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Rio+20 : « Nous syndicalistes sommes déçus des conclusions des travaux »

Publié le mercredi 27 juin 2012 à 23h36min

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Du 20 au 22 juin 2012 s’est tenue à Rio de Janeiro, au Brésil, la Conférence des Nations Unies sur le développement durable. 20 ans après la tenue dans la même ville du premier sommet, les dirigeants du monde et des acteurs de la société ont évalué le chemin parcouru dans la mise en œuvre des recommandations et prendre de nouvelles résolutions pour les années à venir afin de préserver l’environnement. Présent à cette rencontre pour le compte des Organisations syndicales, Abdoul Karim Ouédraogo, coordinateur de l’Internationale des travailleurs du Bois et du Bâtiment pour l’Afrique francophone, tire dans cette interview le bilan de la participation de syndicats. Il parle aussi des attentes du monde des travailleurs de cette Conférence.

Qu’attendiez-vous de la Conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20 en allant au Brésil ?

La confédération internationale syndicale et les fédérations internationales syndicales ont tenu, à deux jours avant les travaux officiels de la Conférence, une assemblée générale afin d’accorder leur violon sur les propositions à déposer sur la table des chefs d’Etat. Car notre objectif était de porter la voix des acteurs du monde du travail lors des discussions sur le développement durable. Selon la définition que les Nations unies donnent au développement durable, il implique trois volets que sont l’économie, l’environnement et celui social. Ces trois piliers doivent se tenir afin que le développement soit durable et stable.

Mais nous nous sommes rendu compte, 20 ans après la tenue du premier sommet de Rio, qu’il n’y a pas trop d’avancée dans la création des emplois décents et la sécurité sociale des travailleurs. La situation s’est même empirée avec la crise économique de 2008. Ce qui fait que le taux d’emplois est actuellement à 60,3% au niveau mondial. Du début de la crise à nos jours, il y a 50 millions d’emplois qui ont été détruits. Le chômage des jeunes a connu une hausse de 80% dans les économies développées et de 2/3 dans les pays en développement comme le Burkina Faso.

La principale préoccupation du mouvement syndical est l’emploi. Il faut donc qu’on recouvre tous les emplois perdus et en créer de nouveaux afin de permettre à tout le monde d’être salarié. Nous sommes donc allés formuler des propositions concrètes aux chefs d’Etat dans le domaine de la création des emplois et de la protection des travailleurs.

De façon concrète, quelles sont les propositions que vous avez soumises aux chefs d’Etat ?

L’assemblée générale des syndicats, qui s’est tenue les 10,11 et 12 juin dernier, s’est achevée par une déclaration en dix points portant sur le travail décent et la sécurité sociale des travailleurs. Parce que nous devons pouvoir vivre dignes de ce que nous faisons. Notre travail doit également nous protéger physiquement et socialement. Car selon l’Organisation internationale du travail (OIT), environ 2,2 millions de travailleurs perdent la vie, chaque année, en accomplissant leur tâche. 270 accidents du travail et 160 millions de maladies sont également enregistrés chaque année. Tous ces accidents de travail font perdre 4,4% du Produit intérieur brut (PIB) mondial. Nous avons demandé que les chefs d’Etat prennent un engagement concret sur cette question dans leur déclaration finale.

Nous avons aussi demandé qu’ils prennent des engagements pour la création d’emplois verts. On a parlé d’économie verte, il va falloir créer des emplois verts qui assurent une protection efficace de l’environnement. Il ne sera plus question de créer des emplois pollueurs. Même les industries doivent être contraintes à protéger l’environnement.

A Rio de Janeiro, nous avons aussi demandé l’application d’une taxe sur les transactions financières pour la création des emplois verts. Quelqu’un qui achète de l’essence aujourd’hui paie des taxes. C’est la même chose lorsqu’il achète son repas ou autre chose. Alors qu’il existe des transactions de grosses sommes d’argent (des milliards) qui échappent au fisc dans le monde. Nous avons donc souhaité qu’on applique la taxe Robin afin de collecter des fonds pour financer le développement durable.

