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André Parant, « Monsieur Afrique » de Sarkozy, ambassadeur de France à Alger (1/2)

Publié le mercredi 9 mai 2012 à 20h45min

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Voilà déjà plusieurs semaines que « l’avenir des relations franco-algériennes » est en débat entre l’entourage du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, et celui du candidat à la présidentielle française : François Hollande. Son conseiller diplomatique, Pascal Brice (cf. LDD Spécial Week-End 0536/Samedi 5-dimanche 6 mai 2012), a d’ores et déjà été invité à déjeuner par « un des plus proches conseillers » du chef de l’Etat algérien dans un grand restaurant parisien.

Et l’annonce de la victoire du candidat socialiste – et, plus encore, de la défaite de Nicolas Sarkozy – a été saluée avec un enthousiasme sans retenue tout autant par les médias que par la classe politique algérienne. Ironie de l’Histoire : le tout nouvel ambassadeur de France à Alger, qui a débarqué dans la capitale algérienne à la veille du second tour de la présidentielle, n’est autre que le patron de la « cellule africaine » de l’Elysée : André Parant, fils et petit-fils de deux personnalités françaises majeures qui se sont illustrées notamment dans les « colonies » africaines de l’Hexagone ! Une généalogie qui mérite qu’on s’y attarde.

André Parant n’appartient pas à la sphère des diplomates spécialistes d’emblée de l’Afrique (qu’il connaît bien cependant) mais s’inscrit dans une filiation qui ne manque pas d’être remarquable en la matière. Il est l’un des trois fils de Philippe Parant, breveté de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer (ENFOM) qui avait débuté sa carrière à Madagascar (1958-1961) avant d’être nommé conseiller technique à la présidence de la République de Côte d’Ivoire (1961-1969). C’est à l’issue de ce séjour africain qu’il rejoindra la préfectorale avant d’être nommé directeur au ministère de la Défense (1983), préfet de l’Yonne puis du Morbihan et enfin de la Seine-Saint-Denis. Il obtiendra alors la Direction de la surveillance du territoire (DST).

Voilà pour le CV officiel de Philippe Parant. Allons au-delà : le 17 novembre 1982, l’amiral Lacoste prend la suite de Pierre Marion à la tête de la DGSE. Préfet hors cadre, Parant y est nommé secrétaire général et responsable de l’administration. Il en est, théoriquement, le numéro deux, mais c’est le directeur du renseignement, le général Roger Emin qui, dans les faits, sera véritablement le bras droit de Lacoste. Parant était en poste à la DGSE pendant « l’affaire Greenpeace ». Le 1er août 1986, il sera remplacé par le sous-préfet Alain Frouté (ex-directeur de cabinet du préfet de la Nièvre, fief politique de François Mitterrand alors président de la République). C’est le 6 octobre 1993 que Philippe Parant sera nommé directeur de la DST en remplacement de Jacques Fournet ; il aura à son actif la capture du « terroriste » Carlos au Soudan. Parant va vivre à la tête de la DST la deuxième cohabitation, l’arrivée à l’Elysée de Jacques Chirac puis les deux années où Alain Juppé sera à Matignon.

Le 27 juin 1997, alors que Jean-Pierre Chevènement s’installe au ministère de l’Intérieur, Parant sera remplacé par Jean-Jacques Pascal. Selon le capitaine Paul Barril (dans Guerres secrètes à l’Elysée), c’est Parant qui aurait « [donné] des ordres pour rechercher des éléments sur le passé du président [Mitterrand] » à la suite des révélations de l’écrivain Jean-Edern Hallier. Ces recherches auraient été menées (selon une note publiée par Barril, attribuée au colonel Fournier et destinée à François de Grossouvre) au printemps 1974, au sein des archives centrales de la DGSE. Il s’agissait alors de rappeler « son comportement trouble pendant la guerre » et ses accointances avec le régime de Vichy.

