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Parc zoologique de Bobo-Dioulasso : Il ne reste plus que « Lolita » comme rescapée

Publié le mardi 14 août 2012 à 00h38min

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L’histoire de la ménagerie de Bobo-Dioulasso (jardin zoologie ou parc animalier) pour la jeune génération remonte et s’arrête à cette vieille chimpanzé, c’est « Lolita » qu’elle s’appelle. Après les lions, tortues, serpents, oiseaux, perdrix, chimpanzés et autres animaux qui y ont la fierté de Bobo-Dioulasso bien avant les indépendances. Le zoo de Bobo, aujourd’hui, c’est « Lolita », conduite sur le site dans des circonstances encore peu connues entre 1984 et 1985. L’état désuet des infrastructures et l’abandon de l’animal présentent un réel danger pour les visiteurs. Lolita est sous la tutelle de la commune de Bobo-Dioulasso, qui semble oublier qu’elle existe encore. Reportage.

Une clôture qui, malgré la décrépitude, tient toujours tant bien que mal. La porte peinte en couleur verte illustre la similitude d’avec la nature. L’intérieur, à l’allure d’un champ est véritablement un champ d’herbes que certains n’hésitent pas à faucher pour leur bétail. Les cages dans lesquelles étaient gardés les animaux sont toutes abîmées ou presque. Y compris celle de Lolita.

Mahamadou Traoré, le « compagnon » gardien de Lolita est un agent de la mairie. Son contrat consiste à s’occuper uniquement d’elle. Ainsi, il est de service à partir de 7h du matin et ne descend que le soir à 18h. Un banc désaxé, déposé sous un arbre à l’entrée du zoo, fait office de bureau pour Mamadou qui, quelque fois, reçoit des visiteurs qui apportent de quoi à manger à l’animal. Entre Mahamadou et Lolita, le seul contact se limite à lui donner à manger ou pour s’occuper de sa santé. La bête est donc isolée dans sa cage et n’échange avec aucun être vivant. La joie de dialoguer, Lolita l’avait retrouvée lorsque le toit de sa case était endommagé. Du haut du mur de sa cage, elle « échangeait » avec des enfants qui venaient « s’amuser » avec lui.

Jardin zoologique

Le jardin zoologique de Bobo daterait dater des années coloniales. Selon Sibiri Traoré « lorsque nous observons les infrastructures, les grilles, l’architecture, nous nous rendons compte que c’est un endroit qui existe depuis le temps colonial. Avant donc les années 60 ». La date exacte de son ouverte, on n’en sait rien. Mais était-ce un jardin zoologique ou une ménagerie ? La différence entre les deux, selon ce spécialiste de la faune réside dans le fait que dans « la ménagerie, les animaux sont cloîtrés. On y mène quelque fois de l’élevage extensif qui servira d’approvisionnement pour les animaux. Alors que dans le jardin zoologique, la nature est sensiblement préservée ».

« Ziniaré n’a rien pris »

Beaucoup de Bobolais se souviennent encore de ces bons moments. Ces moments où la ménagerie respirait sa « pleine forme » et où l’on pouvait y faire un tour en famille, entre amis, moyennant une pièce de 50 FCFA pour les enfants et 100 FCFA pour les adultes. « Nous visitions cet endroit pratiquement tous les mois. J’aimais beaucoup les animaux sauvages », se souvient Fatoumata Lingani, une sexagénaire. « Dame rumeur » aura donc raconté que l’ensemble des animaux qui y vivaient a été transféré en 1998 dans le parc animalier de Ziniaré. Faux ! Clame Sibiri Traoré, le spécialiste, qui avait d’ailleurs établi un plan d’aménagement de la ménagerie en 1996 à la demande de la commune de Bobo-Dioulasso. Mais, poursuit-il : « En cette année, aucun animal ne s’y trouvait. Ils étaient tous morts, sauf Lolita ». Sibiri Traoré n’en veut pas à la mairie, accusée parfois d’indifférence à l’égard de la bête.

L’entretien d’un zoo, à l’entendre, demande beaucoup de moyens matériels et financiers. « Lorsque j’ai fait le plan d’aménagement, j’avais conclu que deux lions en une année consommaient 52 bœufs, soit un bœuf par semaine. Et cela, juste pour sa survie. Que dire alors des autres carnivores ? », a-t-il confié. Un tel budget serait sans doute « douloureux » pour la commune. L’entretien de la ménagerie selon le plan, a été estimé à 15 millions de FCFA/an, alors que le montant de la vente des tickets d’entrée se limiterait à 3 millions de FCFA/an.

Lolita à Bobo-Dioulasso !

