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GESTION DES FONDS PUBLICS : Wade pris à son propre piège

Publié le jeudi 14 juin 2012 à 03h53min

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L’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, dit avoir acquis l’essentiel de ses biens avant son arrivée au pouvoir. En début de semaine à Dakar, il a trouvé utile de revenir, point par point, sur les biens qui lui ont été attribués ces derniers temps par certains sites Internet sénégalais. En dehors de son seul compte à la société générale Malesherbes Paris, Wade dit ne posséder aucun autre compte en banque à l’étranger. S’agissant d’autres biens, il précise que la permanence appartient au Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation politique qu’il a créée. Certains véhicules également, mais d’autres portent son propre nom, pour éviter, selon lui, que le parc auto de sa formation puisse être divisé en cas de dissidence.

Pourquoi cette levée de boucliers de Wade ? Si le débat se fait intense autour de ce dossier, c’est du fait des excès de l’entourage de Me Wade. Durant ses deux mandats, l’ancien chef de l’Etat n’y était vraiment pas allé avec le dos de la cuillère. A force de défendre et de chercher à positionner son fils Karim, il aura exaspéré l’opinion, et dérangé toute la classe politique, ses partisans avec. Comme tant d’autres dirigeants africains, il espérait peut-être régner à vie. Aujourd’hui, il est hors du pouvoir. Tôt ou tard, la justice jouera sa partition. Or, à Dakar, l’on reproche beaucoup de choses aux douze années de gestion du régime Wade.

Le contexte sénégalais est aujourd’hui marqué par la vie chère, et le nouveau président Macky Sall, se veut adepte de la transparence. Dans cette optique, l’équipe gouvernementale en place depuis peu, a opté de faire des audits des comptes publics. Les enquêtes aideront, on l’espère, à confondre ceux qui auront été responsables de manquements graves. Il reste à souhaiter que les audits soient menés de façon impartiale, permettant du coup d’éviter de régler des comptes. Les ennuis de Wade au Sénégal, posent le problème de la gestion des biens publics au sommet de l’Etat. Elle a toujours été opaque chez la plupart des chefs d’Etat africains, particulièrement la gestion des comptes spéciaux et autres « caisses noires » qui ont toujours alerté l’opinion, sans que pour autant des réponses claires aient été obtenues auprès des gouvernants africains. Ceux-ci ont toujours pris le citoyen lambda pour un « moins que rien ».

Pour l’opinion publique, généralement mal informée sur ces aspects de la vie de l’Etat, les contrôles sont inexistants au sommet de la puissance publique. En tout cas, ils échappent à la connaissance de l’homme de la rue, contrairement à ce qui se passe en Occident. En fait, les chefs d’Etat ne sont-ils pas eux-mêmes victimes de pesanteurs socio-culturelles qui les contraignent parfois à faire fi d’une certaine orthodoxie en matière de gestion ? Il est généralement dit par endroits en Afrique, qu’un chef est un chef, et qu’il doit être en mesure de s’assumer, autrement dit : en répondant favorablement aux sollicitations qui n’en finissent pas ! Comment donc se soustraire à ces obligations sociales ? Et comment ne pas puiser dans les fonds mis à disposition ? Après plusieurs années d’exercice à la tête d’un pays, un chef d’Etat, il est vrai, ne peut être déclaré pauvre. Toutefois, à son départ, l’on aimerait au moins s’assurer qu’il a géré, comme il se doit, les fonds que les électeurs ont mis entre ses mains. Un chef, c’est aussi et avant tout un homme soucieux du respect des règles, une personnalité qu’on voudrait loger au-dessus de tout soupçon, et qui brillerait par sa droiture autant que par son sens élevé de la justice, son culte de l’humain, et sa grande modestie. Au fait des réalités du pays, le chef devrait peut-être se fixer des limites. Car, après tout, il s’agit de l’utilisation de l’argent public.

Dans les pays industrialisés, ceux du bloc occidental en particulier, quel qu’il soit, le chef de l’Etat ne fait pas ce qu’il veut des fonds publics mis à sa disposition durant son mandat. Nul doute qu’il y a accès dans des conditions bien définies, et qu’il est tenu par des dispositions réglementaires, de les utiliser comme il se doit. Pourquoi donc, en Afrique francophone notamment, observe-t-on une certaine opacité dans la gestion des comptes relevant de la présidence de la république ? Peut-être faudrait-il en Afrique, que le chef de l’Etat, dans sa magnanimité, sache raison garder. Car, si nul n’est censé ignorer la loi, nul ne doit plus se croire au-dessus de la loi. N’est-il pas temps, au nom de la transparence, de la démocratie et du respect que l’élu doit au citoyen, de lever le tabou qui frappe certaines institutions, et rendent même suspects jusqu’à certains agissements qui vont pourtant dans le sens de l’intérêt de la république ? Le président doit-il continuellement tout se permettre ? Et le citoyen, doit-il tout savoir ? Faut-il ou non fixer des limites aux dépenses des chefs d’Etat africains ?

N’est-il pas temps d’encadrer les prérogatives du chef de l’Etat afin de le mettre à l’abri des prédateurs qui l’entourent, aussi bien que de ses propres excès ? Pourquoi ne pas mettre en place une structure composée de membres du parlement et de la société civile pour limiter les abus en matière d’utilisation des fonds spéciaux ? L’on devrait aussi songer à informer constamment le citoyen et publier les actes. Celui qui est constamment interpellé pour payer sa part d’impôts, n’a-t-il pas le droit, à son tour, de s’inquiéter quant à la manière dont on dispose des sous qu’il a activement contribué à mettre en place ? Mais que faire de tous ces « mendiants » de la république et d’ailleurs, qui harcèlent quotidiennement les cabinets présidentiels à la recherche de soutiens financiers ? Ces proches et autres relations d’affaires qui attendent que leurs gestes quotidiens soient récompensés ? Il faut mettre fin à ces manières scabreuses de gérer les fonds publics à des niveaux aussi élevés de l’Etat.

Si l’on veut émerger, amener le citoyen à adopter des conduites irréprochables, l’exemple doit d’abord venir d’en haut. Si les Africains veulent qu’on les prenne au sérieux, qu’ils se conduisent plus sérieusement. A commencer par les premiers dirigeants. En tout cas, dans un contexte de vie chère, suite aux critiques acerbes sur son patrimoine, l’ex-président Wade a choisi de contre-attaquer. Saura-t-il convaincre ? Nul doute qu’avec la fièvre électorale, l’on pensera que l’ex-président Wade veut reconquérir l’électorat en jouant les victimes. Son tir de barrage viserait dans ce cas, à protéger davantage son fils Karim. Il reste que la « nouvelle affaire Wade » interpelle toute l’Afrique à propos de l’opacité de la gestion des deniers publics au sommet de l’Etat.

« Le Pays »

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