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Simon Compaoré : « Mon souci actuel est de sortir de l’hôpital, pouvoir marcher, repartir à Ouaga, revoir mes amis, mes parents, mes concitoyens et achever tranquillement mon mandat »

Publié le lundi 21 mai 2012 à 11h52min

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Lorsque nous étions passés les voir le 3 avril dernier à l’hôpital Chenevier de Créteil, le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré et son garde de corps, Bahima Sanou, ne se déplaçaient que sur des chaises roulantes. Cinq semaines plus tard, leur état de santé s’est considérablement amélioré puisqu’ils peuvent à présent aller d’un point à l’autre à l’aide de béquilles. C’est dans une atmosphère plus détendue que celui qui dirige la marie de Ouagadougou depuis 17 ans s’est prêté, sans rechigner, aux questions de Lefaso.net. Interview exclusive !

Plus de deux mois après votre admission à l’hôpital suite à l’accident dont vous et votre collaborateur avez été victimes, comment allez-vous aujourd’hui ?

Dieu merci, les choses évoluent positivement. Nous avons rencontré notre chirurgien, le professeur Hernigou qui a confirmé que la consolidation est vraiment entamée. Il nous avait dans un premier temps donné la possibilité de prendre appui avec le sol à hauteur de 10 à 20 kg et la semaine dernière, nous avons eu une rencontre avec le même chirurgien et il nous a autorisés à appuyer au sol jusqu’à hauteur de 50kg, ce qui est une avancée notable. Nous avons un dernier rendez-vous le 30 mai et on verra la suite, notamment la poursuite de séances de kiné avant d’envisager un éventuel retour.

[NDLR : Le maire souffre surtout du pieds droit, décidemment « maudit », ayant déjà subi de chocs assez violents dans le passé : rupture de ligaments croisés du genou droit lors d’un match contre des Centrafricains quand il était étudiant ; chute sur cette même jambe dans un caniveau à Yako alors qu’il y a fait escale pour prendre un café, puis la descente violente des militaires chez lui l’année dernière au moment des mutineries]

La dernière fois que nous nous étions vus le 3 avril, vous vous déplaciez sur une chaise roulante. Pouvez-vous à présent vous déplacer à l’aide de béquilles ?

Bien sûr, on va au restaurent avec nos béquilles ! (Il demande qu’on les lui apporte et fait un tour dans la chambre. Son garde de corps en fait autant).

On peut donc penser à un retour au pays pour bientôt ?

Oh, doucement ! Je vous donne les dates qui m’ont été communiquées, le rendez-vous le 30 mai avec le chirurgien. En fonction des résultats de nouvelles radiographies qui seront effectuées, il appréciera le niveau de la consolidation afin de nous donner éventuellement l’accord pour l’appui total, c’est-à-dire le contact avec le sol. Après, il faudra apprendre à marcher en équilibre avec une béquille. Mon collaborateur et moi avons le même niveau de guérison puisque les docteurs ont décidé de nous libérer le jeudi 24 mai. Nous irons loger en ville et nous verrons avec la société qui s’occupe de nous comment assurer les soins de kiné en externe.

Il semble que vous avez reçu beaucoup de visites depuis votre hospitalisation. Est-ce vrai et si oui, cela vous surprend t-il ?

C’est vrai, beaucoup de gens sont venus et continuent de venir nous voir et sincèrement, je suis surpris par le nombre de personnes que nous ne connaissons qui passent nous voir, tout simplement parce qu’ils ont eu l’information sur Internet. Il y a les travailleurs burkinabè en France, de tout âge, étudiants, musiciens, sportifs, etc., qui passent s’enquérir de notre état de santé alors que nous n’avons pas de rapports avec eux avant. Et je suis agréablement surpris par cet élan de fraternité de nos compatriotes et même de ceux qui ne sont pas du Burkina.

Vous êtes toujours le maire de Ouagadougou, comment se passe l’intérim et les préparatifs pour les prochaines élections couplées en décembre prochain ?

