LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Site d’orpaillage de Fêtakolé : Les dessous d’un emprisonnement

Publié le jeudi 19 juillet 2012 à 01h56min

PARTAGER :                          

Fêtakolé, village de la province du Soum, région de Sahel, on est le 6 janvier 2012. La crise qui couvait depuis fin 2011 entre la SOMIKA (Société Minière KINDO Adama) et les orpailleurs du site aurifère qu’elle abrite a atteint son paroxysme. Le haut commissaire Ima BARKE qui s’est déplacé sur les lieux n’a rien pu faire. Le climat de tension qui y régnait, ainsi que le dit une source policière, a contraint « l’autorité à mettre fin à son discours et quitter les lieux ». Quelques instants après, c’est l’affrontement entre orpailleurs mécontents et forces de l’ordre venues sécuriser les lieux. Les gaz lacrymogènes pleuvent, les cailloux aussi. Après plus d’une heure d’affrontement, de course poursuite, une dizaine d’orpailleurs sont mis aux arrêts, puis jugés plus tard au tribunal de grande instance de Djibo. Huit (8) des prévenus ont été condamnés, deux relaxés et un est entré, depuis lors, en clandestinité.

Pendant plus de deux mois, nous avons cherché à comprendre : qui sont ces orpailleurs ? Est-ce qu’ils méritent la peine à eux infligée ? Pourquoi en sont-ils arrivés là ? Fêtakolé est-il un cas à part ? Etc. Derrière cette affaire des orpailleurs emprisonnés, se cachent en réalité de gros enjeux, des intérêts aussi. Des enjeux qui se font et se défont autour des sites d’orpaillage. Immersion dans un univers où « anges » et « démons » se côtoient, où l’agneau et le loup ne se font pas de cadeau.

14 février 2012, après un procès marathon, le verdict tombe. ONGOIBA Tidiane, ONGOIBA Hama, OUBRI Issa, MAIGA Douramani, MAIGA Issa, OUEDRAOGO Sayouba, MAIGA Amadou, BADINI Karaboro et KEINI Nouhoun, inculpés après les évènements de Fêtakolé, écopent de peines allant de 12 à 24 mois fermes. Les prévenus ne comprennent pas ce qui leur arrive. Leurs parents, amis et collègues non plus. Pourtant, aux yeux de la justice, c’est clair. « Les 11 prévenus ont été poursuivis pour des faits de rebellions, de destructions volontaires de biens immobiliers appartenant à autrui, de violence envers des agents de service public, à cela il faut ajouter aussi les faits d’incitation à la rébellion », Confie Arouna YODA procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Djibo qui ajoute : « Dans nos réquisitions, nous avons regretté qu’on en soit arrivé là… »

Deux des prévenus, conseillers municipaux de la commune rurale de Arbinda que sont MAIGA Amadou et KEINI Nouhoun sont sexagénaires. D’où l’incompréhension de la décision judiciaire : « Nous avons trouvé ce verdict extrêmement sévère mais la justice étant ce qu’elle est… Nous avons pensé que la justice doit rendre des jugements qui servent de leçons mais condamner des personnes âgées à de lourdes peines du genre, ça va servir à quoi ? » S’interroge M. Moussa OUBRI, SG de la CGT/B-SOUM. Il faut préciser qu’un responsable local du syndicat des orpailleurs est également écroué. Il s’agit de OUEDRAOGO Sayouba. Pour les orpailleurs c’est Adama KINDO, PDG de SOMIKA qui est à l’origine de leurs déboires et de l’emprisonnement de leurs camarades. « Nous doutons même que la SOMIKA soit détentrice d’une quelconque autorisation d’exploiter sur le site de Fêtakolé. Ce qui est sûr, depuis son arrivée sur le site, nos problèmes ont commencé. La police fouille nos femmes, nous empêche de sortir avec le minerai, nous épie à tout va…Ils (NDLR : la Justice) parlent de hangars qu’on aurait détruits appartenant à la SOMIKA. Tout le monde sait que cette société n’a pas de hangars sur le site. C’est nous orpailleurs qui avons construit les hangars qui lui servaient de comptoirs ». Lâche avec amertume HAMA, un orpailleur.

