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Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

Publié le mardi 3 juillet 2012 à 00h07min

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« Je raserai ma barbichette lorsque mon épouse la trouvera laide. » Ainsi s’exprimait, en guise d’introduction à notre entretien, l’air détendu, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS) et chef de file de l’opposition politique burkinabè. Mais l’homme, plus sérieux, pense dur comme fer à conquérir le fauteuil de Blaise Compaoré dont il n’a jamais cessé d’exiger le départ. « Par la voie démocratique », précise-t-il. C’est dans cette optique de conquête du pouvoir que le patron de l’Unir/PS mobilise ses troupes pour les prochaines élections législatives et municipales couplées du 2 décembre 2012 au Burkina Faso.

Convaincu que « l’Afrique, c’est pour tout de suite et maintenant », cet avocat, qui affiche son aversion pour l’impunité, croit cependant peu à l’impartialité de la Cour pénale internationale (CPI) dont les clients privilégiés sont des dirigeants africains. Du reste, il pense que la solution de la double crise malienne viendra surtout des Maliens eux-mêmes : « Ce sont des questions politiques qui doivent être résolues autour d’une table et non sous la menace de sanctions. » Affirmant toute sa sympathie pour François Hollande, le nouveau président français, Me Sankara affirme ne point regretter le départ de Nicolas Sarkozy, celui qui aura perpétué la Françafrique, notamment par le truchement de l’affaire des Djembé, ces fameux tam-tams burkinabè qui auraient servi à convoyer des billets de banque vers l’Elysée. D’autres chefs d’Etat avaient également été épinglés par l’avocat français Robert Bourgi en son temps, dans cette pratique de convoyage de mallettes d’argent vers Paris.
Sur tous ces sujets, et bien d’autres, Bénéwendé S. Sankara livre son analyse à travers cet entretien.

Notre Afrik : Quels sont les objectifs de votre parti, l’Unir/PS, pour les élections couplées, législatives et municipales, du 2 décembre prochain ?

Bénéwendé Sankara : Notre objectif principal, c’est le changement par les urnes, et nous souhaitons aller vers une transition démocratique. Nous nous sommes battus pour obtenir une administration électorale qui est la Céni (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr), composée de représentants de l’opposition, de la majorité et de la société civile. Mais la question fondamentale qui se pose est de savoir si nous avons un mécanisme électoral qui permet au citoyen, en 2012, de faire son choix.

Accordez-vous du crédit à la Céni ?

Les personnalités qui siègent à la Céni ont fait l’objet d’un consensus et nous pensons que le président de la commission, qui représente la communauté religieuse, devrait, au plan moral, montrer patte blanche. Les actes posés par la Céni à ce jour me rassurent. Nous sentons une volonté des représentants de la majorité et de l’opposition de travailler ensemble pour avoir des élections propres. Nous doutons cependant que le gouvernement donne les moyens nécessaires à la Céni pour faire du bon travail sur le terrain !

Êtes-vous satisfait de l’évolution des préparatifs de ce rendez-vous électoral ?

Le processus connaît quelques difficultés qui ont même obligé la Céni à reporter le début de l’enrôlement des électeurs. Par ailleurs, notre agenda électoral a conduit l’Assemblée nationale à proroger son propre mandat, avec la révision de la Constitution en son article 81. Et le Conseil constitutionnel a mis les pieds dans le plat en déclarant cette révision anticonstitutionnelle, ce qui a obligé le gouvernement à reprendre sa copie. Tout cela joue, d’une manière ou d’une autre, sur la crédibilité du processus électoral et entraîne des appréhensions. Mais j’ose espérer qu’avec l’engouement que l’on constate un peu partout pour ces élections et le désir des Burkinabè pour le changement, chacun se battra pour que nous puissions privilégier le changement par la voie des urnes.

Vous êtes le chef de file de l’opposition politique. Cette fonction a-t-elle fait avancer la cause de la démocratie au Burkina ?

C’est ma pleine et entière conviction ! La démocratie burkinabè est citée en exemple à cause de la mise en œuvre d’une loi votée depuis 2000, mais qui n’était pas appliquée. Depuis les émeutes de la faim de 2008, les dirigeants du Burkina ont compris que l’opposition doit avoir un statut. C’est reconnu par les grands principes et cela permet au dialogue de pouvoir s’instaurer.

Quels sont les avantages à être chef de file de l’opposition ?

