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TUNISIE : La désillusion ?

Publié le mercredi 15 août 2012 à 23h45min

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Le ciel s’assombrit en Tunisie. La révolution, qui sommeillait, s’est réveillée. Elle gronde. Les vieux démons ont refait surface. Près à en découdre avec les islamistes au pouvoir. Conséquence, le gouvernement islamiste d’Ennahda, lui-même, arrivé au pouvoir grâce au vent de la révolte, est dans la tourmente. Il fait face, chaque jour que Dieu fait, à des grèves, des protestations, des mouvements d’humeur, des réclamations de meilleures conditions de vie, de plus de libertés, etc.

Les dernières manifestations sont celles qui ont mis le gouvernement tunisien face à une double contestation. D’un côté, une grève générale à Sidi Bouzid, « la rebelle », berceau de la révolution, dans le centre du pays, pour réclamer un plan de développement économique. De l’autre côté, des milliers de personnes ont manifesté à Tunis, pour la préservation des droits des femmes.

Qu’est-ce qui pourrait justifier cette montée de la fièvre ? Est-ce une prise de conscience que les islamistes sont, petit à petit, en train « d’ensardiner » la Tunisie, comme le Nord du Mali ? Les Tunisiens sont-ils désillusionnés parce que leurs conditions de vie, qu’ils espéraient meilleures, après la révolution, ne se sont pas améliorées ?

L’homme étant un éternel insatisfait et impatient, toujours pressé de voir ses attentes comblées, il est évident que la désillusion commence à s’installer chez les « révolutionnaires » tunisiens, qui veulent sortir, très rapidement, de la misère. Car, en si peu de temps, le gouvernement islamiste à beau avoir de bonnes intentions, il est difficile, par exemple, de mettre fin au chômage en Tunisie. Pourtant, certaines causes des évènements qui ont débuté, le 17 décembre 2010 dans la ville de Sidi Bouzid, ayant conduit Zine el-Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir, le 14 janvier 2011, pour l’Arabie Saoudite, sont liés au chômage, à la misère, au coût élevé de la vie… Alors que selon des analystes, tous ces ingrédients de l’insurrection se trouvent toujours réunis, notamment à Sidi Bouzid : sentiment d’abandon de la part du pouvoir central, taux de chômage élevé et corruption endémique.

Ainsi, reprenant le slogan phare des révoltes dans les pays arabes, les manifestants de Sidi Bouzid scandaient « Le peuple veut la chute du régime ». Par cet acte, ils réclamaient la libération d’une quarantaine de personnes arrêtées, après avoir protesté contre les difficultés sociales, des coupures d’eau et d’électricité.
Et les dernières nouvelles sur le chômage ne sont pas faites pour arranger les choses pour le gouvernement, à majorité islamiste. En effet, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de révéler que « le Printemps arabe n’a pas chassé le chômage ».

Tout au contraire ! Car l’OCDE et la Banque africaine pour le développement (BAD) ont annoncé à Tunis, que le taux de chômage des 15-24 ans en Afrique du Nord a augmenté pour atteindre 41 % en 2012. Au regard de ces chiffres, la donne s’empire, avec de nombreux « Mohamed Bouazizi », marchand par qui, la révolte est parti, en 2010, en Tunisie, près à rendre la vie impossible aux dirigeants.
Les islamistes gagneraient donc à œuvrer pour trouver une solution à ces préoccupations qui urgent, au lieu de jeter de l’huile sur le feu, en portant atteinte à la liberté des citoyens, voulant remettre en cause des acquis. Comme si le gouvernement du Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, chef du parti islamiste Ennahda, ignorait que le régime de Ben Ali avait été renversé pour des raisons liées aussi au manque de libertés individuelles et publiques et surtout le besoin de démocratie, il s’en prend aux droits des femmes.

En agissant de la sorte, ce qui devait arriver, arriva, car la protestation ne s’est pas fait attendre. Le feu a été mis aux poudres, jetant les protestataires dans la rue pour un projet d’article de la Constitution soutenu par les islamistes, évoquant la « complémentarité » et non l’égalité des sexes.

Les manifestants exigent le retrait, pur et simple, de ce projet d’article qui dit que « L’Etat assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille et en tant qu’associée de l’homme dans le développement de la patrie ». Ce projet de loi est vu comme un recul pour les femmes tunisiennes, en particulier et par les défenseurs des droits de l’Homme, en général. Et, soutenus par des hommes, les uns et les autres ne comptent pas se laisser faire par les islamistes qui commencent à montrer leur vrai visage.

La désillusion et ses conséquences se font sentir chez la population et les islamistes ont encore du temps pour revoir leur copie afin de ne pas envenimer la situation, au risque de provoquer la phase II du printemps arabe, qui partirait encore de la Tunisie. Les conditions sociales sont réunies, il ne reste qu’à appuyer sur l’élément déclencheur, en voulant violer les droits des citoyens. Les Tunisiens ne semblent pas prêts d’accepter des lois qui, au fur et à mesure, finiront par aboutir à l’instauration de la Charia.

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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