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INSALUBRITÉ À BATIÉ : Populations et autorités s’accusent, les maladies sévissent

Publié le lundi 3 septembre 2012 à 23h23min

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INSALUBRITÉ À BATIÉ : Populations et autorités s’accusent, les maladies sévissent

Chef-lieu de la province du Noumbiel, Batié, selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2006, compte 5036 ménages pour environ 31 963 âmes. La commune dispose d’un Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA). Cette ville en plein pays lobi où certaines pratiques ancestrales sont toujours d’actualité, connaît plusieurs cas de maladies dus à un manque criant d’hygiène et à un cadre de vie qui croupit sous le poids de l’insalubrité. Pendant les funérailles, sur les lieux de réjouissances populaires, les germes de maladies circulent au fur et à mesure qu’on se passe les calebasses de dolo et les assiettes de beignets, dans l’ignorance la plus totale. Et les cas de décès ont souvent été attribués, soit aux conséquences d’une transgression des coutumes, soit encore à un sort lancé sur les intéressés.

Première cause de consultation au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA), le paludisme fait rage à Batié, ville située dans la zone préguinéenne, reconnue pour être la plus arrosée du pays. A ce titre, la prévalence est très élevée en saison pluvieuse, et cela pour plusieurs raisons. Le manque de mesures préventives, l’ignorance ou la négligence de la maladie, le tout dans un manque de système d’évacuation des eaux de pluies. Conséquences : stagnations d’eaux par-ci par-là, milieux favorables au développement des moustiques. « Nous voyons qu’il n’y a que deux caniveaux qui sont bouchés par manque d’entretien », souligne le Dr Emmanuel Nikiéma, médecin-chef du centre médical. En saison sèche, le phénomène bien que réduit, s’observe non seulement autour des puits, pompes et fontaines, mais aussi au niveau des eaux usées de toilettes dans lesquelles les moustiques installent leurs quartiers généraux.

La situation est encore plus alarmante quand on y associe le mal que causent les porcs, élevés dans presque toutes les familles résidantes sauf les musulmans, car ces animaux trouvent du plaisir à s’ébarbouiller dans les eaux boueuses. Qui accuser ? Sans doute tout le monde et personne, sinon l’ignorance ou parfois la négligence qui gangrènent les habitants de cette ville pourtant agréable du point de vue climatique. S’en suivent alors, les nombreuses maladies qui fragilisent la santé ou tuent les habitants. Les premières victimes sont les femmes et les enfants. En plus du paludisme, d’autres types de maladies sévissent, à savoir le choléra, les vers intestinaux, la bilharziose et la fièvre typhoïde.

Des chiffres qui donnent à réfléchir

Des maladies aussi invalidantes que mortelles, méconnues ou négligées par la grande majorité qui reste très attachée aux us et coutumes, c’est-à-dire aux vielles pratiques qui attribuent tout décès ou tout malheur à des causes surnaturelles comme la sorcellerie, la magie ou à une rencontre avec des mauvais génies.
A Batié, les maisons dans leur quasi totalité ne sont pas clôturées, ce qui facilite l’accès aux porcs et à bien d’autres animaux qui mettent leurs groins partout, jusque dans les ustensiles de cuisine. Ces animaux, marchent sur n’importe quel type de déchet et propagent des germes de maladies. Selon une enquête nationale en 2010 sur l’accès des ménages aux ouvrages d’assainissement familial, 6 ménages sur 10 au Burkina Faso défèquent dans la nature. 80,7% des habitants du Sud-Ouest sont concernés par le phénomène. Le Noumbiel qui a pour chef-lieu Batié, c’est précisément 91% de ménages qui rejettent les excrétas dans la nature.

Un chiffre qui le classe dans les quatre dernières places sur les 45 provinces, derrière la Komondjari 95,2%, l’Oudalan 93,5%, et la Gnagna 92,2%. Ceux qui ne disposent pas de toilettes (WC) se ruent chez les voisins avec qui ils partagent ces lieux d’aisance, solidarité africaine oblige, mais non pas sans conséquences. En effet, selon les mêmes statistiques, cette autre situation de partage des toilettes touche 70,7% de la population. Un partage qui s’entend aisément, quand on sait le risque qu’il y a dans les toilettes communes, surtout lorsqu’elles sont mal entretenues. Des actes d’incivisme sont posés çà-et-là à travers la ville où les bambins défèquent sur des tas d’ordures devant les concessions, ou aux alentours des maisons et cela, sous le regard de leurs mères. L’heure de prédilection est le matin où l’on voit des enfants ventrus, libérant innocemment le contenu de leur bédaine au grand bonheur des porcs qui n’attendent que cela. La nuit, ce sont les parents qui prennent la relève aux abords des voies et à tout coin de rue. La journée, les touffes d’arbres et les maisons inachevées sont utilisées comme lieux d’aisance.