Vous auriez dû commencer par les inconvénients (rires). Le premier avantage, c’est la visibilité dont bénéficie le chef de file de l’opposition. Lorsqu’on veut le point de vue de l’opposition, on s’adresse a priori à son chef de file parce qu’il est, selon la loi, son porte-parole. En tant qu’institution, le chef de file à un budget estimé à 75 millions de francs CFA. Ce budget nous permet de faire fonctionner un cabinet, d’animer un siège qui est le point de convergence de tous les partis politiques de l’opposition.

Mais il y a des inconvénients. Mon parti en a pris un coup. Il est parfois obligé de laisser tomber ses propres positions pour épouser l’avis général, parce que nous voulons mettre tout le monde d’accord. Ce que nos militants ne comprennent pas toujours. L’activité est chronophage et je n’arrive plus à me consacrer à mon propre parti. Il y a aussi l’éparpillement dans son propre agenda qui contribuerait à rendre le chef de file inopérant, s’il n’était pas entouré d’une équipe capable de le soutenir.

Discutez-vous souvent des questions d’intérêt national avec le chef de l’Etat ?

Le chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré, préfère les médiations au plan international tout en méprisant son opposition. Et c’est dommage ! Nous ne communiquons pas avec lui et ce n’est pas faute d’avoir essayé de le rencontrer. Exemple : quand il a promulgué le décret sur le CCRP (Conseil consultatif sur les réformes politiques, Ndlr), nous lui avons adressé une lettre dans laquelle nous lui faisions remarquer qu’il ne pouvait promulguer une loi portant statut de l’opposition, tout en prenant d’autres décrets pour scier l’opposition. Nous n’avons jamais obtenu de réponse. Autre exemple : lors de la crise sociale et militaire de 2011, il a consulté tout le monde sauf l’opposition. Nous le laissons donc dans ses états d’âmes.

Il ne vous a donc jamais reçu en tant que chef de file de l’opposition ?

Pas une seule fois ! Quand la loi sur le statut du chef de file a été adoptée, nous le lui avons notifié. Il nous a félicités par lettre et cela s’est arrêté là.

Vous avez milité pour son départ au plus fort de la crise de 2011, alors qu’il a été élu démocratiquement… Certains vous ont reproché une attitude anti-légaliste…

S’il y a un acteur politique dans notre pays qui est très regardant vis-à-vis de la loi, c’est bien le chef de file de l’opposition. L’article 43 de la Constitution burkinabè est clair : quand les institutions ne fonctionnent plus, on forme un gouvernement transitoire dès lors que la vacance de pouvoir est constatée, pour aller vers une transition démocratique paisible. Ce gouvernement transitoire doit organiser le plus rapidement possible des élections. Dans un contexte où le chef de l’Etat lui-même reconnaît que la crise était très profonde et que l’Etat ne fonctionnait plus, nous étions dans notre bon droit de demander son départ et d’exiger des élections anticipées.

Je ne vois pas où se trouve le putsch. Ceux qui nous ont fait ce mauvais procès avaient tort.
La preuve est que nous sommes rattrapés par notre histoire, la crise au Burkina Faso n’est pas résorbée. On ne fait que repousser l’échéance. La Coalition contre la vie chère est même entrée dans la danse en appelant à une « Journée ville morte » le 26 mai dernier, et le gouvernement a été obligé de courir pour négocier. Nous avons une crise institutionnelle et politique qui a commencé par des crises sociales. Notre conviction est que Blaise Compaoré doit partir et nous travaillons même à cela, mais de façon très démocratique. Nous n’appelons pas à un coup d’Etat.

La crise qui a secoué le Burkina en 2011 est-elle désormais un lointain souvenir ?

Pas du tout ! Elle est même devant nous. La crise de 2011 a été provoquée par une injustice et un mensonge. La mort de l’élève Justin Zongo, vraisemblablement à la suite d’une bavure policière, n’a pas été assumée par le gouvernement qui a préféré avancer la méningite comme cause du décès. Les Burkinabè ont toujours le sentiment d’être confrontés à l’impunité et c’est ce qui exacerbe la révolte personnelle. Les populations se font justice elles-mêmes et la presse constate chaque jour qu’il n’y a plus d’autorité de l’Etat.

C’est l’effet champagne, il suffit que le bouchon soit dévissé pour que tout jaillisse. Avec l’augmentation du coût de la vie, entraînée par celle des hydrocarbures et le contexte sous-régional, le Burkina Faso est comprimé. Le problème est que nous avons un gouvernement qui ne se met plus dans une logique de crise, mais qui pense toujours à un Burkina émergent. La crise, nous la vivons et il faut une solution intermédiaire qui se trouve dans le changement.

