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Affaire Hissène Habré : Macky Sall fera t-il mieux que ses prédécesseurs ?

Publié le vendredi 24 août 2012 à 09h11min

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Affaire Hissène Habré : Macky Sall fera t-il mieux que ses prédécesseurs ?

Le gouvernement sénégalais et l’Union africaine ont signé ce mercredi 22 août 2012 à Dakar un accord portant création d’un tribunal spécial pour juger au Sénégal l’ex-président dictateur tchadien, Hissène Habré, accusé de crimes contre l’humanité. Sans doute, l’annonce de la signature de cet accord entre l’UA et le nouveau pouvoir sénégalais en vue d’un démarrage du procès Hissène Habré a visiblement de quoi faire battre d’aise les cœurs des parents des victimes ; eux qui depuis plus deux décennies attendent que justice soit rendue. En vain, est-on tenté d’ajouter.

Certes, l’illustre accusé a été le 15 août 2008 condamné à mort par contumace par un tribunal de N’Djaména ; les pays occidentaux dont la Belgique et les organisations de défense des droits humains n’ont jamais cessé la pression sur le Sénégal, où Hissène Habré s’est réfugié en fin 1990 après sa chute du pouvoir. Mais, l’ancien patron des Forces armées du Nord (FAN) n’a véritablement, jusque là, pas été inquiété. Ni par l’ancien président Abdou Diouf, ni par son successeur, Me Abdoulaye Wade, avec notamment les engagements non tenus de ce dernier ; comme en témoigne sa spectaculaire décision du 8 juillet 2011 d’extrader à N’Djaména l’encombrant hôte avant finalement d’y renoncer quelques jours plus tard. Et apparemment, Macky Sall entend faire plus sur ce dossier que ses devanciers présidents. En tout cas, c’est l’impression qu’il donne en faisant en sorte que son pays signe cet accord avec l’UA dans l’optique d’un démarrage, d’ici la fin de cette année 2012, du jugement de l’ex-Premier ministre du président Félix Malloum.

A priori, il s’agit là d’un acte louable, d’un pas dans la bonne direction et qui mérite d’être salué à sa juste valeur. En vérité, cette décision de Sall vient à point nommé. Surtout à l’heure où des Africains avec leur tête la toute-puissante présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, ne manquent pas d’occasion pour vilipender les institutions judiciaires internationales qu’ils taxent de racistes. C’est donc tout à honneur du nouveau président Sénégalais, pour ne pas dire de son pays, même de tout le continent, d’avoir songé, à engager avec l’appui de l’UA, cette bataille judiciaire contre le supposé grand criminel de N’Djamena de la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990. C’est vraiment là une opportunité pour l’Afrique de s’assumer pleinement devant l’histoire. La volonté de s’assumer sur ce dossier Habré semble manifeste tant du côté du pays de la Téranga que de l’Union africaine. Les deux parties signataires ont d’ailleurs intérêt, hormis les considérations judiciaires ou humanitaires, à ce que l’affaire aboutisse.

Ce dossier fait partie des grandes promesses électorales de Sall et c’est sur une plus grande affirmation de la souveraineté du continent que la présidente de l’UA a placé son mandat. Ces aspects considérés suffiront-ils pour que l’épineuse équation Hissène Habré se dénoue comme le souhaitent les nombreuses parties civiles ? Macky Sall et Nkosazana Dlamini-Zuma ont-ils les moyens de leur politique ? Rien n’est moins sûr car, la volonté, les bonnes intentions, seules ne sauraient suffire sur ce genre de questions, surtout qu’il est question d’argent, de beaucoup d’argent (8, 6 millions d’euros, estime t-on) pour conduire à bon bord le dossier. Dans un contexte de crise économique, ce n’est pas la moins facile des choses à réaliser. Et même si la question financière venait à être réglée, le présumé coupable va-t-il simplement assister en victime expiatoire à ce long processus judiciaire qui s’annonce ? Apparemment, tout indique qu’avec toutes ces décennies passées à Dakar, l’homme s’est constitué un vaste réseau de soutien dans les milieux religieux dont on connaît le poids dans le jeu politique sénégalais. Tout cela pris en compte, le procès Habré, même s’il venait à se tenir comme annoncé à Dakar, donnera t-il le verdict escompté ? En clair, le président Sall fera t-il mieux que ses prédécesseurs sur cette affaire ? Bref, beaucoup d’inconnus et de zones d’ombre caractérisent encore la résolution de l’équation Hissène Habré en terre africaine. Mais, quelle que soit la lecture que l’on en fait, la présente décision du Sénégal et de l’Union africaine sonne tout de même comme une lueur d’espoir qui pourrait cependant, vite s’assombrir si les mesures idoines ne suivent pas.

Grégoire B. BAZIE

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