Avez-vous réussi à vous faire entendre de cette rencontre ?

La Conférence des Nations unies draine du monde et chacun vient défendre son point de vue. Les participants sont classés par groupes. Vous avez les majors groups composés des Organisations non gouvernementales (ONG), les environnementalistes, les femmes, les jeunes, les minorités, etc. Chacun est venu pour exiger des chefs d’Etat la prise en compte de leurs préoccupations. A ces rencontres, ces groupes majeurs font des concertations en marge de la Conférence afin d’influencer les négociations qui se mènent. Parce que les négociateurs des pays participants, prennent à ces concertations dans l’optique d’amener aussi les autres à les suivre dans leur position. Par exemple, au niveau des syndicats, nous avons reçu l’ambassadeur de la France chargé de l’environnement et du développement durable auprès des Nations unies qui nous a expliqué la politique française en matière de développement durable et la vision de la France pour le monde en matière de développement durable. Nous avons donc essayé l’amener à porter nos points de vue lors des discussions.

Avez-vous l’impression d’avoir été suivis par les chefs d’Etat ?

Malheureusement nous avons été déçus de la déclaration finale parce qu’elle ne donne aucun engagement ferme sur les actions à mener. On nous dit qu’on veut tendre vers un développement durable mais on veut une transition juste sans aucun agenda. Cela, parce que les chefs d’Etat n’ont pas voulu prendre des engagements chiffrés sur lesquels on va leur demander des comptes. Cette situation est encore regrettable au niveau des grandes puissances. Seul le président français a pris part aux travaux. Tous les autres étaient absents. Cela est un signe de négligence. Mais ils oublient qu’on ne peut pas atteindre le développement en occultant le volet social.

Quel pourrait être le rôle des Organisations syndicales dans la mise en œuvre de la transition juste préconisée par les chefs d’Etat ?

Nous devons veiller à ce que la transition juste ne se fasse pas sur notre dos. Si nous laissons les débats entre les seules mains des politiques, nous n’allons pas contribuer à sauver nos emplois et à préserver notre avenir.

Le Burkina connait actuellement un boom minier. Ce boom minier devait être accompagné de la création d’emplois décents (sécurité sociale et rémunération juste des travailleurs). Mais cette situation risque de ne pas avoir lieu si les gouvernants n’associent pas les organisations de la société civile et les syndicats.

Les Organisations syndicales représentent une marge des Organisations société civile (OSC). Les syndicats jouent un rôle moteur qui peut garantir la crédibilité des OSC parce que nous représentons des gens qui sont visibles : les travailleurs. Mais vous conviendrez avec moi que certaines OSC sont téléguidées par des partis politiques ou de structures qui parlent au nom d’entité qu’on ne voit pas. C’est en cela que nous pensons que les syndicats ont un rôle capital à jouer dans cette transition juste, ne serait-ce que par la représentation des travailleurs et la défense des intérêts de ces derniers.

Au niveau du Burkina, il n’y a pas eu une grande communication au tour de la Conférence des Nations unies sur le développement durable alors que c’est l’une des rencontres où les différents acteurs discutent ensemble pour trouver des solutions. Surtout que Rio+20 a eu la particularité d’offrir la possibilité aux OSC d’accéder à la salle des discussions même si elles n’avaient pas droit à la parole. Cela est une avancée à mon avis car on a tjrs voulu que ceux qui prennent les décisions le fassent en tenant compte des aspirations des peuples.

Jacques Théodore Balima

Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 28 juin 2012 à 12:20, par Dosard En réponse à : Rio+20 : « Nous syndicalistes sommes déçus des conclusions des travaux »

    Merci LARIOS,
    Oui vous êtes déçus par les conclusions des travaux de Rio+20 mais cette déception doit impulser davantage votre ardeur dans la lutte pour le développement durable, pour un monde meilleur. Te connaissant je sais que tu n’es pas de nature à baisser les bras.
    Bon courage !

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