Le gouvernement de Luc Adolphe Tiao est-il à la hauteur des enjeux ?

Quand on évoque ce gouvernement, il me revient en mémoire cette expression du Pr Joseph Ki-Zerbo : « Soigner un cancer par la pommade. » En bon communicateur, il essaie d’expliquer, de justifier les phénomènes, mais ne propose pas de solutions en tant que telles. En dehors de la Scadd (Stratégie de croissance accélérée et de développement durable, Ndlr), je ne vois pas une politique énergique pour faire face à une crise aussi structurelle dans l’immédiat. Un délai de grâce a été accordé à ce gouvernement. Ce sursis est en train d’expirer. Il lui faudra faire en sorte que les Burkinabè ne soient pas déçus.

Quelle est la position de votre parti sur la réforme de l’armée ?

Cette réforme est entamée depuis deux ans, avant que les mutineries n’éclatent en 2011. La crise est venue accélérer un processus où on pense qu’il faut, dans un premier temps, mettre l’accent sur la probité de la recrue. La question que l’on se pose est de savoir si ce n’est pas au sein de l’armée que les militaires apprennent à revendiquer. Je suis d’accord qu’il faut relever le niveau de l’armée, ce qui permettra de la professionnaliser davantage, de tendre vers une armée d’excellence. Mais si dans le corps il y a la suspicion, des divisions, de l’insubordination, les réformes ne serviront pas à grand-chose.

Nous avons affaire à une armée corrompue, une armée d’affairistes dans laquelle des gradés se font du beurre sur le dos des soldats. Une réforme doit être sous-tendue par une vision. Notre armée est divisée, avec deux catégories de militaires : le régiment de sécurité présidentiel n’a rien à voir avec les autres corps. Il y a une terreur qui s’est installée dans certains corps comme la police depuis que des policiers ont été radiés, la volonté de bon nombre d’entre eux est émoussée.

Avez-vous le sentiment ou des indices selon lesquels l’actuel président du Faso, Blaise Compaoré, est résolu à respecter la Constitution et à ne plus faire acte de candidature ?

(Rires) Je retiens la déclaration de Djibrill Bassolé qui a dit, sur une chaîne de radio étrangère, que le sujet n’est plus à l’ordre du jour. Un proverbe dit que « quand un crapaud sort de l’eau et affirme que le crocodile a mal aux yeux, on ne peut que le croire ». Avec la crise qu’a connue le Burkina Faso, le chef de l’Etat doit se dire qu’il faut se méfier avec ce peuple-là. Il suffit d’un rien pour que tout bascule.
Le président doit tirer une leçon de ce qui se passe un peu partout, notamment dans le monde arabe. Les peuples n’entendent plus se faire marcher sur les orteils. Et puis, il ne faut pas l’oublier, l’attitude des pays occidentaux, la France notamment, a beaucoup évolué. Nicolas Sarkozy, l’ancien président français, prônait une rupture qui n’a finalement pas pu se concrétiser. L’arrivée des socialistes, nous l’espérons, entraînera des changements dans les relations franco-africaines.

Du côté de l’opposition, comment observez-vous les mutations au sein du parti au pouvoir ?

L’histoire du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, au pouvoir, Ndlr) est partie d’un Etat d’exception avec le Front populaire qui, par la suite, a évolué en un parti politique, l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail, Ndlr), puis CDP. Ce parti est né sur les cendres d’un pouvoir d’Etat. Je crois que la crise qui frappe le CDP est due à une grande déception après 25 années de gestion du pouvoir. La population est aujourd’hui déçue et apeurée. Dans les classements annuels du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement, Ndlr), nous faisons partie des derniers pays de la planète.

Il y a des contradictions internes au CDP et des guerres de positionnements individuels qui aggravent les clivages. Quand un parti vieillit, il devient comme un poids mort. Si ses responsables n’arrivent pas à créer les conditions démocratiques de mutations, de changements à l’interne, le parti meurt. Ce que je dis est aussi valable pour l’Unir/PS.

L’Unir/PS est-elle prête à accueillir les poids lourds du CDP, si ceux-ci demandaient à y adhérer ?

Avec beaucoup de plaisir ! Un parti d’opposition travaille à ramener dans ses rangs ceux de la majorité qui sont désabusés. Pour avoir la majorité, il faut accepter d’accueillir tout le monde dans son parti. Nos portes sont ouvertes à tout le monde.

