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ABANDON DU COTON Bt PAR LE BURKINA FASO : « Nous sommes surpris par cette information »

Publié le lundi 14 mai 2012 à 02h03min

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Suite à une information diffusée par Radio France Internationale (RFI) faisant état de l’abandon cette année de la culture du coton Bt communément appelé coton OGM, nous avons rencontré le Dr Déhou Dakuo, directeur du développement de la production cotonnière de la SOFITEX qui se dit surpris. Pour lui, il n’en est rien. Le Burkina Faso est plutôt en train d’emblaver plus de 200 000 hectares de coton de cette semence. A ce jour, 80% des semences ont été déjà placées auprès des producteurs. Il reconnaît cependant que pour des raisons de pureté, moins de semences OGM ont été distribuées cette année.

« Le Pays » : Les Burkinabè se sont réveillés avec une information de RFI faisant état de l’abandon cette année de la culture du coton Bt. Qu’en est-il ?

Dr Déhou Dakuo : Nous avons également été surpris par cette information. D’autant plus que nous sommes en train de tenir nos fora d’avant-campagne avec les producteurs. La mise en place des semences de Coton génétiquement modifié (CGM) comme celles du coton conventionnel est faite à plus de 80%. Cela veut dire que la plupart des groupements de producteurs de coton ont été dotés en semence de coton Bt. Pour ce qui concerne spécifiquement la SOFITEX (NDLR : il existe deux autres sociétés cotonnières : la SOCOMA et Faso Coton), nous envisageons emblaver entre 200 à 300 milles hectares de coton Bt pour la campagne 2012/2013. Pas plus tard que la semaine dernière, Faso Coton est passé à l’usine de délintage de Kourouma dans le Kénédougou pour enlever son stock de semences de CGM et je crois que cette semaine, ce sera le tour de SOCOMA d’enlever son stock de semences. Nous sommes donc très surpris d’entendre que le Burkina Faso veut arrêter la culture du coton Bt.

Qu’est-ce qui peut expliquer la diffusion d’une telle information. Une mauvaise source d’information ou de la manipulation ?

Je ne saurais vous le dire. Ce qui est sûr, l’information n’est pas avérée. J’ai interrogé beaucoup de personnes dans la filière et même hors de la filière pour comprendre. On n’a pas d’explication. A moins qu’il y ait d’autres intentions derrière la diffusion d’une telle information par RFI. Cette année, il y a eu les états généraux sur la filière coton, après cela, l’AICB (Association interprofessionnelle du coton du Burkina) a tenu une conférence de presse sur la situation de la culture du coton au Burkina Faso. Nous avons des documents qui sont disponibles et qui sont diffusés. C’est transparent de ce côté-là.

Il y a peut être des problèmes dans la culture du CGM qui ont pu laisser penser cela ?

Comme tout intrant, pour chaque innovation que l’on introduit, il faut se donner les moyens de la suivre pendant quelques années. Pour cette semence GM (Génétiquement modifiée), si l’on s’en tient au souhait des producteurs, 90 à 95% aimeraient avoir des semences GM, alors que pendant la dernière campagne, on a observé un certain mélange. Des parcelles sensées être des parcelles de CGM ont subi des attaques de ravageurs. Après enquêtes, on s’est rendu compte qu’il y a eu des mélanges de semences qui pourraient être le fait des producteurs eux-mêmes, ou survenus lors des transports. Pour éviter ces mélanges, avec notre partenaire Monsanto, on a pris des mesures. A la méthode de contrôle chromatographique communément appelée méthode des bandelettes, on a ajouté la méthode Elisa (test sérologique) pour analyser les semences afin d’être sûr que tout ce qui sort du laboratoire est 100% GM. En outre, la SOFITEX a élaboré un plan semencier et pour sa mise en œuvre des formations commencent la semaine prochaine. Elles concernent tous les acteurs : des agents du laboratoire aux semenciers jusqu’au producteurs en passant par les transporteurs et les égreneurs. Tout le monde va être formé et sensibilisé sur la qualité de la semence. En station de recherche, on a vu que l’on pouvait atteindre un rendement de 30% avec le CGM. Cela est possible en milieu paysan.

