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LOTISSEMENT AU BURKINA : Le respect des textes n’est plus négociable

Publié le mercredi 6 juin 2012 à 00h56min

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Pendant douze mois, le gouvernement avait suspendu les opérations de lotissement ou de restructuration, sur l’ensemble du territoire national. Malgré les trépignements d’impatience manifestés de toute part, la mesure a été maintenue jusqu’à terme. Cette période de trêve a permis de faire un diagnostic approfondi du rôle de chaque intervenant dans la gestion de ces opérations et de lever définitivement, les goulots d’étranglement. L’autorisation de la reprise des lotissements est assortie de nouvelles mesures qui devraient permettre de résoudre au mieux les difficultés qui ont longtemps émaillé le domaine. La mesure gouvernementale remet au-devant de la scène, la grande question du lotissement et donne l’occasion d’en revisiter ici, quelques aspects.

Le lotissement est l’opération d’aménagement ayant pour objet, la division d’un terrain nu à plus de deux lots viabilisés destinés à l’habitation et aux activités connexes. Il se distingue de la restructuration qui consiste à réorganiser et à équiper une partie aménagée ou non du tissu urbain. L’opération de lotissement peut être initiée par l’Etat, les collectivités territoriales, les promoteurs publics ou privés et les personnes physiques. Sa réalisation est soumise à une demande d’autorisation. L’opération est autorisée conjointement, par les ministres en charge de l’urbanisme et de l’administration du territoire, après l’examen par les services techniques, d’un dossier technique fourni par l’initiateur.

Cinq étapes à franchir pour des lotissements conformes

L’exécution de l’opération de lotissement commence par le levé d’état des lieux qui indique la configuration de la zone à lotir et les éléments existants (constructions, voies, réseaux d’eau, d’électricité, de téléphone, d’assainissement, les titres de propriété dûment délivrés, les formations végétales, …).Ensuite, intervient l’élaboration du plan de lotissement. Elle est faite sur la base du levé d’état des lieux. Elle donne lieu au tracé des différentes voies de circulation (primaires, secondaires et tertiaires), à la détermination des parcelles et à la projection des équipements connexes à l’habitation (écoles, centres de santé, marchés, aires de jeux, …).Les différentes entités (voies, équipements et habitations) sont projetées suivant une grille des aménagements urbains.

L’implantation du lotissement se fera sur la base du plan de lotissement approuvé. Elle consiste en la pose des bornes sur le terrain. Dans le temps, l’opération se limitait à cette étape et ne permettait pas de faire des zones loties, des cadres agréables de vie. Depuis 2008, la réglementation en matière de lotissement fait de la viabilisation des espaces lotis, une obligation. La viabilisation consiste en l’aménagement de la voirie projetée et en la réalisation des différents réseaux divers (eau, électricité, téléphone, assainissement pluvial). L’opération de lotissement nécessite également, une étude de l’impact environnemental. Les espaces aménagés sont souvent, de grandes superficies et l’étude de l’impact vise à identifier les atteintes à l’environnement et à proposer des mesures d’atténuation des effets.

La spéculation foncière compromet le développement urbain

Conscient du rôle de l’aménagement urbain pour le développement de ses localités, l’Etat burkinabè a mis en place un compte spécial intitulé « Compte d’opérations lotissement des centres urbains et ruraux ». Ce compte qui est toujours fonctionnel a permis l’accompagnement financier de plus de 300 communes rurales dans leur premier lotissement. En effet avec la décentralisation, les prérogatives de l’urbanisme ont été conférées aux municipalités, afin de leur permettre de prendre en main leur développement. Malheureusement, certaines se sont lancées dans une course effrénée au lotissement. L’absence ou l’insuffisance d’encadrement des collectivités territoriales naissantes dans cette pratique du lotissement n’a pas été sans conséquences dommageables pour notre tissu urbain et même pour le climat social. Et pour cause, le lotissement, tel que géré actuellement, nourrit et entretient des pratiques spéculatives, malgré l’existence des balises réglementaires. La Réforme agraire et foncière (RAF) indique que « les terres urbaines non aménagées ou terres suburbaines ne peuvent être occupées qu’à titre exceptionnel et sur autorisation de l’administration. Toute occupation sans titre est interdite et le déguerpissement ne donne lieu ni à recasement ni à indemnisation ».