On vous dit proche de l’ancien président du CDP, Roch Marc Christian Kaboré. Qu’est-ce qui vous rapproche tant ?

Peut-être nos visions de la démocratie. J’ai été parlementaire et j’ai travaillé à ses côtés comme député, président de groupe parlementaire et vice-président de l’Assemblée nationale. C’est un homme qui a de la retenue et qui est très attaché au débat démocratique. Si c’est pour cela que l’on nous dit proches, je ne vois pas où se trouve le problème.

Comment analysez-vous la percée de François Compaoré au sein du CDP ?

Il n’a pas fait de percée, il est à l’ombre de son frère. Il l’a toujours été du reste. N’oubliez pas qu’il avait été nommé conseiller à la présidence ; il n’a rien fait de personnel pour mériter la place qu’il occupe. Il est porté au dos comme un bébé par son frère. Il n’a jusqu’à présent pas déclaré d’ambition particulière.

S’il a l’intention d’hériter de son frère, je peux comprendre la révision constitutionnelle qui vise à créer un Sénat dont certaines personnalités sont nommées par le chef de l’Etat. Dans la nouvelle mouture que j’ai pu lire, il est dit que c’est le président du Sénat qui succède au chef de l’Etat en cas d’empêchement, alors que jusqu’à présent, c’est le président de l’Assemblée nationale. Le texte n’est pas encore passé à l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat souhaite que le président du Sénat soit le dauphin constitutionnel, en sachant que c’est lui qui nomme certains sénateurs. Il pourrait y nommer sa femme, son frère ou même sa fille… Les Burkinabè seront-ils d’accord ? C’est là la grande inconnue.

L’Afrique de l’Ouest est dans une tourmente sociopolitique grave. Que vous inspire la situation au Mali et en Guinée-Bissau ?

Il n’y a pas seulement que le Mali. En dehors du Ghana, et dans une moindre mesure du Bénin, la sous-région a connu des soubresauts. Le Burkina apparaît comme un havre de paix et offre même des médiations, ce n’est pas mauvais. Il faut craindre qu’à terme toute la sous-région ne s’embrase s’il y a une mauvaise appréciation des phénomènes.
Certaines positions de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, Ndlr) sur le Mali créent des clivages sur le terrain.

A moins que l’on ne considère ce pays comme un territoire annexé, on ne peut pas lui imposer un président si les Maliens eux-mêmes, dans un sursaut, une convention, proposent un scénario de sortie de crise. L’avenir de la Guinée-Bissau et du Mali se trouve entre les mains de la Cédéao qui prend un certain nombre de décisions rigides, comme par exemple imposer un embargo, une armée, parfois au mépris d’une bonne partie de la population qui est contre. Il faut un dialogue inclusif comme celui qui a permis à la Côte d’Ivoire de se ressaisir.

Faites-vous partie de ceux qui estiment que la médiation malienne est la médiation de trop pour Blaise Compaoré ?

Je récuse la médiation de Blaise Compaoré pour le Mali, il est suspecté de partialité. Il a placé des proches dans le gouvernement de transition et certains Maliens considèrent cela comme une annexion. C’est une médiation de trop. Il aurait dû laisser d’autres chefs d’Etat, qui ont moins de problèmes que le Burkina Faso, aider le Mali.

Au-delà du Mali, le président Blaise Compaoré est devenu l’incontournable « Monsieur bons offices » de la sous-région, qui réussit également à faire libérer des otages…

(Rires). C’est justement ce qui me paraît curieux. Comment le Burkina Faso arrive-t-il à atterrir avec ses hélicoptères dans un pays qui est coupé en deux, prendre du thé avec des islamistes sous des tentes, ramener tranquillement des otages sous l’œil des caméras et appareils photos ? Il doit y avoir des accointances entre Blaise Compaoré et Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique, Ndlr). Et c’est dangereux !
Ce qui divise les Bissau-Guinéens, c’est le trafic de drogue. Et là encore, ce sont les Burkinabè qui sont les premiers à y atterrir, alors que la loi autorisant le Burkina Faso à y envoyer des troupes n’était pas encore passée à l’Assemblée nationale. Cela nous met mal à l’aise. Nous sommes en droit de nous demander ce que ces « deals », appelés médiations, rapportent réellement au Burkina Faso.

Que faire pour que le Mali retrouve son intégrité territoriale ?

