaires ?

La vie d’un médicament est comme celle d’une personne ; c’est au fil du temps que certains caractères sont découverts d’où l’importance d’avoir une bonne équipe de pharmacovigilance. C’est une équipe d’experts du ministère de la santé qui a analysé les effets bénéfiques et néfastes du FACA avant d’octroyer l’AMM ; je pense que nous devons leur faire confiance. Tous les produits ont des effets secondaires, il faut éviter l’automédication et bien lire les notices avant toute utilisation de médicament. Les effets secondaires du FACA sont clairement mentionnés dans la notice qui accompagne le produit.

Le coût du FACA est-il à la portée du citoyen lamda ?

Je pense que oui car le prix de cession au public est de 4500F pour 100 gélules dose adulte et 3850F pour la dose enfant. Nous travaillons sur la forme comprimée afin de réduire davantage le coût de production.

Au regard des vertus du FACA pour les drépanocytaires, est-ce que la demande est forte ?

Depuis l’obtention de l’AMM, la demande est de plus en plus croissante. Au cours de l’exercice 2012, nous avons produit pour plus de vingt millions de francs CFA ; la quantité mise sur le marché est supérieure à quinze millions.

Arrivez-vous à satisfaire la demande ?

Notre production arrive à couvrir les besoins des pharmacies ; il faut cependant reconnaître que les demandes extérieures au Burkina Faso sont difficilement honorées. Nous devons avoir une équipe de marketing pour mieux faire connaître le médicament et l’enregistrer dans les autres pays demandeurs.

N’y a-t-il pas de structures relais pour vous appuyer dans la vulgarisation du FACA ?

Le premier partenaire de l’industrie pharmaceutique dans la commercialisation est le grossiste. Des contacts sont en cours avec des distributeurs nationaux et internationaux.

Le FACA, c’est le résultat de plusieurs années de recherche, plusieurs milliards de francs CFA investis par l’Etat, une AMM depuis 2010, mais jusque là, le médicament demeure quelque peu méconnu…

Tout ce que vous dites est vrai et je le déplore. Le diagnostic de tous les experts est le même : la chaîne de décision est trop longue à U-PHARMA, il y a des conflits de missions très souvent au détriment de la production, U-PHARMA doit avoir une mission claire et les moyens pour la mener à bien.

Pendant une vingtaine d’années, vous avez travaillé sur le FACA, qu’est-ce que ça vous a apporté personnellement ?

Le plaisir de servir, de contribuer à soulager une douleur, en somme de partager une croix. Cette lecture de la vie terrestre s’accompagne aussi de beaucoup d’incompréhensions familiales et professionnelles. Je demande pardon à ceux qui sans le vouloir, j’ai blessé.

A vous écouter, votre vie à U-PHARMA n’a pas été ou n’est pas que du plaisir ?

J’ai appris à tout sacrifier pour combattre les aprioris que je juge néfaste pour le bien de tous. Les tabous ne voulant pas être ébranlés, souvent pour des intérêts égoïstes, vous mettent les pires bâtons dans les roues. Mon devoir en tant qu’homme de terrain, c’est de les pardonner.

Malgré les difficultés rencontrées, comment faites-vous pour toujours continuer à apporter votre part de souffle au FACA ?

En utilisant durant chaque plage d’épreuves mes cinq sens afin de voir, lire, sentir, toucher, goûter, entendre l’appel de « l’essentiel de la vie » : l’amour du prochain

Le forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (RFSIT) se tient tous les deux ans au Burkina, que pensez-vous de ce forum ?

Le FRSIT est un organe de valorisation des résultats de la recherche. Il est indispensable à la bonne marche des unités de production de notre ministère.

Depuis Novembre 2011, cette structure fait beaucoup pour le FACA. En effet le 12 Novembre 2011, nous avons eu le premier prix lors du Forum international des inventions et innovations technologiques (FNIIT) au Niger. Le prix est intitulé « coupe de la meilleure invention dans le domaine de la santé ». La principale cause qui a plaidé pour le FACA, est qu’au-delà de la beauté des articles scientifiques et thèses qui l’ont généré, il soigne en Afrique, en Europe, aux Etats unis d’Amérique. Une autre date importante pour le FACA est le 13 Octobre 2012 où le FRSIT fut clôturé par un diner gala de collecte de fonds pour la production de la forme pédiatrique du FACA. Toute la Nation s’est mobilisée malgré le calendrier chargé des uns et des autres.

Permettez- moi à ma modeste personne, aux noms des drépanocytaires, des associations de lutte contre ce mal, des différents ministères et personnes morales impliqués dans ce combat, de dire merci à tous. La persévérance dans la défense des causes justes ne manque jamais de pont-relais solides.

Un message pour conclure ?

Merci à tous les médias nationaux et internationaux notamment en France et en Allemagne qui n’ont jamais cessé de nous donner l’occasion de mieux éclairer les consommateurs du FACA. Chaque nation a le devoir d’apporter au reste du monde ce qu’elle a de meilleur. Ayons la modestie d’écouter les tradithérapeutes, de les mettre en confiance car ils ont encore beaucoup à nous donner. Merci au vieux sage tradithérapeute, qui en donnant sa recette en1990 à la recherche, permet aujourd’hui de soulager des millions de malades.

Interview réalisée par Moussa Diallo
Lefaso.net

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