On l’a vu avec les premiers producteurs recrutés parmi les meilleurs en 2008 pour la production de semences. Mais lorsqu’on a généralisé, cela n’a pas été le cas chez tout le monde. Les petits producteurs qui, même avec le coton conventionnel, n’atteignaient pas les seuils de rendements attendus, n’ont pas fait mieux avec le CGM à cause essentiellement du non- respect des paquets techniques (sous-dosage d’engrais chimiques, pas d’apport en fumures organiques, non-réalisation des traitements insecticides recommandés). Le coton GM n’augmente pas systématiquement les rendements, mais ce sont ses effets induits qui apportent une augmentation du rendement. Pour atteindre l’objectif de 30% de rendement supplémentaire, il faut nécessairement respecter le paquet technique recommandé. Comme vous le savez, au Burkina Faso, la plupart des sols cultivés sont pauvres en matières organiques. Dans ce cadre, nous avons élaboré un plan d’actions sur la fertilité des sols qui va faire appel à la recherche au ministère de l’Agriculture et de l’hydraulique et à nos services techniques pour en faire une action prioritaire.

En plus du rendement, il semble que la longueur de la fibre n’était pas au rendez-vous. Ce qui a fait baisser le prix d’achat de 10%. Qu’en est-il ?

Pour ce qui concerne la fibre, nous faisons face à deux caractères dans la semence GM. C’est le croisement d’une variété burkinabè et d’une variété américaine qui a permis d’introgresser le gène Bt. Forcément, le descendant va avoir le caractère de chacun des parents en bon et en mauvais. Dans notre cas, il me semble qu’on a trainé avec un petit défaut de la variété américaine pour ce qui concerne la longueur de la fibre. On s’en est rendu compte très tôt au niveau de Monsanto, des sociétés cotonnières et de l’INERA, et des mesures ont été prises. La première mesure, c’est au niveau de la recherche nationale qui y travaille et dans un ou deux ans, le problème sera résolu. Le travail est bien avancé, il ne reste plus qu’à multiplier les semences. La seconde mesure est au niveau de Monsanto. Ils ont pris conscience du problème et ont opéré des sélections. Au cours de ce mois de mai, 14 lignées de backcross 3 (BC3) doivent être envoyées par Monsanto à l’INERA pour la multiplication des semences. Dans le backcross 3, la part de caractères de la variété burkinabè va être plus grande afin d’améliorer la qualité de la fibre.

Comment s’est comportée la première campagne de commercialisation du Bt burkinabè sur le marché international ?

Dans l’ensemble, de l’avis de mon collègue en charge du dossier, ça va. Il y a effectivement la question de la longueur de la fibre sur certains lots qui a posé de petits problèmes. Mais l’un dans l’autre, la production a été écoulée. N’oubliez pas que le coton est un produit commercial et que certains concurrents peuvent profiter de cette situation pour dénigrer notre produit. Les principales caractéristiques de notre coton n’ont pas changé. Je ne vois pas où se trouve le problème. Il y a eu, c’est vrai, quelques petites variations par rapport à la longueur de la fibre.

Le Burkina est toujours engagé dans le Bt. Il n’y a pas de rétropédalage ?

Tout ce que je viens de dire confirme notre engagement dans le coton Bt. Nous étions récemment à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire autour du Programme régional de protection intégrée du cotonnier en Afrique (PR-PICA). Une des principales recommandations a été que les autres pays membres (Bénin, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Togo) et les pays voisins s’inspirent de notre expérience afin de leur faire gagner du temps. Si notre expérience était si mauvaise, elle ne servirait pas de référence. Je tiens donc à rassurer tout le monde qu’il n’en est rien. Nous n’avons aucune crainte de ce côté-là, les producteurs non plus. Cette information diffusée aurait dû être mieux recoupée à notre avis, d’autant que France 24 qui est en train de fusionner avec RFI, a demandé à venir faire un reportage sur le coton Bt au moment des semis, courant mois de mai et juin, ce qui a été autorisé par la SOFITEX.

Abdoulaye TAO

Le Pays

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