C’est une question complexe. Les Maliens affirment que si on leur permettait de se reconstituer dans la sérénité, ils pourraient reconquérir le territoire avec une aide logistique. Mais il y a la réalité des forces en place. Selon ce qui se dit, les forces islamistes ont de puissants appuis. Je ne sous-estime pas l’armée malienne, mais tant qu’elle ne sera pas unie, il lui sera difficile de reconquérir le territoire. C’est la raison pour laquelle certains demandent du secours. Mais il n’est pas sûr que ceux qui accourent aient le même patriotisme, le même désintérêt.
Quand on lit l’histoire du Mali, on se rend compte que le problème de l’Azawad ne date pas d’aujourd’hui.

Ce qui m’amène à m’interroger sur le rôle que l’impérialisme, français notamment, a pu jouer dans le tracé des frontières. La question des richesses naturelles complique davantage l’équation. Il faut pousser la réflexion, mais je reste convaincu que quelle que soit leur origine, les populations maliennes aspirent à vivre en paix. Ce sont des questions politiques qui doivent être résolues autour d’une table et non sous la menace de sanctions.

Comment jugez-vous l’action d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire ?

Ce sont les Ivoiriens qui sont les mieux placés pour en parler. Mais vu de l’extérieur, j’ai l’impression que la résistance du Front populaire ivoirien (FPI, parti de l’ancien président Laurent Gbagbo) entraînera des complications politiques. C’est un parti qu’il ne faut pas marginaliser, même s’il a été décapité. C’est un parti qui mobilise. Pour un pays qui sort d’un conflit, la première des urgences est d’apaiser les cœurs, faire taire les rancœurs entre voisins qui se sont combattus, avant même de parler de reconstruction.

Avez-vous l’impression, ou pas, que la réconciliation est en marche dans ce pays ?

Elle est en marche, mais péniblement. L’ancien président est entre les mains de la Cour pénale internationale, d’anciens dignitaires sont en exil, se cachent, ou croupissent en prison. Et si les enquêtes de la CPI remontent à 2002, comme cela a été annoncé, la liste risque de s’allonger. Dans un tel climat, il est difficile de réparer tous les torts commis, d’entreprendre une réconciliation, alors qu’il y a d’autres urgences. En un an, Le président Alassane Dramane Ouattara, de mon avis, a posé les jalons qui peuvent permettre à la Côte d’Ivoire d’espérer.

Comment y parvenir de manière durable ?

La démocratie me paraît être la seule formule magique dans ce genre de contexte. Jusqu’à présent, il y a encore des ethnies qui s’affrontent en Côte d’Ivoire. Il faut travailler à ce que les acteurs politiques puissent, dans une contradiction positive, dire ce qu’ils pensent pour le bien de la Côte d’Ivoire. Il faut le faire dans le cadre de la Cédéao. Le pays est sur la bonne voie. Il faut l’accompagner dans le sens de la crédibilisation et du renforcement de ses institutions.

Fallait-il livrer Laurent Gbagbo à la CPI ?

Livrer ? Je ne le sais pas. Mais je pense que si c’était vraiment une paix des braves que l’on voulait et non une justice des vainqueurs, c’était le colis de trop. Ce qui renforce le sentiment chez certains Africains que ce sont uniquement les dirigeants de leur continent qui sont livrés à la CPI, quand ils ne sont pas tout simplement assassinés chez eux comme l’a été Kadhafi.

Quel est votre regard d’avocat sur le fonctionnement de la CPI ? Les critiques qui accusent cette juridiction de traquer uniquement les Africains sont-elles fondées ?

A ma connaissance, des pays comme les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Statut de Rome qui a créé la CPI. Cela me pose problème que les gendarmes du monde, qui n’hésitent pas à déployer leur armada pour mater les pays indociles, refusent de se soumettre à ce traité. Il se trouve malheureusement que cette justice-là est saisie dans des conditions difficiles et qu’elle ne peut pas être actionnée par les citoyens, les organisations non gouvernementales. Ce qui donne l’impression que c’est la justice des forts. Ceux qui prennent le pouvoir à la suite d’un conflit s’empressent de déclarer une amnistie pour les uns et transférer les autres à la CPI.

En Afrique, au niveau de la Cédéao et de l’Union africaine notamment, nous avons des juridictions que nous n’exploitons pas. Mais il faut préciser que fondamentalement, je suis contre l’impunité. Je mets par contre l’accent sur la justice interne qui est performante lorsqu’il y a une bonne gouvernance. En attendant, je pense que le Statut de Rome mérite d’être relu pour plus d’équité dans les procédures.

