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La France dans le monde selon François Hollande :« Tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait »

Publié le jeudi 30 août 2012 à 17h40min

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La France dans le monde selon François Hollande :« Tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait »

Les Conférences des ambassadeurs sont des raouts coûteux. Mais qui flattent l’ego des Nations (le Quai d’Orsay c’est 163 ambassades dans le monde et 15.000 personnes employées, fortiche la France !) et celui des ambassadeurs. Et puis c’est l’occasion de montrer au reste du monde que, question standing et ors de la République, la France « est une puissance mondiale » comme a aimé à le souligner François Hollande à l’occasion de la XXème Conférence qui était, aussi et surtout, la première organisée depuis son accession à la présidence de la République.

Le lundi 27 août, au Palais de l’Elysée, Hollande a donc prononcé un discours attendu. Devant le Premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, les ministres, le Commissaire européen, les Parlementaires, les Ambassadeurs et les invités. Du beau monde qui ne doit pas être connecté à internet ; sinon on aurait évité le déplacement au cœur de la capitale française de tous ces responsables qui ont sans doute autre chose à faire. Rien de la flamboyance « sarkozienne », du feu de brousse de l’année dernière – il est vrai que 2011 a été celle des « révolutions arabes » triomphantes – où le chef de l’Etat ayant revêtu l’uniforme du « petit soldat » proclamait que « l’Europe est menacée de rétrécissement stratégique ». Hollande c’est, sans être doctoral, d’abord pédagogique : nous vivons dans un monde 1 - « instable », 2 - « incertain », 3 - « nouveau ».

Et la France serait plutôt le passé que l’avenir de ce monde-là. Hollande ne le dit pas ; mais il le laisse comprendre : « La France est un pont entre les nations, y compris les émergentes, entre le Nord et le Sud, entre l’Orient et l’Occident. Notre pays est un acteur et un médiateur du dialogue entre les civilisations ». Un « pont », cela sert à passer d’un endroit à un autre ; parfois en courant ! Nous serions donc le monde ancien face au monde nouveau. Pas grave ; l’essentiel, c’est de le savoir. D’ailleurs, Hollande nous explique que les pays des « printemps arabes » font eux « œuvre de transition ». Ce qui laisse entendre qu’ils sont en rupture avec l’ordre ancien ; qui ne plaisait pas à Hollande, mais il n’est pas sûr que l’ordre nouveau lui donne satisfaction ; il a un doute concernant les « libertés, notamment celles des femmes », le respect de « l’alternance », la « protection des minorités […] culturelles ou religieuses ». Il nous faut donc « encourager le mouvement sans défiance, mais avec vigilance ».

Toujours le même problème. A gauche et à droite. La démocratie c’est bien si les peuples votent pour des gens qui nous conviennent. L’alternance, c’est bien aussi mais quand elle met au pouvoir des gens dont on sait qu’ils ne nous « cracherons pas à la gueule ». Alors, pour le reste – et tout particulièrement pour les diplomates – c’est « le cul entre deux chaises ». « C’est en travaillant à l’intégration de tous les pays dans le jeu mondial – c’est la responsabilité de la France – que nous éviterons la marginalisation de certaines populations qui ne parviennent pas à sortir de la pauvreté ». On dirait les propos d’un DG du FMI tentant de nous vendre sa salade libérale. « Relation franche » avec la Chine, « partenariat stratégique » avec l’Inde, « lien historique, singulier, économique aussi, culturel » avec la Russie, etc. « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Enfin presque. Il y a Bachar Al-Assad « qui doit partir », « une entité terroriste assumée et revendiquée comme telle » qui s’est « constituée » dans le Nord du Mali, l’Iran qui veut l’arme nucléaire, ce que Hollande juge « inacceptable »…