Si le père d’André Parant a été une personnalité de premier plan, c’est vrai, également, de son grand-père. Le lieutenant-colonel André Parant a été fait compagnon de la Libération le 13 mai 1941. Volontaire à dix-sept ans lors de la Première guerre mondiale, c’est lors de la Deuxième guerre mondiale qu’il sera blessé par balle (non loin du cœur) au Chemin des Dames – lieu mythique des combats de la Première guerre mondiale –, en mai 1940, à l’occasion de la « campagne de France », André Parant s’est échappé de la France occupée, par Biarritz, dès l’annonce de la signature de l’armistice. Le commandant Parant sera le quatrième des mousquetaires qui, le 6 août 1940, se sont embarqués à bord de l’hydravion le Clyde à destination de Lagos, au Nigeria. Il y avait là René Pleven, Claude Hettier de Boislambert et celui qui n’est encore que le commandant Leclerc. Ils avaient pour mission de rallier l’AEF à la France libre.

La tâche particulière de Parant était de prendre en main les troupes françaises passées en territoire britannique, en Gold Coast (actuel Ghana). Les Anglais ne verront pas d’un très bon œil les « gaullistes » (qui, alors, ne représentaient rien d’autre que des problèmes diplomatiques dont l’Empire britannique entendait bien se dispenser) s’installer ainsi sur leurs terres africaines dans un perspective de reconquête des colonies françaises d’Afrique ; des colonies que les Anglais auraient bien voulu faire tomber dans leur escarcelle. Parant va alors changer son objectif : ce sera le Gabon. A la mi-septembre 1940, il va parvenir avec seulement une quinzaine d’hommes à capturer les équipages d’un sous-marin français, le Poncelet, et d’un bananier, le Cap des Palmes, et à s’emparer de la ville de Mayumba, dans le Sud du Gabon, dont la garnison contrôlait la route conduisant au port de Pointe-Noire, au Congo.

C’est à partir du Sud du Gabon, et avec le concours de troupes congolaises, que Parant va participer à la conquête du Gabon pour le compte de la France libre. Tandis que, depuis le Cameroun, les FFL de Leclerc, Dronne et Dio vont progresser rapidement, le commandant Parant va buter devant Lambaréné. Ce n’est que le 4 novembre 1940 qu’ensemble ils prendront la ville après de rudes combats. Quelques jours plus tard, ce sera au tour de Libreville et de Port-Gentil, les deux villes majeures du Gabon, de tomber entre les mains des FFL. A Libreville, le gouverneur Masson se suicidera. Et le général Charles De Gaulle va nommer le commandant Parant pour le remplacer. Il aura une tâche difficile : les Européens refuseront, pour la plupart, de rallier la France libre (c’est Jean-Christophe Notin qui, dans 1061 Compagnons, a raconté l’histoire du commandant Parant devenu lieutenant-colonel puis gouverneur du Gabon). En mars 1941, André Parant mourra dans un accident d’avion, au Gabon. Philippe, son fils (le père de l’actuel ambassadeur à Alger), a neuf ans. Officier de réserve, gouverneur du Gabon en un temps où la France libre était plus un espoir qu’une certitude, André Parant n’aura pas eu le temps de construire sa carrière. Il faudra abnégation et courage à sa femme et à son fils pour faire face. Jacques Foccart et De Gaulle s’efforceront d’apporter leur soutien à la famille de celui qui a été le premier gouverneur de la France libre. Parant est enterré au cimetière de Kérellé, au Gabon.

André Parant, le nouvel ambassadeur de France en Algérie, est, quant à lui, né le 11 octobre 1956. C’est aux collège et lycée d’Abidjan qu’il fera ses études avant d’obtenir une licence en droit à Paris et d’être admis à Sciences Po-Paris puis à l’ENA (promotion « Henri-François d’Aguesseau »). Il sera nommé et titularisé secrétaire des Affaires étrangères le 1er juin 1982. Il débutera sa carrière à l’administration centrale, Français à l’étranger et étrangers en France (1982-1984), avant d’être nommé premier secrétaire à Rabat (1984-1987), premier secrétaire (1987-1988) puis deuxième conseiller (décembre 1988-1990) à la représentation de la France auprès des Communautés européennes à Bruxelles. Parant est alors nommé à Bangui en tant que chef de la mission de coopération et d’action culturelle (1990-1993). Il sera ensuite détaché auprès du ministère de la Coopération comme directeur adjoint du développement (29 octobre 1993-1995). Son ministre y sera tout d’abord Michel Roussin puis, après la démission de celui-ci, Bernard Debré. La période n’est pas facile : c’est la deuxième cohabitation, la dévaluation du franc CFA, le génocide rwandais…

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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