Accordez-vous du crédit à la nouvelle procureure de la CPI, Fatou Bensouda ?

Elle a une belle expérience de La Haye. Mais l’arrivée d’une Africaine vient une fois de plus confirmer que la CPI est une affaire d’Africains. C’est ainsi que je le perçois. Les mandats lancés ne concernent que les Africains, parce qu’il y aurait des guerres partout sur leur continent. On ne cherche jamais à remonter jusqu’à ceux qui sont derrière ces conflits et qui en profitent. Ils ne sont jamais inquiétés. Celui qui l’est en revanche est celui-là qui, au nom de sa tribu ou d’une autre cause, aura pris les armes et aura perdu.

Comment jugez-vous les premiers pas de François Hollande à la tête de l’Etat français ?

Il a posé des gestes forts comme la réduction des salaires des ministres de 30%, la stricte parité hommes-femmes au sein du gouvernement… Nous avons une attention particulière pour le locataire du Quai d’Orsay, l’ancien Premier ministre Laurent Fabius. C’est un vieux de la vielle qui connaît bien l’Afrique, qui a servi sous François Mitterrand. Il a malheureusement côtoyé certains chefs d’Etat pas aussi blancs que cela.
Nous souhaitons que le nouveau président supprime la cellule africaine, comme promis, et fasse en sorte que les rapports entre la France et les pays africains soient des rapports d’égal à égal et de souveraineté. Ses premières visites ont été réservées à l’Allemagne et aux Etats-Unis, il fallait s’y attendre. L’Afrique ne semble pas être la préoccupation de François Hollande qui, semble-t-il, ne la connaît même pas. Au lieu d’attendre une main tendue, nous, Africains, devons prendre l’initiative d’exiger des rapports « gagnant-gagnant ».

Regrettez-vous Nicolas Sarkozy ?

Pas du tout ! Je souhaitais l’élection de François Hollande pour la simple raison que mon parti est d’obédience socialiste. Ensuite, vous savez que c’est avec Nicolas Sarkozy que nous avons découvert les djembés. Il n’a pas fait de la rupture comme il l’avait promis. Espérons que ce changement en France va apporter quelque chose de positif à l’Afrique. N’oubliez pas que c’est avec les socialistes que l’Afrique a connu, en 1990, à travers La Baule, le processus de retour à la démocratie. Le Burkina Faso en avait profité pour adopter sa Constitution, le 2 juin 1991.

Pour finir, on peut se demander, avec le Pr Ki-Zerbo « à quand l’Afrique » ?

L’Afrique, c’est pour tout de suite et maintenant !

PAR MORIN YAMONGBÈ ET DÉSIRÉ THÉOPHANE SAWADOGO

Fasozine

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Vos commentaires

  • Le 3 juillet 2012 à 03:09, par Big Brother (Echelon) is watching you En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    "Nous avons affaire à une armée corrompue, une armée d’affairistes dans laquelle des gradés se font du beurre sur le dos des soldats." dixit Me Sankara

    Je vous trouve un courage à la Thomas Sankara, teinté d’audace à la Norbert Zongo !

    — 

    Le titre de l ’interview reduit sa valeur(substance) de 60% ou dirige à cette pensée du Dr Ye Bongnessan sur RFI qui disait que : une opposition ne peut rester à attendre que le President vienne lui livrer son Fauteuil.

    • Le 3 juillet 2012 à 09:02, par Haligoga En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

      ME sankara vraiment dommage que politiquement parlant vous n’avez jamais été à la hauteur de l’opposant que attend la majorité des burkinabé. un opposant financièrement puissant et autonome , avec une carrure internationale connu au de la des frontières du pays. Pour moi votre statuts d’opposant m’apparait comme si le fauteuil état vide et en haut cadre que vous êtes vous l’avez occupé alors ayez l’intelligence et le courage de reconnaitre votre absence de carriérisme et faiblesse financière aussi et associez vous réellement avec des gens qu’il faut pour la bonne cause même en renonçant à votre poste de président( qui ne vous va pas ailleurs) ; la cause en vaut la peine non.
      cordialement Haligoga

    • Le 3 juillet 2012 à 15:02, par Madjer En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

      J’aurai aimé qu’il condamne la loi sur la retraite des deputés !

