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Elections couplées 2012 : La loi sur le quota « traumatise » les partis politiques

Publié le mardi 11 septembre 2012 à 23h17min

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Elections couplées 2012 : La loi sur le quota « traumatise » les partis politiques

Titulaire, suppléante, « tête » de liste ou « queue » de liste ? Les partis politiques qui présentent des candidats aux élections municipales et législatives de décembre prochain, doivent formellement respecter le quota de 30 % de l’un ou de l’autre sexe sur les listes. Si ce quota concerne autant la femme que l’homme, il n’en demeure pas moins que l’on s’interroge sur le positionnement des femmes sur ces listes ; quand on sait qu’elles sont peu présentes dans les instances décisionnelles de leur parti ou leur formation politique. Quelle place sera donc réservée à l’autre moitié du ciel ? Les femmes sont-elles vraiment motivées, prêtes et suffisamment à la hauteur des défis politiques qui les attendent ?

« Le quota de 30 %, mal compris par les uns et les autres est un véritable recul démocratique au Burkina Faso. Il ne faut pas se leurrer. Pourquoi entraîner forcément les femmes dans la gestion de la chose publique ? Je pense que le débat réside plutôt dans l’éducation et dans la formation de la femme. Il faut leur donner les outils nécessaires pour qu’elles se battent elles-mêmes. De toute évidence, Le Front des forces sociales ne placera pas de femme par complaisance sur une liste. Ceci dit, s’il n’y a pas de femmes à présenter, nous ne le ferons pas parce que nous n’allons pas meubler notre liste juste avec des femmes parce qu’il faut respecter un quota ».

Voilà qui est dit. Ces propos sont du 2e vice-président du Front des forces sociales (FFS), celui-là même qui est chargé de l’organisation de l’administration et des questions électorales au sein du parti. Alphonse Tougouma qui s’exprime ainsi connaît parfaitement la loi sur le quota.
Certains partis politiques ont « chaud » et même « très chaud » en cette période pour la simple raison qu’il existe une loi qui limite leur liberté de manœuvre dans la composition des listes, donc dans le choix de leurs candidats (es). Pour certains d’entre eux, il faut tout simplement (s’allier) se conformer au risque de paraître comme le dindon de la farce. Ainsi, chaque parti essaie en sa manière ou selon ses motivations de répondre au souci de respecter la loi du 16 avril 2009 portant sur le quota genre.

C’est une mesure positive visant à permettre à tous, sans aucune discrimination et sans distinction de sexe, d’être désignés par les électeurs et par là accéder aux postes de prise de décisions publiques. Alors, une liste sans femme sera difficilement validée. Et pire, elle ne sera pas sans conséquence pour le parti. Au terme de la loi sur le quota, les partis dont les listes comporteront moins de 30% de femmes (la loi dit de l’un ou de l’autre sexe) seront pénalisés par le retrait de la subvention publique pour la campagne. Cette mise en garde suffira-t-elle à contraindre les partis au respect de la loi ? Rien n’est moins sûr. Alphonse Tougouma pense que la subvention est « une fausse note ».

Pour lui, on ne doit pas conditionner les partis avec ces subventions qui ne sont que passagères. En effet, dit-il, « des 150 partis politiques et plus au Burkina, seulement cinq reçoivent des financements de l’Etat ». C’est pourquoi, a-t-il ajouté : « Cette histoire de présence féminine (parce qu’elle ne concerne réellement que la femme) est une camisole de force, contraignant le parti malgré lui à placer des femmes dont la plupart ne méritent pas leur place. J’estime alors que si le jeu politique est ouvert et transparent, les femmes elles-mêmes pourront être représentées plus que ce que les instigateurs du quota ont voulu ». Malgré le discours pas tout à fait favorable de son responsable aux questions électorales, le FFS a déjà positionné cinq femmes sur les douze candidats potentiels aux législatives dans le Houet.

« Elles préfèrent militer dans les partis au pouvoir »

« Etre une militante dans un parti politique n’est pas chose aisée ; elle l’est davantage quand il s’agit d’un parti de l’opposition », souligne une militante d’un parti de la mouvance présidentielle qui a requis l’anonymat. Le fait de s’exprimer à visage couvert est la preuve si besoin en était, que les femmes éprouvent des difficultés à s’exprimer dans les partis ou à assumer des positions qui peuvent être sources de débat. Pire, indique le président du Parti pour la renaissance nationale (PAREN) Tahirou Barry, « les partis d’opposition n’ont pas de moyens à même d’accompagner les femmes comme le font les partis de la mouvance ».

Légaliste, le parti fondé par le constitutionnaliste, le professeur Laurent Bado, s’est préparé à sa manière pour faire face à l’exigence de la loi. « Le PAREN, pour ces élections couplées, a fait former près de 49 femmes en collaboration avec le National democratic Institute (NDI). C’est donc elles qui seront positionnées sur les listes de candidature aux législatives et municipales », a laissé entendre Tahirou Barry. Il a ajouté tout de même que « cela se fera en fonction du degré de leur engagement et de leur dynamisme dans le parti ». Le parti compte faire prévaloir la compétence et le mérite. Par exemple a-t-il précisé, « dans les Hauts-Bassins, c’est une femme qui sera en tête de liste pour les législatives ». Evoquant le quota de 30%, Tahirou Barry soutient qu’il est plus profitable aux partis de la majorité.

