Mais que se passe-t-il au juste ? Y a-t-il un blocage dans cette haute juridiction ? Où est passé Herbert Traoré, le nouveau président de la Cour ? On croyait qu’il ferait bouger les lignes. Mais jusque-là, c’est le statu quo. Au point qu’on se demande à quoi servent finalement les rapports de la Cour des comptes. Non seulement ils sont publiés avec un énorme retard, mais en plus, aucun mécanisme de sanction n’est mis en branle face aux présumés détourneurs de fonds publics ou auteurs de fautes de gestion. Autant dire qu’il s’agit d’une caution à l’impunité. Une impunité totale. Pourtant, les textes portant fonctionnement de la Cour lui permettent de juger les fautes de gestion et de sanctionner, au besoin, les fautifs. Mais jamais la Cour ne s’est résolue à passer à l’action.

Avant la nomination du nouveau président, les blocages étaient, en bonne partie, dus au fait que l’ancien patron de l’institution, Boureima Pierre Nébié, cherchait à sauver sa tête. Il était lui-même passible de sanction. La raison ? La voici : il a occupé plusieurs fonctions mais n’a jamais rendu compte de sa gestion, conformément aux prescriptions de la loi. Evidemment, dans ces conditions, il était pratiquement difficile pour lui de donner des leçons aux comptables fautifs alors que lui-même n’était pas si « propre » que ça.

Le ministre de l’Economie et des Finances, Lucien Marie Noël Bembamba, n’en pouvant plus face au silence de la Cour, avait fini par adresser une correspondance à Boureima Pierre Nébié. Et il était allé droit au but. Morceau choisi : « Nous pourrions exploiter les dispositions de l’article 18 de la loi organique N°014-2000/AN du 16 mai 2000 qui autorise, en son dernier alinéa, le président de la Cour des comptes à créer autant de sections qu’il juge nécessaires par ordonnance.

Cette même loi organique a par ailleurs, dans ses articles 79 et suivants, défini les fautes de gestion, précisé la procédure applicable pour instruire et juger les fautes de gestion et prévu les sanctions applicables. La Cour dispose donc, au regard des dispositions actuelles, de tous les pouvoirs nécessaires pour instruire et juger aussi bien les comptes de gestion qui lui sont présentés en état d’examen, que les fautes de gestion et les gestions de fait ».

La correspondance du ministre s’achève par une invite à appliquer, vite et bien, les textes en vigueur. Voici un morceau : « Par la présente, j’ai l’honneur de vous inviter à mettre en œuvre toutes les diligences requises pour que la mesure puisse connaître un début de mise en œuvre, afin de me permettre d’atteindre des taux de mobilisation satisfaisants des appuis budgétaires et me faciliter la conduite du dialogue avec nos partenaires lors des prochaines discussions ». Mais le président de la Cour n’a apporté aucune suite favorable à cet appel pressant du ministre. Jusqu’aujourd’hui, les personnes épinglées lors des différents contrôles baignent dans une impunité… totale. Et on ne sait pas d’où viendra le déclic. Les incessants appels des partenaires techniques et financiers, visant à donner une suite aux rapports de la Cour, n’ont servi à rien.

Hervé D’AFRICK

Le Repoter