Je suis en contact régulier avec l’équipe de la mairie et les choses se passent bien. Quant aux préparatifs pour les prochaines élections, vous savez que pour l’essentiel, c’est la CENI et l’Etat qui s’en occupent. Ce qui peut concerner la mairie de Ouagadougou, c’est le fait qu’avec la création de nouveaux arrondissements, on doit faire un recensement de la population et construire les sites sur les douze arrondissements. C’est notre principale préoccupation, sinon l’organisation des élections ne relève pas de notre ressort. Il nous faut bien sûr participer à l’information et la sensibilisation quand la CENI va lancer l’enrôlement de la population et s’il y a des instructions de l’Etat, nous allons les appliquer comme nous l’avons toujours fait.

Vous avez annoncé depuis longtemps que vous ne serez pas candidat à votre succession. Mais vous avez un dauphin ?

Ecoutez, ce n’est pas un sujet qui me préoccupe actuellement. Je suis à l’hôpital et mon souci est d’en sortir, pouvoir marcher, repartir à Ouaga, revoir mes amis, les parents, mes concitoyens et achever tranquillement mon mandat. Et puis, quand vous parlez de dauphin, je pense que vous ignorez le système qui prévaut au Burkina. Ce sont les partis politiques qui font leurs listes, s’engagent dans la compétition et non quelqu’un qui estime qu’il est posé et dit voilà, c’est untel qui va me remplacer. Non, ça ne se passe pas comme ça, en tout cas, ça ne se passe pas comme ça au Burkina et je pense que vous êtes à côté de la plaque !

Vous êtes une figure importante du CDP et vu la fonction que vous assumez à la mairie, voulez-vous faire croire que vous n’avez rien à dire sur l’identité de celui qui vous pourrait vous succéder ?

Non, vous vous trompez. Au niveau de la mairie, je suis toujours le maire et l’organisation relève en premier chef de moi pour le travail pour lequel nous avons été mandatés. Mais pour le reste, c’est des supputations et on raconte beaucoup de chose parce que, quand on n’est pas dedans, on ne sait pas exactement comment ça se passe. Ce n’est pas une seule personne qui s’assoit et dit : voilà les gens qu’il faut élire ! Dans le parti où je milite, il y a un processus qui est connu des militants et des structures et c’est en fonction de tous ces éléments que la stratégie est établie.

Ensuite, vous savez que chez nous, on élit d’abord les conseillers municipaux et après, on élit les maires, donc on ne peut pas à l’avance dire à la population, c’est untel qui va être le maire ! Tout ce que je peux dire à nouveau de façon claire, c’est que je ne serai pas candidat à ma succession.

Avez-vous le sentiment du travail bien, d’avoir donné le meilleur de vous-même pour résoudre les problèmes des Ouagalais ?

Oh, écoutez, là, vous voulez me soutirer ce que j’ai sur le cœur et que je vais pouvoir le dire au moment de mon départ ! Si je dis tout ça maintenant, je n’aurai plus rien à dire. J’ai fait trois mandats successifs, ça fait 15 ans, plus deux ans de prolongations pour des raisons indépendantes de notre volonté, donc j’aurais fait au total 17 ans à la tête de la ville de Ouaga. J’ai pu faire ce qui était possible de faire à mon niveau avec mon équipe et je pense que trois mandats à ce niveau de responsabilité, c’est largement suffisant. Vous avez vu la dynamique avec laquelle nous avons géré les choses durant ces années ; aujourd’hui je ne peux plus avoir la même énergie et dans ces conditions, c’est bon de passer le relais à ceux qui en ont pour continuer le travail

Vous rentriez du congrès de votre parti quand l’accident a eu lieu. Avez-vous encore un souvenir sur le déroulement de l’accident ? Comment ça s’est passé ?

Non, je n’ai aucun souvenir et je ne veux même pas en parler parce que c’est traumatisant pour nous. C’est sur internet que j’ai vu la photo du véhicule dans lequel nous nous trouvions, et j’ai remercié Dieu de nous avoir tirés d’affaire. Parce que jusque là, c’est un mystère, c’est l’intervention de Dieu, sinon, nous serions morts, tellement l’endroit était dangereux, le choc terrible et l’état du véhicule montre que c’est vraiment un miracle.

Il s’est tenu récemment un forum sur la sécurité routière au Burkina. Beaucoup de gens ne respectent pas les règles de la circulation. C’est un sujet qui vous préoccupe ?