Et, El hadj Amado KIEMDE, président du syndicat national des orpailleurs, d’enfoncer le clou : « Quand nos 11 militants ont été arrêtés, nous sommes allés voir le procureur. Nous lui avons dit que, s’ils ont incité à la rébellion et que personne n’est blessée, personne n’est mort, ils n’ont pas gâté quelque chose, ils ne doivent pas être sanctionnés. Si on avait enregistré un mort ou un blessé, là, je peux comprendre. Pour ce qui est de la destruction des biens d’autrui, j’ai fais comprendre au procureur que toutes les sociétés qui ont une autorisation d’exploiter dans ce pays n’ont jamais investi 5FCFA sur les sites. Que ce soit SAV’OR, SOMIKA, etc. aucune n’a investi sur le site. Et même si nous on brule le site, on a brûlé nos biens ». M. OUBRI de la CGT/B/SOUM, lui, comprend difficilement l’attitude des responsables de la SOMIKA : « La même société, vient sur le site, construit des forages de 18 à 19 millions pour les orpailleurs et les populations.

C’est elle encore qui réclame aujourd’hui des dommages et intérêts de 9 millions pour des destructions de biens dont tout le monde sait qu’ils (les hangars) appartiennent aux orpailleurs, c’est à ne rien comprendre. Sans oublier que, à part les forages, aucun investissement n’a été réalisé par la société SOMIKA à Fêtakolé. Dans cette affaire, la vérité, où se trouve-t-elle ? ».

Ce n’est pourtant pas la sensibilisation qui a manqué
Pourtant tout a été fait pour éviter le pire. Et pour cause, les évènements du 6 janvier ont été la goute d’eau qui a fait déborder le vase. La crise couvait depuis fin 2011 sur le site. Les faits de violence aussi. Nous étions alors en pleine année de contestation générale dans le pays. Pour prévenir au lieu de guérir, les autorités administratives et judicaires diligentent plusieurs missions de conciliation. Mais hélas, la conciliation entre les orpailleurs et la société détentrice de l’autorisation d’exploiter du site échoue. Les démons de la violence ont pris le dessus. « C’est un domaine dans lequel plusieurs intérêts contradictoires foisonnent, et où chacun veut tirer ses marrons du feu, l’idéal c’est que tout ça se fasse dans le calme sans affrontement … Bien avant janvier nous avons eu des informations sur des menaces de violences pouvant intervenir sur le site…. Avant que les infractions ne se posent, nous nous sommes dit qu’il était de notre devoir de ne pas attendre que les choses se gâtent avant d’intervenir. A plusieurs reprises, nous avons interpellé les acteurs qui travaillent sur le site, pour les écouter longuement et parfois plus de 4 heures d’horloge ; nous avons demandé aux principaux acteurs de rester dans les cadres de la loi et surtout, d’éviter les affrontements, parce que le ministère public est là pour veiller à ce que l’ordre public soit respecté », affirme le procureur YODA.

Ce que M. OUBRI, de la CGT/B-SOUM admet : « C’est vrai je reconnais que le procureur du Faso près le TGI de Djibo a plusieurs fois interpellé les orpailleurs à ne pas aller dans une situation de confrontation, à ne pas faire de conflit…. ». Et, El hadj Amado KIEMDE, président du syndicat national des orpailleurs, ne demandait pas mieux : « Nous avons été clairs avec nos membres, nous ne voulons pas des situations irréparables… c’est quand il y a la paix qu’on peut revendiquer les droits. J’ai toujours demandé à nos membres de se mobiliser pour qu’il n’y ait pas de trouble. » Mais les orpailleurs ne pouvaient supporter ce qu’ils appellent « l’exploitation de l’homme par l’homme par la SOMIKA ». Selon M. Moussa OUBRI : « La société a voulu moderniser les choses car elle a constaté que les orpailleurs ne respectaient pas forcément l’exploitation sur place, c’est-à-dire, extraire le minerais, le piller sur place, enlever l’or et le revendre à la société. Nous sommes dans une zone où les gens avaient des pratiques qui datent de 1982 (NDLR : date de la découverte de l’or dans la zone), qui consistent à aller sur le site pour chercher le minerai et le traiter à domicile. Du coup, dire aux orpailleurs qu’ils n’ont plus le droit de rentrer avec le minerai pour extraire l’or chez eux, ça crée des frictions ».