Toutefois, il est procédé au recensement systématique des occupants des zones aménagées (pourtant illégaux), lors des opérations des lotissements. Conséquence, les esprits cupides s’étant rendus compte que construire une « bicoque » en zone non lotie « ouvre droit » à une parcelle en cas de lotissement de la zone, ont jeté leur dévolu sur cette pratique spéculative. Cela a pour effet induit, une démultiplication des zones d’occupation spontanée de la périphérie de nos centres urbains.

Combattre désormais, le phénomène d’habitats spontanés

L’aménagement urbain au Burkina Faso est pris en otage par le phénomène des habitats spontanés. Il est favorisé par la survivance du droit foncier coutumier, malgré l’affirmation par la RAF de l’appartenance des terres du domaine foncier national à l’Etat. Ce droit s’exerce surtout dans les zones périphériques non aménagées où une économie informelle s’est créée autour des terres. Il est difficile de trouver un espace pour un projet urbain, sans se heurter à cette double revendication des propriétaires terriens et des occupants illégaux qui en réclament des droits. L’on estime aujourd’hui, à plus du tiers, la population de Ouagadougou qui vit dans les zones d’habitats spontanés. La parcelle n’est plus seulement un moyen intermédiaire pour accéder au logement pour l’individu, mais plutôt un moyen d’enrichissement rapide. On en est arrivé à la situation où les extensions de lotissement ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins réels.

Des parcelles attribuées depuis plus de vingt (20) ans, ne sont pas encore mises en valeur. Dans plusieurs localités du pays, on distingue difficilement l’espace aménagé de l’espace non aménagé, tellement tout n’est que champs de culture. A Ouagadougou, le nombre de parcelles produites était estimé à plus de 380 000 en 2010 et plus de 196 000 n’étaient pas encore mises en valeur, soit moins de 50% de taux de mise en valeur. Pourtant, on continue de réclamer des lotissements pour satisfaire à des demandes. Ce sont entre autres, ces pratiques spéculatives, mêlées à la non maîtrise de la gestion du processus par les acteurs locaux, qui génèrent les tensions dans les opérations de lotissement. La commission interministérielle mandatée par le gouvernement a fait un bon diagnostic de la question et proposé des mesures dont la mise en œuvre par le gouvernement, permettra de juguler les nombreux problèmes afférents au lotissement et de faire des zones loties, des cadres idéaux de vie pour les populations. Ses recommandations devraient permettre d’assainir la pratique dans le secteur et de préserver le climat social, favorable aux investissements pour le développement.

Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme

www.mhu.gov.bf


Après l’examen approfondi des problèmes de lotissement, la commission interministérielle a fait les recommandations suivantes, qui ont été approuvées par le gouvernement :
Le respect strict de la réglementation en vigueur en matière de lotissement et d’attribution de parcelles ;
La non-perception préalable de contributions pour les opérations qui sont au début du processus ou la perception dans la limite des parcelles disponibles ou projetées ;
L’amélioration des formes de passation des marchés de lotissement (réduire au maximum les gré-à-gré et les consultations restreintes) ;
La définition claire des limites territoriales (villages, secteurs et communes) pour éviter les conflits intercommunaux ;
La sensibilisation des coutumiers à la primauté des limites administratives par rapport aux limites coutumières ;
L’informatisation des fichiers d’attribution pour déceler ou éviter les doubles attributions ;
L’application de la réglementation sur les délais de mise en valeur des parcelles d’habitation ;
Le contrôle du respect de la réglementation en matière de lotissement.
L’organisation des états généraux des lotissements au Burkina Faso.
L’information et la sensibilisation pour s’assurer de l’adhésion des populations concernées au projet.
L’interdiction du recensement dans les zones d’habitat spontané dans le cadre des opérations de lotissement ; tous les prétendants à la parcelle procèdent par demande.
L’utilisation du tirage au sort ou l’adjudication pour l’attribution des parcelles aux demandeurs ;
L’application des critères d’ordre de priorité, dans le cas où il y a recensement (noyau villageois) ;
La subordination impérative des opérations d’aménagement à l’existence des documents d’urbanisme (SDAU et/ou POS)
L’arrêt des opérations de lotissement aux fins de production de parcelles au profit des programmes d’aménagement concertés pour la production du logement ;
L’adoption de la taxation sur les parcelles non bâties, afin de réduire la spéculation foncière ;
Instruction aux maires de procéder à la destruction des habitations spontanées dans leur commune.

MHU

Le Pays

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