Le regard de la population

Conséquence, les gens sont constamment assaillis par les odeurs nauséabondes. Le pire, c’est lorsque les chiens, les porcs et les poules, après leur « régal » reviennent dans les concessions se mettre en contact avec les objets usuels tels les récipients et les repas qui y sont.

« Batié est sale », comme l’ont affirmé tous les résidants de la ville que nous avons approchés, natifs ou non. Pour l’attaché d’administration scolaire et universitaire, Etienne Ouédraogo, la ville manque d’un système de gestion des déchets solides et liquides. « Je ne constate pas d’actions sérieuses visant à débarrasser la ville de ses déchets, ni de la part de la mairie, ni d’une quelconque association qui évolue dans le cadre de l’assainissement », soutient M. Ouédraogo. C’est seulement quelques actions ponctuelles d’associations qui, à son avis, se limitent seulement à nettoyer les services. La ville ne dispose que de deux caniveaux réalisés par le maire de l’époque, qui motivait les jeunes à s’en occuper. Avec la nouvelle équipe, ce service n’existe plus. Pour le responsable des jeunes volontaires de l’époque, Dabouo Boris Da, c’est l’attitude du nouveau maire qui les en a dissuadés.

« Nous avons même demandé du soutien pour réaliser d’autres caniveaux à la main. Il a refusé pour la simple raison qu’il attendait un projet qui allait le faire », précise-t-il. Le maire de Batié, Jean-Bosco Somé, reconnaît pourtant que la situation est préoccupante et affirme qu’elle interpelle l’ensemble de la population. Selon lui, l’assainissement est consigné dans le plan communal de développement, mais le budget de la commune ne permet pas de faire grand chose. « La question nécessite que l’on dispose de moyens pour pouvoir mener des actions d’envergure, et nous, nous n’en avons pas », déclare-t-il. Au soir de son mandat, le maire promet de s’y atteler si toutefois il reçoit les financements. Gestionnaire des ressources humaines à la circonscription d’enseignement de base Batié 1 et natif de cette commune, Norbert Somé, lui, déplore le fait que même au niveau des zones de grandes affluences, il y ait des tas d’ordures.

A son avis, les jeunes veulent travailler et il suffit seulement que la mairie les mobilise et leur donne du matériel en les motivant, pour qu’ils rendent vraiment sain le cadre de vie de la ville. Quant à Sié Somé, cordonnier à Batié, il lie le problème à d’autres facteurs. En plus des déchets humains qui jonchent les rues et poubelles de la ville, il pointe un doigt accusateur sur les lieux de vente de viande, les cabarets. De ses propos, il ressort que la viande de porc, très prisée, est souvent mal cuite, et les tables sur lesquelles elle est vendue sont sales. Dans les cabarets, ajoute-t-il, les calebasses sont utilisées par chacun et tous, et ne sont même pas lavées convenablement avant d’être réutilisées par quelqu’un d’autre.

L’eau dans laquelle on les plonge n’est renouvelée que rarement, et est si sale qu’elle ne fait que souiller davantage les calebasses. En plus, l’odeur du dolo attire les mouches qui tombent souvent dans le breuvage, ce qui n’empêche pas les buveurs de se désaltérer. « Moi j’accuse le district sanitaire de Batié parce que le service d’hygiène ne fait pas son travail », affirme le cordonnier qui s’en prend également à la mairie qu’il tient pour responsable. Cette dernière, dit-il, ne fait rien qui aille dans le sens de l’assainissement de la ville. Certainement que le salut viendra des bonnes actions de l’ONG-Plan Burkina à travers le Projet d’amélioration de l’accès des femmes et des enfants aux services d’eau potable et assainissement (PASEPA), ou peut être d’autres ONG, ainsi que du ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique.

Il faut souligner qu’une journée dite de dialogue national sur le droit à l’eau et à l’assainissement avait été organisée le 18 mai 2010. Elle avait regroupé les directions générales de l’assainissement, des eaux usées et excréta et des ressources en eau du département en charge de l’Agriculture et des partenaires techniques et financiers. Tout récemment encore, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao, a invité les ministres à construire chacun dans sa région, des latrines. Egalement les journalistes membres du Réseau d’information de communication pour l’hygiène, l’eau potable et l’assainissement (RICHE) se sont retrouvés le 29 juin 2012 à Ouagadougou autour d’une conférence dénommée « Les palabres de l’eau ».