La pomme de discorde

En effet, la société pour éviter la fraude du minerai et de l’or a donné des instructions fermes aux agents de sécurité pour saisir toute sortie frauduleuse de minerai. Cela pour répondre au cahier de charges à elle soumis par le ministère des Mines, des Carrières et de l’Energie qui lui fait obligation de veiller aux « questions environnementales d’hygiène, de sécurité. Eviter le traitement du minerai au cyanure, ainsi que l’utilisation d’explosifs sur le site… », confie le coordonnateur de la SOMIKA M. Malick ZALLE. Mais pour les orpailleurs, « nous avons compris que nous avions, l’obligation de vendre notre or à la SOMIKA. Où nous traitions le minerai et comment nous le traitions, ce n’était pas son affaire… », s’est exclamé Issouf TAMBOURA, un jeune orpailleur. « La police a poussé le bouchon jusqu’à aller perquisitionner le domicile de notre responsable syndical OUEDRAOGO Sayouba en son absence et c’est ce qui a mis le feu au poudre.

Il a fallu l’intervention du commandant de brigade de gendarmerie d’Arbinda, pour que les sacs de minerais qu’ils avaient confisqués, plus de 300 sacs, nous soient restitués … », lance Arba DICKO. Dans ce combat, les orpailleurs ne sont pas seuls. Leur syndicat est du même avis qu’eux, et El hadj Amado KIEMDE va encore plus loin : « Les détenteurs d’autorisation d’exploitation artisanale ont mal interprété les textes qui régissent leur activité. Si tu demandes un terrain pour exploiter, tu dois avoir des manœuvres, tu dois faire des investissements qui permettront à tes manœuvres de pouvoir exploiter les minerais pour toi. En clair, le détenteur d’autorisation d’exploiter doit avoir des salariés, du matériel de travail, à sa charge. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Les orpailleurs sont sur les sites pour certains depuis plusieurs décennies. Il y en a qui ont fait des investissements de plusieurs millions de francs pour trouver un filon, s’ils le trouvent. Nombreux sont ceux qui ont investi à perte. Tous ceux qui sont détenteurs d’autorisation d’exploiter n’ont jamais donné de faveurs aux orpailleurs du genre octroie de crédits, assurance santé, etc., rien du tout. Au contraire, ils exploitent la misère des orpailleurs. Pourquoi ne demandent-ils jamais des terrains vierges pour exploiter ? » Ce que ne nie pas un agent de l’administration minière qui soutient : « Généralement les demandeurs d’autorisation introduisent leurs dossiers quand il y a des orpailleurs déjà sur le site. Ce sont les orpailleurs qui découvrent le site, qui commencent à exploiter et les détenteurs d’autorisation d’exploiter viennent pour mieux organiser le site ». Et un autre agent de nous confier : « Avant le boom minier et les réformes qui s’en sont suivies, les sites d’orpaillage étaient gérés par le Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP). C’est lui qui organisait tous ces sites, récoltait et commercialisait.

L’Etat s’est désengagé et a confié cela à des particuliers ou à des sociétés de droit burkinabè à travers la délivrance d’une autorisation ». La restitution du minerai n’a pas calmé les ardeurs des orpailleurs. Ils ont poussé la revendication encore plus loin. Ils ont réclamé le départ de la société du site. Ce qui dépasse les prérogatives du maire d’Arbinda à qui ils ont soumis leur revendication. En effet, Fêtakolé est l’un des 43 villages de la commune rurale d’Arbinda. Il est à 15 km d’Arbinda ville. « Des conseillers municipaux m’ont approché. Il y en a parmi eux qui sont mes parents proches (NDLR Amadou MAIGA est l’oncle du maire). Ils m’ont fait savoir que les orpailleurs demandent le départ de la société SOMIKA sur le site de Fêtakolé. Ce qui est impossible », dira le Maire Mahamadou MAIGA. L’autorité communale fonde son motif sur la décision N°11/006/MCE/SG/DGMGC portant octroi d’autorisation d’exploitation artisanale traditionnelle du site aurifère de Fètakolé dans la province du Soum à la SOMIKA. Une décision qui date du 5 janvier 2011.

