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Démocratie en Afrique : Barack Obama met le doigt sur la plaie

Publié le mardi 19 juin 2012 à 01h35min

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Renforcer la sécurité et la démocratie en Afrique. Tel est l’objectif avoué de l’administration Obama pour faire utilement face aux périls qui menacent le continent, avec l’expansion d’Al-Qaïda d’une part, et l’offensive économique chinoise, d’autre part. En dévoilant, jeudi dernier, sa stratégie en faveur du développement de l’Afrique, le chef de l’Exécutif américain, Barack Obama, reste dans la droite ligne de son mémorable discours d’Accra, en juillet 2009.

Cela fait maintenant presque trois ans que le président américain, lors de sa première sortie sur le continent noir, s’est adressé aux Africains du haut de la tribune du Parlement du Ghana. Barack Obama avait alors, on s’en souvient, fort justement indiqué, en substance, que l’Afrique a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts. La conviction du chef de l’Exécutif américain était donc faite que pour aller de l’avant, l’Afrique et les Africains devaient changer leur rapport au pouvoir politique, en donnant plus de moyens et de force à leurs institutions qui, elles, doivent affirmer toute la mesure de leur autorité pour préserver nos nations des dérives qui ont notamment émaillé nos processus démocratiques, toujours fragiles.

On peut constater que le président américain est resté constant dans sa vision, trois ans après. Ainsi, la nouvelle stratégie américaine en faveur du développement de l’Afrique se focalise-t-elle sur quatre points interdépendants : « Renforcer les institutions démocratiques, stimuler la croissance et les investissements, donner la priorité à la paix et la sécurité et promouvoir le développement. » Déjà, Barack Obama a marqué sa différence en focalisant son action en Afrique sur le renforcement des capacités des leaders, des jeunes et de la société civile, afin d’« approfondir les principes de la démocratie et des droits de l’Homme, élargir les possibilités économiques et soutenir ceux qui recherchent la paix là où les communautés souffrent de la guerre et des privations ».

Au moment où Al-Qaïda « cherche à s’implanter du Mali à la Somalie », les Etats-Unis semblent décidés à prendre une part plus active dans la lutte contre les périls de déstabilisation d’une grande partie du continent, déjà assujetti à la misère et aux conflits. « Encourager le potentiel économique sensationnel du continent en matière de croissance afin de tirer des millions d’Africains de la pauvreté » passerait donc aussi, dans la stratégie de la Maison Blanche, par des actions déterminantes pour assurer la bonne gestion des processus démocratiques en cours sur le continent, du reste agonisants depuis les crises sociopolitiques simultanées au Mali et en Guinée-Bissau notamment.

Aussi, tout en affirmant que « l’Afrique est plus importante que jamais pour la sécurité et la prospérité de la communauté internationale et pour les Etats-Unis en particulier », Barack Obama pose à nouveau un diagnostic sans complaisance sur cette Afrique politique qui jongle avec les institutions, ruse avec le pouvoir, et joue avec son développement socioéconomique. « Si de nombreux pays du continent ont avancé à pas de géant dans la voie de l’élargissement de la participation politique et de la réduction de la corruption, il reste encore plus à faire pour garantir l’honnêteté des processus électoraux, l’existence d’institutions transparentes capables de protéger les droits universels ainsi que la fourniture et la protection de la sécurité et des biens publics », martèle ainsi le président américain.

Un constat qui ressemble fort bien à une injonction à changer rapidement la donne et, sans doute, un avertissement sans frais à… « ceux qui veulent faire dérailler le processus démocratique ». Là-dessus, affirme Barack Obama, « les États-Unis n’entendent pas demeurer impassibles quand des acteurs menacent des gouvernements légitimement élus ou qu’ils manipulent l’impartialité et l’intégrité des processus démocratiques ». Dont acte.

Reste à savoir si les apprentis sorciers du mal-vivre africain, qui aiment si bien chanter en chœur que « le chien aboie, la caravane passe… », auront enregistré l’injonction et retenu la leçon. Reste également à savoir si ce coup de maillet de la Maison Blanche version « Obama-l’Africain » contribuera à faire véritablement bouger les choses sur le continent, au-delà d’intérêts américains légitimes ou intéressés, réels ou supposés, dans un contexte où l’offensive économique chinoise en Afrique brouille sérieusement la pérennité de certains marchés occidentaux.

Au surplus, et si l’on est bien d’accord pour reconnaître avec Barack Obama que « les institutions solides, responsables et démocratiques, soutenues par un profond attachement à l’État de droit, renforcent la prospérité et la stabilité et elles sont davantage en mesure de limiter les effets des conflits et d’assurer la sécurité », on se demande bien jusque à quand il va nous falloir ruminer notre impuissance avant que l’élégance des mots ne rime enfin avec l’élégance des actes.

En tout état de cause, Barack Obama, et d’autres avec lui, ont déjà le mérite de mettre le doigt sur la plaie. Il faut espérer que la conjugaison de paroles de poids et d’actes de référence finiront par mener à l’indispensable construction d’une véritable culture de démocratie et de développement en Afrique, par les Africains et pour les Africains, en irréversible connectivité avec le monde.

SERGE MATHIAS TOMONDJI

Fasozine

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