D’ailleurs, s’indigne-t-il, « nous avions toujours signifié notre incompréhension par rapport à cette loi. Tous les partis n’ont pas les mêmes effectifs en ce qui concerne les femmes. Alors, imposer un quota à un parti qui n’a pas de ressources humaines féminines le contraint naturellement à ne faire que du remplissage. Ce qui est pourtant contraire aux valeurs et aux principes démocratiques. Parce que nous estimons que dans toute bonne démocratie, il faut responsabiliser des hommes et des femmes capables de porter et de défendre les valeurs du pays ».

Les petits partis peuvent bien s’inquiéter. Et les femmes aussi. C’est le contraire au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) où le quota est en voie d’être respecté. Contrairement aux autres qui présument qu’il y aura des difficultés dans ses positionnements. Catherine Ouédraogo Secrétaire adjointe chargée des grandes questions électorales de préciser « d’abord, nous avons voulu de cette loi parce qu’elle fait état d’une discrimination positive à l’endroit de la femme. Le CDP est pour l’épanouissement de la femme ». Comprenons par-là, selon Catherine Ouédraogo, que son parti œuvrera à placer les femmes là où il le faut sur les listes électorales.

Catherine répondra par ailleurs à ceux qui prétendent que le quota est plus profitable au parti majoritaire qu’ils ont tort. Parce que charge-t-elle, « lorsque des partis se créent juste pour des élections, il va de soit qu’ils aient de la misère à participer avec sa tranche féminine. Le CDP, c’est toute une histoire ». Idem pour le parti de l’Eléphant, l’ADF/RDA. « Instructions, indique Célestin Kousoubé, ont été données aux militants de tenir compte des 30 % et si possible de faire des listes zébrées ». « Mieux, le quota de 30 % ne s’appliquera que là où il y a suffisamment de femmes dans le parti de Maître Gilbert Noël Ouédraogo », foi de Koussoubé.

Quota de 30 %, une loi anticonstitutionnelle !

De l’avis de Rosalie Rouamba, sociologue, la loi sur le quota en faveur de la femme est une avancée dans la politique nationale de prise en compte du genre. « C’est un instrument sur lequel les femmes doivent s’appuyer pour réclamer », a-t-elle indiqué. Cependant, la sociologue auteur de l’étude intitulée : « Quota, une loi qui passionne et divise les Burkinabé » relève l’absence d’un décret d’application de cette loi. « Il ne sert à rien, a-t-il fustigé, d’avoir des femmes sur des listes de candidatures alors qu’elles ne sont pas éligibles ». « Les femmes ne doivent pas être instrumentalisées par les politiques. C’est pourquoi, j’estime que la loi doit par ailleurs être plus élargie jusqu’à l’Exécutif », a-t-elle dit.

Abdoul Karim Sango, juriste et enseignant à l’Ecole nationale de magistrature (ENAM) soutient qu’à « priori, la loi sur le quota peut paraître anticonstitutionnelle ». Parce que, a-t-il expliqué, « notre Constitution consacre le principe d’égalité à tous les Burkinabé et les discriminations fondées sur le sexe sont prohibées ». A l’analyse, la loi sur le quota essaie d’instituer une sorte de discrimination en faveur de l’un ou de l’autre sexe, alors qu’à travers cette loi, c’est la situation particulière de la femme qui est visée. Le débat n’est cependant pas à ce niveau de l’avis du juriste. Pour lui, il faut mettre les femmes en confiance. Sinon, a-t-il averti, « tel que le combat est mené, les résultats seront décevants ».

« La loi n’a pas réglé totalement la question de positionnement des femmes »

« Nous sommes bien conscients que les petits partis auront des difficultés dans le positionnement des femmes sur les listes. La raison est toute simple et se justifie par le fait que beaucoup de femmes ne s’engagent pas dans la politique encore moins dans les partis d’opposition », pointe du doigt Nestor Bassière.

A l’entendre, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) pourra aller à plus de 30 % de femmes sur les listes de candidatures, mais il ne positionnera que des femmes compétentes. Pour dire qu’il ne se forcera pas s’il n’en a pas. Cependant, le député de l’UNIR/PS signifie que dans certains secteurs de la ville de Bobo-Dioulasso des femmes pourront être en tête de liste.

Selon toute vraisemblance, le positionnement des femmes n’inquiète pas que les partis de l’opposition. Sur ce point, Toussaint Abel Coulibaly, président de l’Union pour la République (UPR), un des partis importants de la mouvance présidentielle, confie que « nous n’étions pas très favorables à cette loi surtout dans sa forme des 30 %. Une chose est d’adopter une loi mais une autre chose est de la mettre en œuvre.

Il va être difficile pour certains partis tels que le nôtre de respecter le quota des 30%. Parce que sur la plupart des listes au niveau local, il faut présenter quatre candidats soit deux titulaires et deux suppléants. Cela veut dire qu’on ne peut pas avoir 30% quand il s’agit de personnes. Il va falloir soit une femme sur la liste ce qui fait 25% ou deux femmes sur la liste ce qui fait 50% ».

Bassératou KINDO

L’Express du Faso

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