Bien évidemment ! Tous ceux qui sont à Ouagadougou savent qu’il ne se passe pas un jour où je n’interviens pas soit seul, soit avec mes hommes de la police municipale sur cette question de sécurité routière. Il y a des efforts qui ont été faits en augmentant le nombre de feux tricolores implantés aujourd’hui au niveau des carrefours dangereux de la ville, des panneaux de stop, des voies ont été bitumées, etc., et s’il y avait eu un accompagnement de la part de l’ensemble des citoyens, on aurait pu limiter sensiblement les dégâts que nous constatons sur les routes.

Mais malheureusement, il y a encore beaucoup à faire au niveau de la sensibilisation aussi bien chez les jeunes et les moins jeunes parce qu’il y a un laisser aller dans le respect des feux tricolores : excès de vitesse, non respect des règles du code de la route et tout cela est préjudiciable dans une ville qui est passée, et il faut le savoir, de 60 000 habitants en 1960 à 2 millions aujourd’hui. Ce n’est donc plus une petite bourgade, le parc automobile a augmenté de façon sensible, les deux roues également, les tricycles sont venus s’ajouter et tout cela complique excessivement le trafic au niveau de la ville. Si on ne respecte pas la réglementation, on complique davantage la situation.

Vous m’offrez l’occasion de féliciter l’état central et la commune pour les efforts qui sont faits pour faire prendre conscience sur le fait qu’on va vers droit au mur si les gens ne respectent pas le code de la route d’une manière générale et dans la ville de Ouagadougou en particulier

On dit souvent que l’on apprécie mieux la valeur d’une chose quand on l’a perdue. Quel message avez-vous à l’endroit de ceux qui sont en bonne santé et qui ne respectent pas le code de la route ?

Vous avez raison ! Si beaucoup de nos concitoyens qui ne respectent pas les feux tricolores, les sens interdits, la limitation de vitesse, etc., pouvaient être là, dans cet hôpital et voir comment souffrent les malades, nous qui sommes là, je crois qu’ils allaient immédiatement changer de comportement. Mais, déjà plus près de nous à Ouagadougou, il suffit de faire un tour à l’hôpital Yalgado pour voir la situation des accidentés de la route et se convaincre qu’il y a véritablement un mouvement que nous devons enclencher à propos du respect du code de la route. Il faut que nos concitoyens vivant dans notre ville et tous ceux qui y viennent puissent se rappeler à tout moment que le respect des règles de la circulation est quelque chose d’extrêmement important pour leur propre vie et pour celle d’autrui

Un dernier mot pour conclure ?

Je voudrais témoigner toute notre reconnaissance à tous ceux qui sont passés nous voir, ministres, présidents d’institutions, hautes personnalités, gens anonymes, journalistes, car tout cela a été pour quelque chose dans notre guérison qui est en voie de l’être totalement. Je dis merci à nos amis et camarades de Paris qui se sont mobilisés pour nous apporter le soutien ; merci à nos parents en France et au Burkina, à la population de Ouagadougou pour les messages qu’elle nous envoie car je suis convaincu que ça nous aidés à nous remettre en jambe. Et puis, il faut dire que nous sommes surtout très reconnaissants au Tout-Puissant, à Dieu qui nous a gardé la vie et nous a assistés dans cette période extrêmement difficile.

Etes-vous vraiment croyant ou est-ce une foi conjoncturelle ?

Je vous rappelle que je suis un fils de Pasteur ; dans l’absolu ça ne veut rien dire, mais depuis ma naissance j’évolue dans ce milieu et ma foi n’est pas circonstancielle. Si vous êtes à Ouagadougou et suivez mes messages, vous sauriez que ce n’est pas conjoncturel. Cet accident a été encore une fois de plus une occasion de tester la grandeur, la bonté de Dieu envers ceux qu’il a créés parce que je n’en reviens toujours pas de ce qui nous est arrivé. C’était une occasion de disparaitre sur terre, donc pourquoi, vous ne me permettrez pas de crier haut et fort : merci Dieu !

Interview réalisée par Joachim Vokouma
Lefaso.net

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