    • Le 3 juillet 2012 à 16:26, par walter En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

      Me, je vous aime !! mais je vote pas a cause de vos barbre !! vraiement !!! si vous pouvez vous raser et resté beau, vous aurez plus de votant je suis sure !!!!!!!!!!!!!!!!!!

  • Le 3 juillet 2012 à 07:20 En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Il parle bien, mais on a l’impression qu’il ne veut fâcher personne, il pèse bien ses mots pour éviter d’être attaqué sur ces dires, j’ai envie de vous dire que c’est de la manipulation. Vu également son passé dans l’affaire Sofitex, il est normal que Blaise C. ,éprise une telle opposition.
    Je pense aussi que l’opposition tout comme le CDP est guidée par des vétérans qui y sont depuis de très nombreuses années, parfois aussi longtemps que le Président est au pouvoir, il faut donc du changement dans les deux groupes. Si vous voulez de la crédibilité, renouveller vos dirigeants aussi en signe de démocratie, comme l’a fait Laurent B.
    A quand le changement dans cette opposition, pour qu’un nouveau souffle puisse naître avec l’espoir d’apporter avec lui une forme de crédibilité.
    Si beaucoup se sont abstenus aux dernières élections présidentielles, c’est que l’opposition est perçue comme un pantin de l’opposition en place. Beaucoup d’entre eux, prennent des pots avec le Président, discute amicalement et après proclamme être contre le Président.
    De plus, si vous voulez vous opposez au gouvernement =, il serait intéressant de mener des débats ouverts sur des chaînes de télévisions, ils n’en manquent pas au Burkina Faso, face à face avec les représentant du gouvernement en place.
    Si vous démontrer que vous avez raison, vous serea crédible, parler de manière unilatéral comme ceci, n’a aucun effet sur votre crédibilité.
    Montrez à tous que vous êtes ceux qu’il faut pour ce pays en montrant vos compétences et en montrant le manque de compétences du partis en place, des critiques partielles comme ceci, ne vous honnore pas. On croirait voir des querelles d’enfants, du type un tel à fait ça je ne suis pas d’accord, il aurait dû faire ça... en critiquant dans le dos. Allez de face, faites du changement aussi chea vous et peut-être nous vous accorderons plus de crédit et le Président peut-être aussi.
    Sinon critiquez dans le dos de vos adversaires et on vous considèrera toujours comme lâches, en références à votre incapacité à faire face aux problèmes. Apportez des solutions et démontrez leur bon sens est bien plus constructif que critiquer. Cela conviendrait plus à un esprit de démocratie car alors vous pourrez obtenir plus d’électeurs en captant leur attention.
    Ceci est juste un avis, qui j’espère inspirera certains.
    Bonne journée à tous !

    • Le 3 juillet 2012 à 09:57, par Sad En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

      Monsieur le donneur de leçons, vs vs fais quoi pour améliorer la démocratie ici au Faso ? Me SANKARA lui agit tous les jours malgré les coups qu’ils reçoit pour mettre les bâtons dans ses roues. Vous êtes chaque fois pressé de traiter les opposants de vendus, de souper avec le régime en place, quelles preuves avez-vous ? C’est juste que vous êtes plus animés par une envie de salir les noms de vaillants lutteurs au lieu de les accompagner dans leur lutte. Agissez comme eux et vous comprendrez d’abord le fardeau que ces opposants portent sur eux et vous serez aussi utiles pour la communauté. à moins que vous ne soyez téléguidés par les hommes du régime pour divertir l’opinion publique.

  • Le 3 juillet 2012 à 07:58, par Le Zoung En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Quand tu vas avoir ton pouvoir, il faut aimer ton opposition. En attendant, tu aimes BC ? Blablablablabla.......

  • Le 3 juillet 2012 à 09:43, par El présidenté En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    "Je raserai ma barbichette lorsque mon épouse la trouvera laide".
    je suppose osi que quand tu sera président tu gouvernera le pays selon les humeurs de ta femme.

  • Le 3 juillet 2012 à 12:48, par Béog-biiga En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Blaise C. méprise tous ces concitoyens. Même les gourous du CDP le savent bien. Il ruse avec chacun d’eux jusqu’au jour où il n’a plus besoin de toi. Laurent Bado, Rock, Salif,etc. ne vous diront pas le contraire.
    Blaise C. déroule le tapis aux opposants d’ailleurs (même les plus comiques) mais n’acceptera jamais qu’un pays héberge son opposant.
    Quant à toi l’auteur anonyme du poste n°2 qui parle de l’affaire SOFITEX, ou bien tu es sous-informé (parce que depuis longtemps maintenant, on sait que ce dossier a été manipulé par le régime), ou bien tu es un agent du système planqué derrière ton clavier. Si tu es dans le second cas, sache que Blaise C. te méprise malgré ce que tu fais pour lui.

