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Education de base non-formelle : à "l’école du berger"

Publié le mardi 25 novembre 2003 à 12h10min

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Une école adaptée aux besoins et aux attentes des éleveurs et qui tienne compte de leur mode de vie et de fonctionnement, c’est ce qu’est en train de bâtir depuis quelque temps, l’Association d’éleveurs Anndal & Pinal (1) que préside Mamadou Boly.

Pour amender le cadre conceptuel de cette démarche éducative novatrice, un atelier de restitution et de validation s’est tenu du 17 au 19 novembre 2003 à l’hôtel Zinoogo de Kaya.

Il n’aura manqué que du lait (c’est un comble pour une rencontre d’éleveurs) à l’atelier de restitution et de validation de l’avant-projet de "l’Ecole du berger" (EB) cette démarche éducative non-formelle inventée par l’association Anndal & Pinal (A&P) de Korsimoro, dans le Sanmatenga, pour pallier l’inadéquation de l’école classique au milieu concerné. Il est vrai que nous étions en période de jeûne du Ramadan et la plupart des participants de la communauté peulh, où l’islam est dominant, avaient "attaché leur bouche". On repassera donc pour le lait, frais de préférence.

Si on excepte cette "fausse note", au soir du 19 novembre 2003, la centaine de participants (communautés, partenaires techniques et financiers, personnes ressources, etc.) étaient unanimes pour dire que les résultats attendus ont été atteints. Il s’agissait en effet pour le riche parterre de compétences dans le domaine de l’éducation non-formelle d’amender et de valider le cadre conceptuel de la démarche éducative ; et, pour les communautés concernées, d’avoir une meilleure connaissance de "l’EB" et d’être ainsi mieux préparées pour sa mise sur orbite. "Nous avons maintenant un document valide, fonctionnel, utilisable pour un démarrage effectif en novembre 2004", a dit Mamadou Boly, le président d’Anndal & Pinal à la clôture des travaux.

Sous-représentativité scolaire des enfants d’éleveurs

Mais pourquoi une école rien que pour les bergers ? A l’origine de cette invention se trouve une pré-enquête menée courant mai-juin 2003 dans six circonscriptions d’éducation de base (CEB) du Sanmatenga et qui a consisté en la collecte de données statistiques sur la situation des enfants d’éleveurs. De cette étude, qui prend en compte trois années scolaires (2002-2003), il ressort que la représentativité des enfants d’éleveurs dans la population scolaire objet de l’enquête est de 0,85% (792 écoliers sur un total de 92 868) alors que le pourcentage des éleveurs dans la population totale de la province est de l’ordre de 17%.

Il faut dire que l’école du blanc n’est pas une priorité pour ces communautés où les abandons sont massifs quand on daigne même envoyer la progéniture à l’école. Plusieurs raisons à cela :
- l’éloignement de l’école ;
- la garde des animaux pour le duuro (berger) ;
- la vente du lait pour la sipoo ;
- l’ignorance, etc.

A cela s’ajoute même le mode de vie de ces populations marqué par le nomadisme saisonnier ou transhumance. A la suite de cette pré-enquête, A & P a organisé les 16 et 17 juin 2003, toujours dans la capitale du "koura koura" (2), des journées provinciales de mobilisation sociale qui ont rassemblé les leaders d’opinion des communautés d’éleveurs membres de A & P, question de les sensibiliser sur la problématique de l’éducation en leur sein et de recueillir leurs avis.

Par petites touches successives, brique après brique, l’idée d’ériger une école adaptée aux besoins et aux attentes de la population cible a ainsi vu le jour. Selon les désidérata des principaux intéressés, ce serait une école de proximité (au besoin un campement, une école) ; une école qui concilie les activités scolaires et celles d’élevage et où l’on enseignerait cette activité ; une école où on allie la pratique à la théorie ; une école où on admettrait les petits effectifs (15 à 25 élèves)... "car, s’il faut un minimum de 1000 habitants pour ouvrir une école, les enfants d’éleveurs ne serait jamais scolarisés".

