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"La presse burkinabè et l’argent" : C’est le nerf qui manque le moins !

Publié le mardi 9 novembre 2004 à 06h22min

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"La presse burkinabè et l’argent", c’est le thème d’un débat télévisé organisé le jeudi 4 novembre 2004 au Centre culturel français Georges Méliès à Ouagadougou.

Animé par Daniel Fra de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie et le Dr Salif Koala, enseignant à l’UFR/LAC de l’Université de Ouagadougou, le débat a regroupé trois patrons de presse, Michel Ouédraogo (Editions Sidwaya), Chériff Sy (Bendré), Charlemagne Abissi (Savane FM), trois employés : Ousséni Ilboudo (rédacteur en chef de l’Observateur Paalga), Rémi Dandjinou (directeur des programmes de Canal 3), Ali Kabré (journaliste à Ouaga FM) et un conseiller du Conseil supérieur de l’information en la personne de Victor Sanou.

Il a permis de lever un coin du voile sur les sources de financements des organes des presse, leurs difficultés de fonctionnement et surtout leur crédibilité au regard de leur situation et de leur rapport avec l’argent. Selon les journalistes, les sources de financements de la presse ne sont pas légion au Burkina Faso. Pire le peu de financements qui existent ne s’adaptent guère à leur spécifité. Aussi sont-ils contraints de recourir à la facturation pour fonctionner. Auparavant, il aura fallu au patron ou la société propriétaire de l’organe de réunir les fonds de démarrage : 5 millions minimum pour un hebdomadaire, entre 30 et 150 millions de F CFA pour une radio digne de ce nom et à partir de 350 millions de nos francs pour une télévision privée comme Canal 3.

Là n’est pas généralement le problème car une chose est de naître, une autre est de vivre et de prospérer. "Des titres naissent, d’autres disparaissent," indique Chériff Sy. Il ajoute qu’il lui faut trouver chaque mois 1 200 000 F pour l’impression et 700 000 F CFA pour la production. Or précise-t-il, ses principales recettes proviennent des ventes (2500 numéros sur un tirage moyen de 3000 numéros quand l’édition se vend bien). Du reste, il ne comprend pas pourquoi la publicité institutionnelle ne concerne que le quotidiens. Cela pourrait leur permettre, de son avis, de mieux fonctionner.

L’équation difficile de la production

"Les charges de production sont élevés," reconnaît Michel Ouédraogo, DG des Editions Sidwaya qui révèle que son journal consomme 1 500 à 1 700 rames de papier à raison de 18 000 F CFA, l’unité par mois. Un calcul rapide nous situe sur une partie des charges de ce quotidien qui est, du reste, passé à la couleur depuis quelques mois déjà. Toutefois se réjouit Michel Ouédraogo, "le gouvernement a détaxé le papier de presse."

Insuffisant comme mesure, tout comme la subvention de l’Etat (150 000 000/an) à la presse privée, estime Abissi Charlemagne qui demande des allègements fiscaux, une baisse des coûts de l’électricité. Savane F.M. qui engloutit 5 300 000 F CFA/mois fait des pieds et des mains pour équilibrer ses comptes car avec une production de l’heure évaluée à 7 400 F CFA, il est vraiment difficile de trouver les ressources nécessaires pour y parer. Ousséni Ilboudo de l’Observateur préconise alors la transformation de la subvention de l’Etat en fonds de garantie ou son paiement sur une période plus longue. "Tous les cinq ans," propose-t-il. "Ce qui donnera un gros pactole à partager entre organes bénéficiaires," croit-il.

"Tout le monde n’a pas une telle vision de cette subvention", nuance Chériff Sy qui est par ailleurs le président de la commission de répartition de cette subvention. A son avis, il faudra que les bénéficiaires et l’Etat s’accordent à revoir la copie car dit-il ailleurs, pas plus loin que dans la sous-région, les montants sont plus substantiels et les modalités nettement favorables au développement de la presse.

En attendant surtout Ali Kabré de Ouaga FM, "nous ne savons pas vraiment où passe la subvention."

"Elle est insignifiante mais elle permet parfois aux patrons de presse de gagner deux à trois semaines de fonctionnement. Ce n’est pas rien, rétorque Chériff Sy.

Avant tout survivre

Alors que faut-il faire pour assurer la suivie et l’indépendance des organes de presse burkinabè ? Faut-il facturer systématiquement tous les reportages comme le font déjà certaines publications ? Le directeur général des Editions Sidwaya pense qu’il faut un regroupement des patrons de presse privée et publique pour minimiser les coûts de production, organiser la distribution de leurs produits et surtout rechercher les solutions à leurs problèmes. D’ailleurs avance-t-il, "nous avons tous à des degrés différents certes des responsabilités de service public." Michel Ouédraogo, sans dire qu’il est contre la facturation systématique des reportages, indique que dans sa publication, on n’abuse pas. Mieux souligne-t-il, Sidwaya s’est fait un credo de respecter autant que faire se peut la proportion de 1/3 de publicité dans ses éditions et 2/3 d’informations. "Il n’est pas professionnel de vouloir tout facturer dans un organe de presse mais que faut-il faire quand les ventes ne suffisent pas à faire fonctionner un journal ? Il faut que chaque Burkinabè achète chaque matin son journal au lieu de l’emprunter au voisin. Cela aiderait les journaux à améliorer leurs prestations.

Alors les médias burkinabè sont -ils crédibles pour autant ?

"Le CSI n’a pas encore été saisi d’un cas de corruption dans les médias. Il sait néanmoins que la facturation de reportages est de plus en plus systématique. Il mène la réflexion pour y trouver une solution de concert avec l’exécutif pour permettre aux médias burkinabè de jouer leur rôle de servie public," confie Victor Sanou.

Chériff Sy note aussi une particularité majeure qui est tout à fait à l’honneur de nos médias.

"En dehors de Canal 3 qui est adossé à un homme d’affaires, poids lourd économique, les médias burkinabè sont le fait généralement de professionnels qui vendent parfois certains biens pour réunir le capital de démarrage. Toujours est-il que les sources de financements sont licites." Il déplore cependant un difficile accès des médias aux crédits bancaires.

"Nous sommes certes adossés à Fadoul mais nous pouvons dire que jusqu’à ce jour, il n’est pas intervenu dans notre travail de journalistes. Il ne vient même pas à la télévision," précise Rémi Dandjinou de Canal 3.

"Il faut améliorer les conditions de travail et d’existence des journalistes pour les mettre à l’abri de la perdiemité au moins," suggère Ali Kabré de Ouaga FM. 

Ousséni Ilboudo de l’Observateur qui est du même avis, voudrait voir enfin les patrons et les journalistes s’accorder sur une convention collective. Il voudrait aussi voir la carte nationale de presse devenir enfin réalité.

A l’unanimité, ils ont reconnu que la presse burkinabè dans son ensemble est crédible. Toutefois, reconnaît Michel Ouédraogo, DG des Editions Sidwaya, "c’est comme dans la Bible. Si une brebis s’égare sur les 100, il nous faut tout mettre en œuvre pour la retrouver."

Victorien A. SAWADOGO (visaw@yahoo.fr)
Sidwaya

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