Pour Emmanuel YAMEOGO, directeur des mines : « Aujourd’hui notre pays compte plus de 300 sites d’orpaillage. Je crois que les gens interprètent mal les choses, car le souci de l’administration en délivrant une autorisation d’exploiter, c’est d’avoir un répondant. Si sur tous ces trois cents sites, il n’y a aucun répondant sur qui l’Etat peut compter, il y aura problème. Vous arrivez sur un site, il y a 10 à 20 mille personnes qui travaillent. Qui est responsable ? Qui répond à quoi ? Au nom de qui ? L’administration a cru bien faire, en attribuant les autorisations d’exploiter afin de pouvoir responsabiliser quelqu’un sur une superficie d’1km2 donnée. Au moins, le détenteur de l’autorisation peut s’organiser pour gérer le site ». Mais il insiste : « En principe, ça devrait être un partenariat gagnant- gagnant. Les orpailleurs sont la force qui travaille et comme ils n’ont pas d’autorisation d’exploiter, ils ont l’obligation de revendre le fruit de leur travail au détenteur de l’autorisation. En même temps que le détenteur achète l’or chez les orpailleurs, il a l’obligation de les encadrer, de garantir la sécurité des orpailleurs et de leurs biens, de payer les taxes à l’Etat, et d’être le répondant direct de l’Etat sur le site. Il faut que les sociétés sachent qu’elles doivent collaborer avec les orpailleurs à travers des cadres de concertations permanents. C’est dans la discussion et le dialogue qu’on arrive à se comprendre et à travailler ensemble ».

Police et syndicat, dehors !

L’autorisation d’exploiter fait obligation au détenteur, d’assurer la sécurité des personnes et des biens sur le site. Il a également la charge de collecter la production sur le périmètre qui lui est délivré et d’en faire la déclaration à l’administration des mines. Pour M. ZALLE : « A Fètakolé, le problème d’eau était vital ; nous avons érigé deux forages AEPS à plus de 19 millions. Nous avons sollicité et obtenu, à nos frais, les agents de sécurité pour assurer la sécurité des orpailleurs ainsi que leurs biens. Nous avons mis avec l’ensemble des orpailleurs, un cadre de concertation qui nous permet de discuter de tous les problèmes. Mais depuis l’installation de la section syndicale des orpailleurs, les troubles ont commencé ». Et le maire d’Arbinda confirme : « J’ai dit aux contestataires que s’ils avaient des doléances particulières, nous allons les soumettre aux responsables de la société, et ensemble nous verrons comment suivre cela jusqu’à une pleine satisfaction, puisque, au démarrage des activités de la société, un comité de concertation a été mis en place pour résoudre constamment les difficultés qui peuvent survenir.

Ils ont dit niet ! Ce qu’ils veulent c’est que la société dégage. Ce qui dépasse mes compétences de maire ». Pour que le travail se mène en toute sérénité, la présence de la police est plus que nécessaire. Mais cette présence est très contestée et même combattue. Le policier est vu sur les sites d’orpaillage comme un espion à la solde du détenteur de l’autorisation. « Sur les sites aurifères nous rencontrons beaucoup de difficultés parce que les orpailleurs ne voient pas d’un bon œil la présence des agents de police. Parce que tous ne sont pas animés de la même ambition. Il y a des délinquants qui fraudent l’or, ils se promènent souvent avec de la drogue. Et les braquages sont légion dans les zones où se trouvent les sites aurifères », constate l’officier de police Brahiman BAYOULOU. Pour ce qui est de la présence du syndicat sur les sites d’orpaillage, le haut commissaire de la province du Yagha, lui, ne prend pas de gants pour dire ce qu’il pense : « Ces derniers temps aussi nous avons vu sur les sites, un groupe d’individus qui dit avoir créé un syndicat.

Malheureusement nous constatons que ces syndicats-là ne sont pas clairs parce que pour être membre d’un syndicat, il faut être au moins dans l’activité. Nous avons des gens dans cette province qui sont des travailleurs (chauffeurs) déflatés qui se disent aujourd’hui être à la tête d’un syndicat d’orpailleurs. Et c’est eux qui nous créent les plus grands problèmes aujourd’hui. Nous n’avons pas manqué de dire à ces individus que toute l’action de l’administration est basée sur le respect de la légalité. Et nous réglons ces problèmes par rapport aux lois et règlements en vigueur dans notre pays. Mon intime conviction et les informations que nous avons nous convainquent que les gens agissent pour créer des troubles dans la zone. C’est volontairement fait ».