C’est précisément ce que propose "l’Ecole du berger", destinée aux enfants d’éleveurs de 9 à 12 ans (avec, si possible, une extension jusqu’à 15 ans), n’ayant pas fréquenté l’école classique ou une structure d’éducation non-formelle.
Durée du cursus : 4 ans
Cycle annuel : novembre à mai
Durée hebdomadaire : 6 jours
Plage horaire journalière : 9 h à 14 heures, ce qui permet aux élèves de "s’acquitter de leurs tâches domestiques coutumières" avant et après les cours.
Contenus et profil : la langue (fulfuldé & français) ; les mathématiques (arithmétique, système métrique, géométrie, praccimetrie), sciences de la vie et de la terre (agriculture, élevage, environnement, santé-hygiène et nutrition, VIH/Sida et IST).

L’école décime nos troupeaux et déracine nos enfants

La finalité de cette école du berger, assurent ses concepteurs, c’est "former un enfant d’éleveur maîtrisant les techniques et technologies de production animale et végétale, un adolescent ouvert au monde contemporain, pétri de connaissances scientifiques et apte à s’intégrer dans son environnement".

A l’issue du cycle, le sortant de cette structure doit avoir le niveau CM2 et une passerelle devrait lui permettre éventuellement de poursuivre dans le formel. Tout un programme ! Que le MEBA est prêt à accompagner. Son représentant à l’atelier, Gilbert Ouédraogo, conseiller technique du ministre délégué chargé de l’Alphabétisation et de l’Education non-formelle, a en effet indiqué que "c’est par les formules alternatives que nous parviendrons à l’amélioration de l’offre et de la qualité de l’éducation de base".

Les populations, elles, s’extasient et s’impatientent d’expérimenter cette nouvelle donne de l’éducation de base non-formelle, différente de cette école classique qui "décime leurs troupeaux et déracine leurs enfants". "L’école du berger", croit ainsi savoir Aïssata Nagbila, ancienne lauréate du prix "Hunger project", sera une réponse à la désaffection des éleveurs à l’endroit de l’école classique. Et sera un plus dans leurs activités quotidiennes traditionnelles, car de nos jours, avoue Sékou Diallo de Saponsé, si tu n’a pas un minimum de savoir, tu te fatigues beaucoup sans être récompensé de tes efforts.

Voilà, vous savez tout, ou presque, sur "l’école du berger" dont l’avant-projet a été validé moyennant quelques observations, amendements, suggestions et critiques, le tout étant de l’améliorer pour proposer un produit final potable. De ce point de vue, les participants à l’atelier de Kaya n’auront pas chômé, à commencer par les communautés bénéficiaires qui ont tenu à dire leur mot dans la mesure où ils sont les premiers concernés.
Rendez-vous donc en 2004 pour l’ouverture des classes.

Notes
(1) "Connaissance, savoir" &"éveil, prise de conscience" en fulfuldé.
(2) Tourteaux d’arachides également appelés Calalou.


"Anndal & Pinal" est une association d’éleveurs qui a été créée le 2 novembre 1997 avec pour mission de conduire ses organisations paysannes membres à la pratique d’un élevage semi-intensif et, à terme, un élevage intensif.
Elle organise de ce fait chaque année des formations techniques spécifiques à l’intention des éleveurs portant tantôt sur la fauche, le séchage et la conservation des foins et fourrages ; tantôt sur les techniques de traitement de la paille à l’urée et au sel ; ou encore à la construction de fenils (granges à foin), à l’hygiène alimentaire, ainsi qu’aux techniques de traite et de conservation du lait.

Parmi les objectifs d’A & P figure également la valorisation des ressources naturelles locales. Tels l’organisation de la récolte des fruits des arbres fourragers ou le ramassage des résidus de récoltes (tiges, fanes d’arachide, spaths, drêche...).

Anndal & Pinal lutte aussi contre l’analphabétisme. Dans ce sens, elle a ouvert depuis 1999, 75 centres d’alphabétisation, toutes choses qui amènent les éleveurs à être plus performants dans leurs activités agropastorales.
Le président d’A & P est Mamadou Boly, inspecteur de l’enseignement primaire de son état.

O.I.
Source Anndal & Pinal

Dans une de nos prochaines éditions, certains participants reviendront sur le déroulement et les conclusions de l’atelier de Kaya.

Ousséni Ilboudo

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