LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Harouna Dicko/Président du RPN : « Notre faute, c’est d’être en avance sur les autres »

Publié le dimanche 16 septembre 2012 à 23h14min

PARTAGER :                          
 Harouna Dicko/Président du RPN : « Notre faute, c’est d’être en avance sur les autres »

Il n’est pas un poids lourd sur l’échiquier politique national burkinabè à proprement parler. Mais son nom est indissociable des élections municipales de 2006. Harouna Dicko, le leader du Rassemblement politique nouveau (RPN), s’était en en effet fait une réputation en attaquant la configuration des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) devant le Conseil constitutionnel qui lui avait donné raison, provoquant du même coup le report desdites municipales. En 2007, il remet ça dans le cadre des législatives.

En ne présentant qu’une liste nationale estimée non conforme au Code électoral, il a encore saisi le Conseil constitutionnel qui avait, cette fois-ci, tranché en sa défaveur. L’homme, qui semble adorer défier le système en mettant le doigt sur les incohérences de la loi, avait également vu sa candidature à la présidentielle de 2010 rejetée par le Conseil constitutionnel. C’est ce poil à gratter de la faune politique burkinabè que fasozine.com a rencontré. Il lève un coin de voile sur les préparatifs de son parti et jure, la main sur le cœur, qu’il se tiendra à carreau cette fois-ci, en pointant du doigt des erreurs sur des formulaires de la Céni...

Fasozine.com : Depuis 2010 le RPN ne fait plus vraiment parler de lui…

Harouna Dicko : Je ne vous comprends pas bien. N’avez-vous n’avez pas reçu des déclarations ? Nous menons des activités et nous invitons régulièrement la presse à les couvrir. Mais comme la presse veut toujours être payée cash et à l’avance…

A l’occasion de son septième anniversaire - le 16 juillet 2012- et dans la perspective des élections prochaines, votre parti a élaboré un manifeste dit "Manifeste pour une Ve République". Quels en sont les grands axes ?

Le manifeste est un condensé de nos déclarations depuis la création du parti. Depuis 2005, nous avons estimé qu’il faut un changement, mais pas n’importe lequel ! Je n’ai rien contre Blaise Compaoré, mais j’ai tout contre son système. Malheureusement, son système c’est lui. Nous avons répertorié en 2008 les maux de ce pays. La Constitution, le Code électoral, la charte des partis politiques ne sont pas adaptés à nos réalités. Depuis 2008, nous avons écrit au président du Faso, nous avons fait des publications. Et puis, est venu le CCRP (Conseil consultatif sur les réformes politiques, Ndlr). Nous y sommes allés puisque nous proposions cela depuis 2008. Nous avons écrit au ministre chargé des Reformes politiques pour lui signifier que nous voulons une Ve République. Le pays a besoin d’un changement mais d’un changement véritable. Le RPN propose une Ve république sans Blaise Compaoré et son régime de la IV république.

Que reprochez-vous à la Constitution actuelle ?

Prenons un exemple très concret : celui les chefs coutumiers et traditionnels. Ils sont une réalité dans ce pays. Que faut-il en faire dans une République ? L’Assemblée nationale vient d’adopter une loi pour les reconnaitre. Il faut aller au-delà de la reconnaissance pour leur donner une place. Pourtant, dans la Constitution actuelle, on ne saura jamais donner une place à la chefferie traditionnelle et coutumière, car nous sommes dans une République. Une loi qui reconnait la chefferie traditionnelle serait forcément anticonstitutionnelle.

Un autre exemple est l’omniprésence du chef de l’Etat. Il est le chef de l’armée, le chef de la magistrature… Où se trouve donc la séparation des pouvoirs ?

Votre parti prendra t-il part à la bataille des élections couplées de décembre prochain ?

Un parti se crée pour conquérir le pouvoir d’Etat. Un parti ne se crée pas pour soutenir un autre chef de parti. Nous allons participer à toutes les élections dans ce pays tant qu’on pourra.

A quelle étape est-vous actuellement dans la préparation des ces échéances ?

Nous sommes en train de confectionner nos listes. Nous allons arrêter le 17 septembre prochain et au plus tard le 22 septembre nous déposerons toutes les listes.

Le RPN participera t-il à la compétition dans toutes les provinces du Burkina ?

Nous avons ciblé des régions. Les gens viennent en politique avec beaucoup d’argent pour acheter des voix. Nous n’y pouvons rien. Nous avons du temps, du chemin à faire mais nous sommes confiants. Nous allons continuer l’information, la formation pour que le peuple arrive lui -même à opérer le changement…

Quelles sont ces régions ciblées ?

(Hésitations).

C’est un secret ?

Ce n’est pas un secret. Nous sommes en train de nous battre…

Que pensez-vous alors de l’obligation faite aux partis de présenter des candidats dans l’ensemble des circonscriptions électorales de la commune, par exemple, sous peine d’annulation des listes aux municipales ?

Nous avons notre petite idée sur la question. Il ne s’agit plus pour nous de faire de la dénonciation car nous l’avons fait pendant longtemps. Quand vous dénoncez quelque chose, c’est une façon d’attirer l’attention de l’opinion publique sur des anomalies. Nous critiquons, mais nous faisons toujours des propositions. C’est la différence.