Et le haut commissaire va encore plus loin quand il dit : « L’an passé à Solhan, des orpailleurs ont eu le courage de tirer sur les forces de l’ordre avec des armes à feu. Moi j’avais souhaité que la justice aille jusqu’au bout de la sanction parce que si l’on permet à ces gens-là de tirer de façon impunie sur des forces de l’ordre, un jour c’est sur les populations qu’ils vont tirer. Mais compte tenu du contexte à l’époque, avec les autorités judiciaires on a fini par laisser passer. J’avais souhaité que ces gens-là soient jugés parce que c’était suffisamment grave ». A Solhan, le syndicat est vu d’un mauvais œil par les orpailleurs. Et Moumini DERRA est très remonté dès qu’on évoque le nom du syndicat : « Nous ne voulons pas de syndicat sur notre site. Il crée des problèmes et paralyse nos activités.

Nous avons remarqué que ceux qui se réclament du syndicat, la grande majorité d’entre eux n’ont jamais de trou (NDLR filon) sur nos sites. L’on ne sait pas d’où ils viennent et qu’est-ce qu’ils font. A la limite, ils nous arnaquent. Il faut débourser 7000FCFA pour adhérer. Quand je vois que sur un site comme Solhan, nous sommes plus de 5000 orpailleurs, faites le calcul vous-même. Une fois qu’ils encaissent, ils disparaissent et ne reviennent que pour donner des mots d’ordre aux responsables locaux qui paralysent nos activités, alors que nous avons besoin de travailler pour rentabiliser nos investissements ». L’officier de police, lui, est formel : « Il y a ceux qui viennent sur les sites avec des intentions de subversions. Nous avons appréhendé un étudiant de 3e année de droit l’année dernière qui dit qu’il est venu sur le site de Solhan (localité située à 15km de Sebba dans la province du Yagha) sous le couvert d’une association de droit humain ODJ (organisation démocratique des jeunes). Mais à la vérité, nous nous sommes rendu compte qu’il était sur le site pour des activités subversives.

Alors, comme la situation nationale était délétère nous avons fait notre travail et laissé la procédure suivre son cours… » Le syndicat, lui, balaie du revers de la main, les accusations. « Nous n’avons aucune part de responsabilité dans ce qui est arrivé à Fêtakolé encore moins ailleurs, s’en défend El hadj KIEMDE. C’est l’administration qui est responsable de ce qui arrive sur les sites d’exploitation traditionnel pour avoir mal laissé interpréter les textes par les détenteurs d’exploiter. Pour ce qui est de l’adhésion à notre structure, tout membre qui veut adhérer, paie ses droits d’adhésion qui est de 5000F. Ce qui lui donne droit à une carte de membre. Les responsables de site collectent les frais d’adhésion qu’ils nous reversent. Sur les 5000F, 1500F reviennent à la caisse de la section, la carte coute 700F ; c’est 2200F qui reviennent en réalité à la caisse nationale ».

L’or ne fait pas que briller…

Certes le calme est-il revenu à Fêtakolé après le procès mais les rancœurs, non. Elles sont encore vivaces. « C’est vrai, parmi ceux qui sont en prison il y a deux de mes conseillers et mieux j’ai un oncle et un cousin parmi eux. Je ne suis jamais allé les voir. J’ai tenté une action au sein de la famille pour voir si je peux contribuer à quoi que ce soit, mais ça n’a abouti à rien ». Confesse le maire. La justice a-t-elle fait œuvre utile dans ce procès ? Rien n’est moins sûr. Et pour cause : « Quand la justice ne peut pas convaincre par les arguments les décisions qu’elle prend, je pense que ça va être compliqué de croire en cette justice. Peut-être qu’elle a ses arguments sur lesquels elle a fondé sa décision, mais je le dis, ces arguments ne sont pas à la portée des populations, et cette incompréhension-là va demeurer longtemps ».