Cette « consensuellisation » - qui est la ligne stratégique du gouvernement français* - s’oppose à la réalité du monde dans lequel nous vivons. Et le volontarisme affirmé, du chef de l’Etat comme de son premier ministre, n’y changera rien. Comme le disait Lénine, le 17 octobre 1917 dans sa « Lettre aux camarades » : « C’est un fait. Les faits sont têtus ». Or, les faits, Hollande ne manque pas de les caractériser. Prenons-en quelques uns : « Les cours des matières premières connaissent une volatilité qui n’obéit plus simplement à des causes naturelles, il en existe, mais à des mouvements spéculatifs » ; « Le programme nucléaire iranien, sans finalité civile crédible, constitue une menace pour tous les pays de la région » ; « La crise malienne est le reflet ou le résultat de l’affaiblissement de l’Etat depuis plusieurs années, mais aussi des erreurs commises lors de la fin de la crise libyenne, avec des armes qui sont devenues sans contrôle », etc. C’est dire que nous nous trouvons dans une conjoncture internationale bien plus conflictuelle que consensuelle. Et que ce n’est pas en faisant l’impasse sur ce qui dérange que nous pourrons y voir plus clair. Même si Hollande affirme : « Tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait. Cette politique sera clairement exposée ».

Sauf que, justement, lors de cette XXème Confamba, Hollande n’a pas tout dit ; ce qui lui évite de tout faire. Et notamment de faire l’impasse sur Kinshasa à l’occasion du sommet des chefs d’Etat de la francophonie qui doit se tenir dans la capitale de la RDC les 13 et 14 octobre 2012. Drôle d’endroit pour une rencontre internationale qui, selon Hollande, est celle « d’une communauté de principes et d’idéaux ». Il faut bien reconnaître (« Les faits sont têtus ») que les chefs d’Etat (c’est d’eux, et d’eux seulement, qu’il s’agit lors de ces sommets) de cette « communauté » manquent de « principes » et que leurs « idéaux » sont très éloignés de ceux de leurs peuples (à quelques rares exceptions près). Et Joseph Kabila ne fait pas partie de ces exceptions, loin de là dès lors que sa gestion du Congo est bien plus calamiteuse encore que les conditions dans lesquelles il est parvenu « démocratiquement » au pouvoir.

L’argument de ceux qui disent que « Hollande doit aller à Kinshasa » (à l’instar de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques, dans Libération du 27 août 2012) repose sur le fait qu’isoler les tyrans, les dictateurs, les incompétents, les intolérants, etc., c’est « conforter la frange la plus radicale de leurs partisans ». Sauf qu’à force de se refuser à « conforter » cette « frange la plus radicale », on « conforte » les tyrans, les dictateurs, les incompétents, les intolérants, etc. jusqu’à ce que les populations n’en puissent plus et que, sans organisation, sans leaders, sans réseaux et sans armes, elles soient obligées d’aller à l’affrontement les mains nues : Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Bahreïn, Syrie… ; ou, conscientes de l’inanité de leur révolte, elles se laissent terroriser encore et encore par leurs leaders.

La France vient d’en terminer avec Nicolas Sarkozy et son interventionnisme diplomatico-militaire dont il pensait, à tort, qu’il était « révolutionnaire » ; et qui s’est révélé, sur le terrain, n’avoir accouché que de pouvoirs réactionnaires. Voulant être en rupture, Hollande nous propose « une chanson douce ». Celle que nous chantait Jacques Chirac. La France universelle, tout à la fois post-gaullienne et post-mitterrandienne. Une France qui a des ambitions ; qui ne sont que des illusions. « C’est un fait. Les faits sont têtus ».

* Alors que François Hollande a évoqué une « intégration solidaire » au sujet de l’Union européenne, son ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, dans une chronique publiée par Le Monde daté du 29 août 2012, a appelé à une « mondialisation solidaire ». L’un et l’autre justifient cette « solidarité » par « l’incertitude » dans laquelle se trouve le monde d’aujourd’hui. « La mondialisation, nous dit Moscovici, est une réalité, son iniquité n’est pas une fatalité. Nous pouvons l’influencer. Pour le faire, nous n’opposons pas emploi et ouverture. Nous sommes au début d’une nouvelle grande transformation, comparable à celle qui, naguère, à vu la démocratie sociale en réponse aux maux du capitalisme. Nous devons inventer, avec tous nos partenaires, un cadre et des institutions pour que la croissance mondiale soit plus forte et durable, humainement et écologiquement, pour que la mondialisation devienne enfin solidaire ». Si Moscovici compte sur ses « partenaires » du Conseil de sécurité, du G20, du G8, etc. pour « inventer » un monde « solidaire », les pires désillusions lui sont garanties.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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