Ils se sont penchés sur leur contribution à l’aménagement de l’accès des ménages pauvres à l’hygiène et l’eau potable. Cela découle de l’appel du chef du gouvernement et du ministre de l’Agriculture et de l’Hydraulique, Laurent Sédogo, pour l’implication des hommes de médias dans cette action du gouvernement. Des mesures à saluer, surtout si elles sont suivies d’effet. Par ailleurs, la population elle-même doit s’impliquer dans le combat sinon, elle continuera à se débattre dans les maladies, l’ignorance et l’incivisme qui sont les vraies plaies de la ville de Batié.

Tielmè Innocent
KAMBIRE
(Tielmeino100@gmail.com)


Les réjouissances populaires

Les funérailles sont également des lieux favorables à la transmission des maladies, et il faudrait que la sensibilisation passe par là. Une à deux heures après les premiers pleurs, sons de balafons et de tam-tam, des vendeurs et vendeuses assiègent les lieux. On y propose de la viande d’animaux souvent non inspectée et mal cuite, des beignets, du dolo, du patassé et autres boissons frelatées. Ici, comme lors des fêtes traditionnelles et réjouissances populaires, on n’a que faire de l’hygiène. La nourriture est consommée sans que les mains ne soient lavées, tandis que les calebasses de dolo, les verres pour les autres boissons, vont d’une bouche à une autre sans être lavés au préalable. Les uns pleurent, les autres se mouchent, on se salue, on mange et boit sans aucun souci de l’hygiène.

Autres faits, les cauris utilisés pour les funérailles et que chacun manipule à sa guise, se retrouvent dans les besaces, et les gibecières après qu’on les ait jetés sur les corps des défunts et les instruments de musique. Finalement, ces cauris échangés contre quelques pièces d’argent, reviennent aux propriétaires et le processus continue. Là encore, les plus exposées sont les femmes qui sont en contact avec les dépouilles mortelles qu’elles n’hésitent pas à toucher. Et, lorsque les enfants ont faim, elles leur donnent des beignets ou la viande qu’elles ont manipulés.

T.I.K.


L’apport de l’ONG Plan-Burkina

Selon le directeur régional de Plan-Gaoua, Georges Hilaire Ouédraogo, cette institution travaille à favoriser l’accès des populations à l’eau potable, à l’assainissement et à la sécurité économique des ménages. Or il ressort du recensement de 2009, que moins de 10%de ces ménages ont accès à des structures d’assainissement adéquates. Une situation qui explique la défécation dans la nature avec pour conséquences la pollution de l’eau, de l’air et des aliments. Après une première expérience de construction de dalles pour les populations en 2007-2008, un arrêt a été observé face à une demande de latrines sans cesse grandissante. D’autres actions d’envergure sont en vue avec le Projet d’amélioration de l’accès des femmes et des enfants aux services d’eau potable et assainissement (PASEPA). L’ONG entend s’impliquer dans la réalisation et la réfection de forages. A cela va s’ajouter la réalisation de latrines familiales et scolaires, sans oublier les campagnes de sensibilisation pour un changement de comportements au profit d’une bonne gestion des ouvrages et l’amélioration de l’hygiène.

T.I.K.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 4 septembre 2012 à 15:13, par lepetitgouin En réponse à : INSALUBRITÉ À BATIÉ : Populations et autorités s’accusent, les maladies sévissent

    On ne pas sauver ses sauvages, meme si toutes les ONG du monde y allaient, le résultat sera NUL !

  • Le 4 septembre 2012 à 15:47, par Eloy le Rasta En réponse à : INSALUBRITÉ À BATIÉ : Populations et autorités s’accusent, les maladies sévissent

    Pourtant il faut les sauver. Je suis vraiment dépassé en lisant ce article. Vivement que les differents acteurs fassent quelque chose et vite

  • Le 4 septembre 2012 à 19:57 En réponse à : INSALUBRITÉ À BATIÉ : Populations et autorités s’accusent, les maladies sévissent

    merci "arble" pour l’attention que tu attires sur la salubrité à batié. à mon avis, que ce soient la mairie, les services de santé et d’hygiène aussi bien que les populations (tous âges confondus), tous sont responsables. il y a un manque de rigueur et un laisser-faire de la part des services d’hygiène du secteur de la santé (surtout pour ce qui est de la propreté au niveau des cabarets, boucheries et autres lieux de restauration) ; à l’égard de la mairie, c’est un manque de volonté politique et de fuite de responsabilités (on ne doit pas attendre les projets pour veiller sur la salubrité de sa municipalité) ; enfin, les populations sont irresponsables et manquent d’esprit patriotique (avec des associations qui ne cherchent qu’à manger seulement : jamais un programme digne de ce nom). d’ailleurs, les ong ne nous aident souvent pas en la matière, car ils ne s’attaquent pas parfois aux racines des maux qui minent les populations.

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