Comme l’affirme M. OUBRI de la CGT/B. Le boom de l’or a surpris le Burkina. L’autorité semble dépassée par la situation. Elle n’a pas su anticiper pour poser les bases d’une organisation saine du secteur de l’exploitation traditionnelle et artisanale de l’or. « Quand c’était la CBMP qui gérait l’exploitation traditionnelle, nous n’avions pas tous ces conflits et contestations, encore moins un syndicat trouble-fête », se rappelle avec nostalgie Assane un orpailleur sexagénaire installé à Solhan. Et ce n’est pas l’administration qui le contestera quand le directeur des mines affirme ce qui suit : « Il y a d’énormes difficultés sur le terrain par rapport à la production artisanale de l’or. C’est la raison pour laquelle, la Brigade Nationale Anti Fraude de l’or a été créée. Il y a beaucoup d’activités dans l’exploitation traditionnelle, mais la maîtrise du phénomène de la fraude pour le moment pose problème.

A titre d’exemple, quand le CBMP existait, on avait une production d’une tonne d’or l’an dans l’exploitation traditionnelle et artisanale ; à l’heure actuelle, nous avons des difficultés pour atteindre les 500kg. Et nous espérons qu’avec la création de la brigade, les comptoirs seront mieux contrôlés, les productions seront mieux surveillées et en ce moment cela pourra certainement rapporter beaucoup plus au budget de l’Etat ». Ce qui n’est pas sûr c’est que, si les choses restent en l’état, notre pays soit à l’abri d’éventuelles crises sur les sites d’orpaillage. D’où la réflexion qui est déjà posée dans l’administration. « Il est devenu aujourd’hui une nécessité pour l’Etat de revoir comment gérer les sites traditionnels. Le CBMP gérait ces sites sans trop de problèmes, la structure a disparu, maintenant il s’agit de trouver la meilleure formule qui sied pour éviter au maximum les conflits sur le terrain ». Constate M. Emmanuel YAMEOGO directeur des mines.

Pour l’heure, le seul espoir des orpailleurs emprisonnés, reste l’appel que leur avocat, Me YERE, a interjeté en leurs noms au greffe du Tribunal de Grande Instance de Djibo et enregistré en date du 28 février 2012. Le syndicat, lui, poursuit les contacts avec les autorités dans l’espoir d’une conciliation. Les familles et les amis des condamnés, eux, en plus d’avoir supporté les honoraires de l’avocat, continuent de supporter les frais de leur séjour en prison..

Frédéric ILBOUDO


Police des sites miniers Un « mal » nécessaire

L’un des principaux acteurs présents sur les sites d’orpaillage c’est la police. « Choyée » par les concessionnaires mais regardée du coin de l’œil par les orpailleurs, cette police voit son action mal comprise sur les sites. Aussi avons-nous cherché à comprendre quelles sont les missions à elle assignées sur les sites. Le directeur de la sécurité publique, le commissaire Gérard HIEN dont relève la division de la police des sites miniers, a accepté répondre à nos questions. Il avait à ses côtes, le chef de ladite division, l’officier de police Almissi Célestin OUEDRAOGO.

Les missions des agents sur les sites d’orpaillage rentrent dans le cadre général des attributions de la police nationale, à savoir celle de la sécurité des personnes et des biens, de la garantie de la tranquillité publique et de la paix. Ces missions sont du reste aussi garanties par la Constitution et la loi n°032-2003/AN du 14 mai 2003 portant stratégie de sécurité intérieure, en son article 18 attribue à la police nationale des missions de police administrative, de police judiciaire et de défense civile. Mais il faut attendre 2007 pour voir se créer au sein de la Direction générale de la police nationale, la division chargée de la sécurisation des sites miniers. Le déploiement des agents sur les sites sera diversement accueilli par les acteurs y exerçant et ça ne pouvait être autrement d’autant que des intérêts souvent antagoniques s’entrechoquent. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre, sur les sites miniers, les orpailleurs dire que les policiers sont à la solde des concessionnaires.