Comment Lolita est-il arrivé à Bobo-Dioulasso ? La question divise et donne lieu à plusieurs réponses. D’aucuns disent que c’est Béatrice Damiba, alors qu’elle était ministre de l’Environnement qui avait donné des instructions pour que « Lolita » soit déférée au jardin de Bobo à la suite de son arrivée de Ouagadougou en 1984/85. Elle était logée au sein de la direction régionale de l’Environnement des Hauts-Bassins. Pour Sibiri Traoré, la bête appartenait à un Occidental qui résidait à Ouagadougou. Au moment de son retour dans son pays, les formalités à remplir afin de pouvoir partir avec l’animal ont été longues. Il aurait ainsi décidé de laisser Lolita à la direction générale de l’Environnement à Ouagadougou. Il aurait même octroyé un budget pour sa gestion.

Après l’épuisement du budget, Lolita a été transférée à Bobo-Dioulasso où l’on pensait qu’elle se sentirait mieux en compagnie d’autres animaux. Malheureusement, cela n’a pas été le cas et Lolita se trouve depuis, bien orpheline. Car elle est laissée à elle-même, toujours enchaînée. La mairie qui a en charge la gestion de l’espace, lui prête peu d’attentions. Le spécialiste des faunes ne doute pas des difficultés à entretenir un zoo. « Même les zoos qui bénéficient de subventions s’en sortent difficilement », dit-il. Les autorités communales gagneraient pourtant à réfléchir à un système d’intégration de la gestion du zoo avec un autre système de production, c’est-à-dire, faire en sorte que le zoo soit exploité concomitamment avec une ferme. L’unité de zoo comprendra donc les services du zoo et ceux de la ferme. Dans la ferme, l’élevage et l’agriculture seront développés pour les services du zoo. (L’élevage pour les carnivores et l’agriculture pour les herbivores). « Cela peut rapporter des dividendes, mais à sa connaissance, cette méthode n’est pas encore expérimentée en Afrique » a encore ajouté Sibiri Traoré.

Lolita, une vie en danger !

Lolita n’a pas souvent à manger, mais également, elle manque sérieusement de suivi médical. Mahamadou, le compagnon de Lolita ne se souvient plus du jour où il a reçu la visite d’un vétérinaire. Seule dans sa cage, qui manque grandement d’hygiène, Lolita, de l’avis du spécialiste, vit un réel danger. Autant donc le laisser aux soins d’une « bonne volonté », comme par exemple Marthe, cette jeune Allemande, vétérinaire en stage à Bobo-Dioulasso. Très touchée par les conditions de détention de la bête, elle aurait décidé de refaire sa cage en réfectionnant le toit. Elle lui apporte tous les jours à manger. Pour combien de temps ?

Bassératou KINDO


De la rétention de l’information

Nous avions eu pour projet d’écrire cet article depuis 2011. Malheureusement, lorsque nous nous sommes rendus sur les lieux, les difficultés à recueillir les informations se sont présentées. « Je ne peux rien vous dire concernant cet endroit. Allez voir les autorités communales. Parce que je garde un mauvais souvenir d’une intervention sur la Radio France internationale(RFI) », nous explique le gardien des lieux. Chose que nous avons faite, mais sans succès. Le service environnement de la voirie avoue ne détenir aucune information sur la bête. Pire, la mairie, qui est censée nourrir l’animal ne le fait point.

Le jardin zoologique, un repère pour voleurs

A côté du « zoo », un jardin avait été mis en place pour servir de lieux de détente, mais également dans le but d’embellir la cité de Sya, lors de la CAN’98. Aujourd’hui, force est malheureusement de constater que ce jardin est devenu un refuge pour voleurs. Les élèves et étudiants qui y vont pour réviser leurs leçons courent parfois des risques. Pour cause, le zoo s’est mû en un sanctuaire pour bandits.

Alfred Sanou n’en est pas l’ « instigateur »

Joint au téléphone, le vendredi 27 juillet 2012, le tout premier édile de la commune de Sya, Alfred Sanou, a tenu à préciser : « Ce n’est pas moi qui ait instruit la construction du jardin. Lorsque j’ai été élu en 1996, j’ai juste apporté une certaine amélioration. Avec par exemple la construction du pont en bois reliant le jardin à celui des fleuristes (côté ouest de l’Institut français). Certes, j’avais sollicité un plan en vue d’aménager le zoo afin que les animaux se sentent dans leur milieu ; malheureusement je n’ai pas été reconduit pour un second mandat ». L’ex-édile avoue avoir un « pincement au cœur » du fait de l’état de délabrement que présente le jardin. Tout le mal qu’il lui souhaite est de le voir sortir de cette impasse. Il garde alors espoir avec la mise en place de la nouvelle politique de protection de l’environnement.

Bassératou KINDO

L’Express du Faso

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