  • Le 3 juillet 2012 à 13:17 En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Plutôt l’affaire Faso Fani, veuillez bien m’excuser

  • Le 3 juillet 2012 à 13:36, par le candidat En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Si Blaise COMPAORE méprise son opposition, c’est parce que cette dernière ne joue pas son role et qu’elle le mérite. Regardez les scores des deux dernières présidentielles dans notre pays.

    Une opposition aussi dispersée que celle-là ne peut que donner la force au CDP. En plus, il serait important qu’il y ait de l’aternance au niveau du CFOP car les choses évoluent.

  • Le 3 juillet 2012 à 13:40 En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    et vous ? soyez donc l’opposant ideal dont vous faites allusion ! vous critiquez aussi seulement ! c’est la chose la plus facile qui soit ; ou alors le courage vous manque ?

  • Le 3 juillet 2012 à 16:09, par Joseph En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Suis sans titre,grade et fonction(comme chef de file de l’opposition par exemple) mais suis sidéré d’entendre dire que François COMPAORE évolue sous l’ombre de son frère.Comme qui dirait que Me Bénéwendé est Sankariste par ce qu’il se nomme SANKARA.François avant d’être frère du Président est tout de même un citoyen de ce pays,ayant ses peines,ses joies et ses ambitions. Certains penseraient même que c"est un ignare, un vaurien qui a eu la chance d’avoir un frère président !Qu’ils se détrompent car ce monsieur a fait de grandes études,était déjà ingénieur avant que son frangin ne soit président.De quoi je me mêle quand Ségolène ROYAL veut être présidente de l’assemblée nationale, quand Me Hermann YAMEOGO veut être président de la République ? Merci de me rappeler que l’une est le père des enfants du président de la République française et l’autre, le fils de l’ancien président du Burkina (la Haute Volta de naguère) mais est ce que cela est important ? Je vois une française et un burkinabè qui ont de l’ambition pour leurs pays.

  • Le 3 juillet 2012 à 17:52, par Joseph En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    "On appelle éphémères ce qui se laisse manger !" Me SANKARA glapit de joie tout chef de file de l’opposition qu’il est,que son institution a fait avancer la démocratie et il en a la pleine et entière conviction !Cependant il ne sait pas ce que les médiations du Président du Faso rapporte au Burkina !Il récuse même sa médiation au Mali bien celui-ci ait été désigné par ses pairs ! En effet il ne s’est pas battu comme un chiffonnier avec ses pairs pour être médiateur comme certains l’ont fait pour être chef de file de l’opposition "machin". A quel titre récuse t-il la médiation ? Avocat ? Chef de file de machin ? Pour récuser il faut être partie ou avocat des parties. Il peut appeler "deals" ces médiations parce que son enfant n’a pas encore été kidnappé et sa famille ne vit pas les affres des populations réfugiées (je ne lui souhaite pas de vivre ce calvaire). Me, bien que je sois sans titre,grade et fonction, à votre interrogation de savoir ce que gagne le Burkina dans ces médiations,je réponds sans ambages qu’elles nous apporte la sécurité et la reconnaissance. En effet bien que le Burkina ne soit pas une place forte sur le plan diplomatique,les médiations du Président du Faso lui permettent d’être sur la carte,"mapping" auraient dit les anglo-saxons.

  • Le 3 juillet 2012 à 18:40, par drangwell En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Si vraiment tu agissais comme tu parle , je serai de ton bord mais reconnaissons que tu exagère souvent sans calcul ni apport réel a notre démocratie et tu était trop allé loin avec ton "Blaise dégage" qui me reste antidémocratique malgré tes explications ici. Si tu veux le pouvoir il faut beaucoup te battre et dans la clarté

  • Le 4 juillet 2012 à 00:11, par Reve olution En réponse à : Me Bénéwendé S. Sankara : « Blaise Compaoré méprise son opposition… »

    Ca c’est sur que Blaise ne respect pas son opposition en vous decretant vous : « chef de fil de l’opposition » quelqu’un qui n’est meme pas fichu d’aller voter pour lui et qui laisse son electorat orphelin, ce jour la au lieu de voter pour vous j’aurai mieux fait de voter harba Diallo le seul vote de progres ce jour la ! Jh

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