« C’est Adama KINDO (NDLR PDG de la société SOMIKA concessionnaire du site de Fêtakolé et de Solhan) qui a envoyé les policiers venus arrêter nos camarades. Ce n’est pas quelqu’un d’autre. Depuis le 24 janvier, c’est eux qui gardent le site et quand on dit qu’ils sont là pour notre sécurité, c’est faux. Ils sont là pour nous voler et enrichir KINDO, mais on ne va pas les laisser faire… », Charge Arouna BOULGOU, jeune orpailleur très remonté contre la présence de la police sur les lieux. Mais pour le directeur de la sécurité publique : « Les missions de la police des sites miniers sont claires. Il s’agit de patrouiller sur les axes routiers dans les zones minières, assurer les escortes au profit des responsables des sociétés minières qui en font la demande, intervenir en matière de maintien et de rétablissement de l’ordre, lutter contre l’utilisation illicite des produits et chimiques dangereux et de substances explosives sur les sites d’exploitations artisanales traditionnelles de l’or, lutter contre les sorties frauduleuses des substances minérales et l’or sur les périmètres miniers ».

Pour le commissaire HIEN, c’est cette dernière disposition de la mission « lutter contre les sorties frauduleuses des substances minérales et l’or sur les périmètres miniers » qui est la pomme de discorde entre les orpailleurs et les agents de police. La mise en œuvre de cette mission consiste à combattre la fraude, en clair à veiller à empêcher la sortie illicite du minerai et de l’or.
Ainsi donc, M. KINDO, PDG de la SOMIKA, peut solliciter et obtenir la présence de la police sur le site dont il est concessionnaire. Si le jeune Arouna BOULGOU qui l’accuse n’est pas dans le faux, ce qu’il ignore cependant, c’est que l’action de la police obéit à certaines conditions. « La police peut se déployer d’initiative quand l’ordre est troublé. L’une des missions c’est d’intervenir sans attendre pour rétablir et maintenir l’ordre.

La police peut également se déployer sur réquisition de l’autorité administrative : les hauts-commissaires, les préfets, les maires s’il n’y a pas des problèmes. Le déploiement peut se faire aussi à la demande des concessionnaires. Les sociétés minières ou les personnes physiques ou morales qui ont des autorisations peuvent en faire la demande ». Soutient le directeur de la sécurité publique. Cela s’explique par le fait que le cahier de charge que signent les concessionnaires leur fait obligation « d’assurer la sécurité des personnes et des biens sur le périmètre qui leur appartient », de ce fait, ils peuvent faire recours à la police ou à la gendarmerie dans certains cas, pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
Une chose est certaine, les missions de la police sur les sites d’orpaillage ne sont pas bien comprises et surtout ne sont pas acceptées par tous.

Et ce n’est pas le commissaire qui nous dira le contraire : « Je suis d’accord que les missions de la police ne sont pas très bien comprises par les orpailleurs. Je vais vous dire que ce n’est pas seulement les missions de la police des sites miniers qui ne sont pas comprises par les populations. Nous avons à faire à une population majoritairement analphabète, dont la compréhension des choses n’est pas toujours évidente. Mais nous ne devront pas perdre de vue que l’incivisme a pris des galons dans notre pays ce qui souvent explique certains comportements des populations. C’est une situation généralement vis-à-vis des forces de sécurité. Ce n’est pas propre à la police des sites miniers. Il nous est toujours revenu que les orpailleurs pensent que les éléments que nous déployons sur le terrain travaillent pour le détenteur des autorisations d’exploiter. Quand il s’agit de lutter contre la fraude du minerai et la fraude de l’or, la police ne fait que faire son travail. Elle remplit sa mission qui est de lutter contre la fraude. Dans ce cas, les orpailleurs ne peuvent que soutenir que les policiers sont à la solde des concessionnaires des sites ».

Mieux, pour l’officier de police Almissi Célestin OUEDRAOGO, chef de la division des sites miniers : « l’incompréhension n’est pas seulement du côté des orpailleurs car les policiers eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi ils sont confrontés à une adversité terrible alors qu’ils ne font que leur travail. Nous sommes dans un milieu où les intérêts sont divergents, il y a beaucoup d’orpailleurs qui ne maîtrisent même pas le domaine de l’orpaillage en terme de texte, et il y en a aussi qui comprennent, mais ne protègent que leurs intérêts, ils occultent les détails et posent des problèmes aux exploitants miniers et aux agents de police. Les agents de police font l’objet de provocation sur des problèmes de personnes qui dégénèrent en conflit ». Aujourd’hui, sur les 300 sites miniers recensés dans notre pays, la police n’est présente que sur « une quarantaine de sites d’orpaillage à travers le pays… »