Donc vous ne comptez pas jouer au trouble-fête comme en 2006 ?

Pas du tout.

Vous avez pourtant la réputation d’un vrai polémiste…

C’est très simple, si vous élaborez un texte qui doit s’appliquer à vous-même et ensuite vous estimez qu’il y a des parties que vous pouvez laisser tomber, c’est que vous ne respectez pas votre propre parole. Si le relever c’est faire de la polémique… De toute façon, c’est aux gens de juger.

Vous n’êtes pas considéré comme un héros par tout le monde.

Certains estiment que vous avez occasionné pour le contribuable burkinabè des dépenses supplémentaires et inutiles en 2006 en entrainant le report des élections municipales…
Nous pensons que c’est plutôt l’Assemblée nationale et le gouvernement qui ont occasionné ces dépenses. Nous avions pourtant estimé qu’il fallait reporter ces élections (municipales de 2006, Ndlr) pour les coupler aux législatives de 2007 afin d’amoindrir les frais. Nous avions aussi dit que le temps ne suffisait pas pour organiser, conformément à la loi, une élection municipale. Ils se sont entêtés. La Céni, à l’époque a exigé qu’on fasse nos déclarations sur des formulaires qu’elle a conçus. Ils ont refusé notre candidature. Et là, nous étions maintenant sur la défensive. Aujourd’hui je constate qu’on a décidé de la formule des élections couplées. On nous donne raison. Notre faute est d’être en avance sur les autres. Si c’est de cela que nous sommes coupables, ça ne nous dérange absolument pas.

Le RPN pourra t-il aligner au moins 30% de femmes sur ses listes ?

Nous allons essayer. Pour nous, l’adoption même de cette loi qui oblige les partis à mettre au 30% de femmes sur leurs listes est inopportune. La loi ne nous dérange cependant pas parce qu’elle est neutre : l’un ou l’autre sexe. Seulement, il est contraignant d’adopter une loi sur des injonctions d’une fraction du peuple. Les gens qui le demandent sont une infime minorité de la population. C’est une loi et nous allons la respecter autant que possible. Nous avons adressé une directive à toutes nos sections pour leur demander d’essayer de respecter le quota de 30% de femmes.

Pour les législatives de 2007, votre formation a présenté uniquement une liste nationale qui a d’ailleurs été invalidée. Allez-vous présenter des listes provinciales cette fois-ci ?

Nous y sommes obligés car la loi a été corrigée, par notre fait ! Nous allons tenter de nous y conformer au mais à l’impossible nul n’est tenu. Nous allons toujours revendiquer nos droits. Nous avons attendu cette fois que la Céni confectionne ses formulaires. Nous voulons éviter qu’on nous traite d’anticonformistes. Mais je peux vous dire qu’il y des erreurs sur ces formulaires.

Lesquelles ?

Nous en avions relevé deux ou trois. Nous en avons parlé à quelqu’un qui s’est dépêché d’aller le signaler à la Céni, qui a rapidement apporté des corrections. Mais il y a encore d’autres erreurs sur ces formulaires. Nous n’en parlerons pas, sauf si ces erreurs nous lèsent. Nous avons dit, depuis 2010, que nous n’allons plus dénoncer quelque chose. Nous allons essayer de nous conformer et nous réagirons seulement quand quelque chose ne nous arrange pas.

Le RPN est-il pour la prorogation de l’enrôlement biométrique comme le demandent certains partis politiques ?

Ce qui n’a pas pu être fait en deux mois, ne le sera pas en cinq jours. C’est un objectif noble que la Céni avait de vouloir enrôler toute la population en âge de voter. Mais c’est un objectif qui ne peut pas être atteint.

Votre parti envisage-t-il de nouer des alliances pour ces élections couplées ?

Avec qui ? Ces gens sans vision qui courent pour être tête de rat, qui font de la politique un business pour acheter les voix ? En 2009-2010, trois grandes forces dans ce pays pouvaient constituer l’opposition : le PAI (Parti africain de l’indépendance, Ndlr), les Sankaristes et le PDP/PS (Parti pour la démocratie et le progrès /Parti socialiste, Ndlr). Nous avions rencontré les responsables de ces partis, surtout le PAI qui était bien organisé, pour qu’ils puissent se mettre ensemble. Mais les gens ne s’entendent pas. Au sein de leur propre famille politique, il y a des désaccords. Moi je ne ferai pas d’alliance avec quelqu’un qui ne peut pas réunir sa propre famille.

Combien de sièges de députés et de conseillers municipaux escomptez-vous à l’issue des élections ?

Nous avions une ambition que nous avons revue à la baisse parce que sur le terrain, nous voyons ce que la Fedap/BC (la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré, Ndlr) est en train de faire. Nous avons ciblé des zones où nous pouvons faire mouche. Nous avons décidé de ne pas beaucoup nous épancher sur la question et agir plutôt que beaucoup parler.

Guy Yaméogo

Fasozine

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique