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Ablassé Ouédraogo, président de “Le Faso Autrement” : “Le CCRP est un coup d’épée dans l’eau”

Publié le vendredi 15 juin 2012 à 03h04min

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Mieux connaître L’Obs. et les acteurs qui sont derrière le quotidien, c’est là le leitmotiv de la visite des responsables du parti “Le Faso Autrement” au siège du journal, le mercredi 13 juin 2012. Familier de L’Observateur paalga, qu’il connaît depuis ses débuts, le président du parti, Ablassé Ouédraogo, s’est dit émerveillé par la force de la continuité, la qualité de l’information, l’objectivité, la diversité qui caractérisent le doyen des quotidiens burkinabè. Cette visite a été également l’occasion pour évoquer avec la Rédaction, la vision de Le Faso Autrement, les réformes politiques enclenchées, les médiations burkinabè et bien d’autres points de l’actualité.

Comment se porte votre parti ?

• Objectivement, nous sommes au-delà de ce qu’on espérait au moment où nous obtenions du MATDS notre récépissé le 12 septembre dernier parce que nous avons eu beaucoup de chance : si les élections couplées avaient eu lieu au mois d’avril ou de mai, là ça allait être difficile pour nous, mais comme c’est reporté au 2 décembre, nous avons eu beaucoup de temps pour nous organiser et nous voulons implanter le parti, je dirais, sur au moins les 2/3 du territoire national. Nous, nous voulons une couverture nationale parce que nous pensons que l’année 2012 va être celle du top de départ du changement et de l’alternance. Si nous arrivons avec des représentants au niveau de l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux, certainement que cela va faciliter le travail sur le terrain dans le cadre des préparatifs pour l’élection présidentielle de 2015.

Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous avons développé des initiatives pour implanter le parti dans les 4 coins du Burkina Faso. Nous faisons actuellement des sorties sur le terrain parce que notre concept du développement, c’est aller dans les villages, savoir quelles sont les préoccupations des populations et quelles sont les solutions qu’ils envisagent pour résoudre leurs problèmes ; et à partir de là, on les accompagne.
Jusque-là, nous prônons le développement de haut en bas, parce qu’il y a des cadres qui sont assis dans les bureaux climatisés dans la capitale ou dans les grandes villes et qui imaginent le développement sans demander l’avis des populations. Aujourd’hui, il nous faut faire le développement autrement et imaginer d’autres forces de développement parce que le monde a changé, le Burkina a changé, les Burkinabè ont changé.

Nous, au parti “Le Faso Autrement”, nous disons qu’il faut un développement partagé, des progrès partagés, une croissance partagée et c’est ce qui va entraîner la paix et la stabilité durables pour le Burkina.

L’actualité politique burkinabè concerne la décision de mise en place du Sénat et de la loi d’amnistie des anciens chefs d’Etat. Quelle appréciation en faites-vous ?

• Au moment où les travaux du CCRP se déroulaient, le parti n’existait pas encore, mais comme nous l’avons dit, nous considérons que le CCRP et ses résultats, c’est un coup d’épée dans l’eau. Le Burkina Faso n’a pas besoin de réformes institutionnelles en tant que telles aujourd’hui, le Burkina Faso a besoin de développement. Les institutions qui existent aujourd’hui peuvent faire fonctionner à merveille notre pays, il suffit seulement qu’on accepte de mettre les femmes et les hommes qu’il faut. Aujourd’hui, beaucoup de responsables ne sont pas à leur place et c’est ce qui fait qu’on est obligé de recourir à d’autres subterfuges pour dire que nous essayons d’améliorer notre démarche.

Par rapport à la mise en place du Sénat, à la loi d’amnistie et tout ce qui a été décidé le lundi 11 juin 2012 à l’Assemblée nationale, nous, nous disons qu’on n’avait pas besoin du CCRP et de toutes les dépenses qui ont été accumulées pour simplement présenter ces projets de lois. Au jour d’aujourd’hui, le Burkina Faso n’a pas besoin de multiplier les institutions, nous n’avons pas les moyens : la famine est là, il n’y a pas d’eau, il n’y a pas d’éducation, il n’y a pas de santé. On devrait penser au plus grand nombre de Burkinabè au lieu de penser au plus petit nombre, c’est-à-dire créer des emplois pour les copains et les coquins. Nous disons que ce Sénat, c’est simplement pour recaser certains amis qui vont certainement quitter d’autres emplois. Mais nous disons qu’ils ont suffisamment vécu sur le dos de la population, ils devraient essayer de vivre d’eux-
Le Sénat n’est pas utile à l’étape actuelle de développement de notre pays.

Nous comprenons que la loi d’amnistie est le prix à payer pour que le président Compaoré sorte dignement, la tête haute et dans la paix à la fin de son mandat.
Quand on regarde la loi d’amnistie, les anciens chefs d’Etat sont protégés jusqu’à la date de son adoption. Maintenant, le président Compaoré est au pouvoir jusqu’au 15 novembre 2015, comment vous allez couvrir cette période-là ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’on reproche aux anciens chefs d’Etat ? Jusque-là, personne ne leur reproche quelque chose. Est-ce qu’il y avait une véritable raison de voter une loi d’amnistie si ce n’est pas simplement pour garantir au président Compaoré, qui est en exercice, une sortie digne et honorable.

Si c’est ça le prix à payer, nous nous souscrivons mais il y a une difficulté, car il y a encore une partie de son mandat qui n’est pas couvert.
Sincèrement, on a d’autres préoccupations au Burkina Faso et la question fondamentale, c’est le développement. Tous les arrangements politiques qui sont en cours, c’est pour arranger des individus, mais quand on parle de développement, c’est pour l’entièreté de la population. Tout l’argent qu’on a dépensé pour les travaux du CCRP, on aurait pu prendre cela pour investir dans des puits et des barrages, et comme on est en année de famine, on aurait pu utiliser cet argent pour acheter des vivres et la population remercierait pour autant les autorités.

Il y a aussi la question de la constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle...

• Vous avez bien dit constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle ? Mais la chefferie traditionnelle existe d’elle-même, est-ce qu’on a besoin de la mettre dans une constitution ? Je ne pense pas que ce soit réaliste. De toute façon, si vous voulez moderniser la gestion traditionnelle du pouvoir, vous allez amener simplement des épines dans l’eau.

Quand vous êtes né dans une famille royale et que vous êtes l’aîné, vous devenez automatiquement le chef alors qu’actuellement on parle d’alternance à l’Assemblée nationale, vous voulez qu’on fasse l’alternance maintenant au niveau de la chefferie traditionnelle ? A mon avis, ce n’est pas clairvoyant comme loi, les chefs traditionnels ont toujours existé, et nous les respectons en tant que tels et ils ne se plaignent pas.
Pourquoi voulons-nous être plus royalistes que le roi.

La prochaine législature comptera une quinzaine de députés en plus. Quel est le bien-fondé de cette disposition selon vous ?

• C’est très simple à mon avis, cette augmentation a été faite pour équilibrer parce que vous avez des provinces où il n’y avait qu’un député et avec l’augmentation, chaque province aura un minimum de deux. C’est un calcul facile qui ne tient pas compte, malheureusement, de la densité de la population.
L’un dans l’autre, ça va entraîner des coûts, mais si on veut avoir une représentation nationale, large et qui prend en compte toutes les composantes de la population, nous sommes d’accord.

Quels rapports entretenez-vous avec vos anciens camarades du CDP ?

• Quels anciens camarades ? Mais voilà mes camarades (rires en montrant ses collaborateurs).
Je suis Burkinabè, je n’ai pas d’ennemi. La politique n’est pas une question de confrontation de personnes mais d’idées, à tel point que je continue de fréquenter tous ceux que j’ai fréquentés avant. Je ne fais pas la politique parce que je n’aime pas telle personne mais parce que j’ai des idéaux et des idées que je veux faire avancer. Mes amitiés, mes relations restent les mêmes jusqu’au niveau du chef de l’Etat.

Parlant d’anciens camarades Cdpistes, parlons de Zéphirin Diabré qui, aujourd’hui, évolue avec l’UPC. Est-ce une relation de complémentarité ou d’opposition entre vous ?

• Je connais bien Zéphirin Diabré qui est plus jeune que moi. On était au gouvernement ensemble, lui il gérait le ministère des Finances et moi le portefeuille des Affaires étrangères. On se connaît. On est des anciens collègues. Il se trouve que chacun a fait son bonhomme de chemin. Dieu a voulu que lui, il crée, il y a deux ans, l’UPC et que mon destin m’amène à créer “Le Faso Autrement” le 12 septembre dernier. Nous, nous prônons le rassemblement de tout le monde. C’est pour cela que nous pensons qu’à un moment ou à un autre, beaucoup d’acteurs politiques du Burkina vont se réunir pour former une plate-forme. On ne gère pas le pays individuellement, il faut un mouvement collectif. Il y aura donc certainement un moment où Dieu fera qu’on soit obligé de s’asseoir, Zéphirin et moi, pour parler d’alternance parce que là au moins, on a un objectif commun qui est de travailler pour l’alternance. Et en cela, je le félicite pour ce qu’il est en train de faire comme travail sur le terrain.

Venons-en maintenant à la diplomatie qui n’est pas un domaine inconnu pour vous.
Ces derniers temps, on a vu le président du Faso s’engager dans des médiations. Qu’en pensez-vous ?

• Ce qui est étonnant, c’est que chaque fois qu’il y a un conflit quelque part, on court pour demander la médiation du Burkina. C’est vrai que quand la case de ton voisin brûle, tu dois l’aider à éteindre l’incendie ; mais pour nous, ça devient trop. La médiation du président Compaoré au Mali, c’est la médiation de trop dans sa carrière. La médiation c’est un art, une science, parce que ce n’est pas un travail à temps partiel. Et pour ce qui est de la gestion de l’Etat, les Burkinabè ont élu le président Compaoré pour s’occuper des affaires du Burkina Faso et nous considérons que le travail du président du Faso n’est pas non plus à temps partiel. Quand vous menez deux activités que vous ne pouvez pas gérer en même temps, il faut faire des choix. Et nous pensons que le président Compaoré gagnerait en efficacité en choisissant une de ces fonctions. S’il veut être médiateur international et se mettre au service des Nations unies, de l’Union africaine, de la CEDEAO et des autres structures qui peuvent solliciter ses compétences, mais qu’il se consacre à cette activité en faisant comme nous tous : ouvrir un cabinet et les gens vont venir le solliciter.

Mais si c’est la fonction de président du Faso qui l’intéresse, notre pays a tellement de problèmes actuellement, nous disons qu’il ne s’intéresse pas trop au Burkina actuellement. Nous avons la famine, l’inflation, le manque d’eau, les problèmes de santé, d’éducation qui préoccupent la population. Quand vous avez un peuple qui n’arrive pas à manger une fois par jour, vous ne pouvez pas le laisser et aller ailleurs.
Par rapport au Mali, il y a beaucoup de non-dits et comme nous le sentons même au sein de la CEDEAO, il y a des dissensions. Et ce qui est très inquiétant c’est que ce soit le Burkina qui aille toujours libérer les otages. C’est un jeu dangereux parce que nous n’avons aucune relation avec AQMI et les autres, et tout le monde connaît leur extrémisme. Tant que les choses se déroulent normalement le pays est protégé. Mais le jour où il y aura un couac, ils pourraient nous donner une leçon et ce sont des pauvres innocents qui risquent d’en pâtir.

Propos recueillis par Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 15 juin 2012 à 10:22, par Le Primairien En réponse à : Ablassé Ouédraogo, président de “Le Faso Autrement” : “Le CCRP est un coup d’épée dans l’eau”

    Mr A. OUEDRAOGO, si vous êtes un intellectuel sérieux et capable, il faut commencer d’abord comme Dr Bernard Lédia OUEDRAOGO. C’est à dire créer une ONG, aider vos parents pauvres à sortir de la misère et le reste viendra sans tapage médiatique. Sinon, votre Faso Autrement là sera aussi un coup d’épée dans l’eau.

  • Le 15 juin 2012 à 11:02, par rodriguez En réponse à : Ablassé Ouédraogo, président de “Le Faso Autrement” : “Le CCRP est un coup d’épée dans l’eau”

    Ablassé a tout dit ; vraiment ! pour moi en tout cas le choix est clair : lorsque deux enfants se noient dans une piscine, mon instinct me ferait sauver le MIEN d’abord. puis ensuite s’il n’est pas tard, je penserai à l’autre infortuné. c’est pas de l’égoisme ; c’est juste la nature qui veut ça !
    que Blaise s’occupe entièrement de son peuple le reste de son mandat. on ne lui demande pas trop ; qu’il s’occupe juste de nous pendant 3 des 25 ans passées au pouvoir.

  • Le 15 juin 2012 à 14:37, par Au Courant des faits En réponse à : Ablassé Ouédraogo, président de “Le Faso Autrement” : “Le CCRP est un coup d’épée dans l’eau”

    Voici la petite histoire pour ceux qui ne le savent pas.Ablassé Ouédraogo voulait revenir au gouvernement pour occuper un poste de Ministère du développement qui absorberait le ministère de l’économie et des Finances.Comme il n’a pas eu gain de cause et ne voulant pas rester à l’ombre de la scène politique nationale en tant que One man show, il a décidé de créer un parti.Actuellement beaucoup de militants de son parti sont déçus de lui.Car il se fait très avare et ne veut même pas donner des frais de carburants à des responsables de sections du parti pour effectuer les tournées de mobilisation sur le terrain.Pire, il insiste à ce que les militants payent des frais d’adhésion avec des cartes de membres.Il comprend très mal la politique au Faso et ne pourra aller loin avec cette mentalité alors qu’il passe le temps à chanter le développement partagé sans partager réellement lui même avec ses propres militants n’en parlons pas des autres.Vous verrez qu’aux prochaines élections , les partis qui pourront rivaliser sérieusement avec le CDP seront l’ADF/RDA, l’UPC ...les Ablassé et autres marchands d’illusions seront désillusionnés.

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