C’est un secteur dans lequel les intérêts sont énormes entre les exploitants et les orpailleurs et leurs syndicats. C’est dans ces conflits d’intérêts que la police doit exercer ses missions. Ce qui nécessite plus que du doigté. « C’est tout un processus, dira M. HIEN, un processus fait de sensibilisation, d’information, pour amener les orpailleurs à mieux comprendre les missions de la police sur les sites miniers, mais aussi à accepter la règlementation en vigueur en matière d’exploitation minière dans notre pays ». Ces hommes qui sont déployés sur les sites miniers exercent pourtant leurs missions avec « cœur et sacrifice » parce que dans des conditions les plus difficiles. « Les fonctionnaires de police sont logés dans les mêmes conditions précaires dans des huttes tout comme les orpailleurs. Ils ont des hangars comme poste de travail. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’état de santé et le moral des hommes. Si à cela on ajoute le manque d’organisation au niveau des sociétés d’exploitations traditionnelles… ».

Le Burkina, aujourd’hui, connaît un boom minier. Presque partout dans le pays, des sites surgissent ainsi on en trouve dans 31 provinces sur les 45. Toute chose qui n’est pas sans conséquence au niveau sécuritaire. Le cours des évènements avec l’augmentation du cours de l’or et la crise sociopolitique qui a secoué notre pays en 2011, n’ont pas manqué d’entrainer un accroissement des problèmes sécuritaires dans le secteur minier. Il est donc plus que nécessaire que les missions de la police soient expliquées et surtout défendues pour plus de paix et de quiétude sur les sites miniers.

Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 19 juillet 2012 à 09:56 En réponse à : Site d’orpaillage de Fêtakolé : Les dessous d’un emprisonnement

    Que Dieu protège le burkina. Le gourvernement gagnerai à vraiment revoir la gestion des sites aurifères par la société SOMIKA. Partout là où cette société arrive il ya des troubles (ex de Gayérie). Pourquoi continuer à donner des autorisations à quelqu’un qui crée tant de polémiques. Je me demande si certains membres de notre gouvernement ne mangent pas dedans.
    Webmaster laisse passer mon message STP

    • Le 19 juillet 2012 à 11:57, par dielba En réponse à : Site d’orpaillage de Fêtakolé : Les dessous d’un emprisonnement

      Pourquoi, demander si certains gouvernant ne bouffent pas dedans ? Presque tous sont sous les pieds de ce monsieur et chantent ses louanges. Donc ils donneront à SOMIKA tout ce qu’il veut obtenir. C’est cela aussi le Burkina. Il n’y a pas de justice pour les pauvres au Burkina. Il suffit d’être plein aux as. Mais KINDO a intérêt à ne pas trop frustrer les populations soumoises car le couteau sera à double tranchant pour lui et il le sait bien.

  • Le 19 juillet 2012 à 12:11, par O.FACOL En réponse à : Site d’orpaillage de Fêtakolé : Les dessous d’un emprisonnement

    SLT force reste la loie ses orpailleur ne connaissent les texte et ils forme des syndicat ! son EXCELLENCE MR ADAMA KINDO DG DE SOMIKA Aa le droit d’exploitatoin et vous ne voulez qu’il rentabilisse sait pa possible en plus des investissement qu’il afai dans votre village a hauteur de million combien de fois son EXCELLENCE ADAMA KINDO a accompagne des iniciative BF investie a coup de million particulrièment dans la zone du sahel MEME SI TU M’AIME PAS LE LIEVRE RECONNAIT QU’IL COURE VITE

    • Le 19 juillet 2012 à 15:49, par Faux Excellence En réponse à : Site d’orpaillage de Fêtakolé : Les dessous d’un emprisonnement

      IL COURT OUI, MAIS EN AUCUN CAS IL EST "EXCELLENCE" ! Tu sais meme à qui on dit excellence ? Meme les Mogho(respect à lui) et Larlé Naba ne sont pas des excellences,meme les deputés ! Renseigne toi avant de Descendre certains de nos illustres excellences !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)