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Paramanga Ernest Yonli, président du Conseil économique et social du Burkina Fas : Recasage d’une « élite » ou relance d’une institution de la République ? (1/3)

Publié le mercredi 25 avril 2012 à 17h22min

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Le quotidien Libération, commentant une affaire de carambouille de deux ex- dirigeants du Conseil économique, social et environnemental (CESE) français, définit cette institution républicaine (qui est quand même la troisième assemblée du pays et est inscrite dans la Constitution de la Vème République) comme une « assemblée consultative permettant de recaser les amis du pouvoir en panne de mandat ou d’emploi ». C’est dire le peu de considération que nous pouvons avoir pour ce « machin » qui est incontestablement budgétivore (37,45 millions d’euros en 2011) pour un rendement parfaitement ridicule.

L’Afrique francophone a, majoritairement, adopté cette institution et, souvent, y a nommé des personnalités de premier plan. Mais, là encore, au-delà des moyens financiers et humains, il y a un manque de lisibilité des réflexions et des actions menées. C’est d’autant plus dommageable que l’on ne cesse d’évoquer la montée en puissance des « sociétés civiles », des « forces vives de la Nation », etc. dans la vie des Etats modernes. Il y a, au sein des CES, un travail de réflexion et d’information à assurer et qui ne semble pas l’être. Du même coup, les CES donnent l’impression de ne servir, effectivement, qu’à « recaser les amis du pouvoir ».

Au Burkina Faso, le Conseil révolutionnaire économique et social (CRES) a été créé le 25 février 1985 ; il prenait la suite du premier Conseil économique et social (CES) institué le 19 mai 1959, réorganisé en 1960 et 1962 avant de disparaître en 1966. Le CRES, quant à lui, était conçu dans la perspective du « développement participatif » prôné par la « Révolution du 4 août 1983 » et se voulait un « organe consultatif et de réflexion » en matière économique, sociale et culturelle. Le CRES était une « institution d’aide à la prise de décision gouvernementale ». En 1992, son appellation a été changée ; il est devenu tout simplement le CES et en 1993, dans la perspective de la création d’une deuxième chambre, ses missions et sa composition ont été révisées. Depuis sa re-création en 1985, il y a eu sept présidents : Kader Cissé ; Youssouf Ouédraogo ; Frédéric Korsaga ; Philippe Ouédraogo ; Zéphirin Diabré ; Juliette Bonkoungou ; Thomas Sanon.

Au lendemain de la « Révolution » puis au temps de la « Rectification », le CRES, devenu CES, était une institution animée par des jeunes cadres qui entendaient y faire la démonstration de leur capacité de réflexion et d’organisation. A la suite de la mise en place effective des institutions « démocratiques », il a perdu de son impact et, plus encore, de sa lisibilité. Sanon en était le président depuis plus de huit ans (10 novembre 2003). Il avait alors 56 ans et une longue carrière de « manager » (CFDT puis Sofitex de 1970 à 1987, DG de la CNSS en 1988-1989) et un parcours politique particulièrement dense : ministre de 1989 à 1997, député en 1992, 1997 et 2002, ambassadeur à Vienne (1998-2002). Quand, en 2003, Sanon avait été installé à la présidence du CES, le président Blaise Compaoré avait rappelé que sa mission était « d’assurer au profit de l’Etat républicain une fonction de veille et de conception en menant des actions de créativité et d’anticipation et en engageant sur les différentes problématiques du développement une véritable réflexion prospective ». Je ne suis pas certain que cette mission ait été accomplie et la consultation du site officiel du CES me laisse encore plus circonspect.

J’ai bien connu quelques uns des présidents du CES, avant ou alors qu’ils aient été en fonction. Youssouf Ouédraogo, Frédéric Korsaga, Philippe Ouédraogo, Zéphirin Diabré, Thomas Sanon. Ils ne manquaient pas de qualités intellectuelles et politiques (la meilleure preuve en est qu’ils ont tous, à leur actif, une carrière remarquable). Mais très peu sont parvenus à sortir le CRES puis le CES du ronron qui caractérise, trop souvent, les organisations bureaucratiques. Voilà Paramanga Ernest Yonli, qui a dû céder son poste d’ambassadeur à Washington, promu à la présidence de l’institution. On pensera, tout d’abord, qu’il s’agit d’un recasage. On peut espérer que, du fait de son parcours et de son expérience, il soit l’homme de la réémergence du CES non seulement sur la scène politique burkinabè mais au plan africain. Du 1er au 3 juin 2010, à Ouagadougou, s’était tenu l’atelier régional des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique (UCESA) dont le thème de travail avait été : « Renforcer le rôle des Conseils économiques et sociaux pour le développement des politiques économiques et sociales ». Je ne suis pas convaincu que ces travaux aient effectivement débouché sur des actions concrètes et que les CES africains aient une visibilité accrue.

Yonli apporte son nom, son savoir-faire, son expérience internationale et ses ambitions politiques au CES burkinabè. Ancien premier ministre, ancien ambassadeur aux Etats-Unis, on peut espérer qu’il va lui permettre de se repositionner comme un véritable think tank. Conseiller politique du CDP, le parti présidentiel, Yonli est à un âge (56 ans) qui lui laisse encore espérer beaucoup de perspectives politiques nationales ; le CES peut-être pour lui un formidable outil de communication politique, économique et sociale. Plus encore compte tenu de son ancrage social et familial au Burkina Faso.

Né en 1956, originaire de Tansarga, dans la province de la Tapoa (extrême Est du pays, à 25 kilomètres au Sud de la capitale provinciale : Diapaga), en pays gourmantché, Yonli a fait ses études en Haute-Volta puis au Togo et en France. Economiste du développement, c’est à Paris qu’il va rencontrer la jeune Kadidiatou, sa cadette de quelques années qui étudie le droit à l’Université Paris-XIII. Yonli est déjà engagé dans le combat politique : il milite au sein de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), qui n’a plus alors son aura des années 1950-1960, mais c’est au sein de l’Association des étudiants voltaïques en France qu’il peut parler déjà de révolution alors que Ouagadougou était confronté à un nouveau coup d’Etat militaire.

Le 25 novembre 1980, le colonel Saye Zerbo a pris le pouvoir et un Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) a été mis en place. Pour beaucoup, c’était un soulagement après les années de règne du général Sangoulé Lamizana (au pouvoir depuis 1966). Saye Zerbo n’est pas qu’un officier supérieur ; il a été ministre des Affaires étrangères en 1974. Cependant, il ne va diriger la Haute-Volta que pendant deux ans (il sera renversé le 7 novembre 1982), mais va marquer durablement l’histoire de son pays : c’est lui qui, en septembre 1981, a fait entrer dans le gouvernement le capitaine Thomas Sankara auquel il a confié le portefeuille de secrétaire d’Etat à l’Information. Après son renversement, la Haute-Volta entrera dans une période de fortes perturbations politiques qui aboutiront à la « Révolution du 4 août 1983 ».

Le coup d’Etat du 7 novembre 1982 va bouleverser la vie de Kadidiatou. Elle est la fille du colonel Saye Zerbo. Son père a été mis aux arrêts. Elle stoppe ses études de droit pour une formation courte lui permettant de trouver rapidement un emploi : elle sera secrétaire de direction. Le jeune couple rentre au Burkina Faso en 1986. La scène politique est plus que jamais en effervescence : « La Révolution dévore les révolutionnaires ».

Le 15 octobre 1987, le Burkina Faso, sous la conduite de Blaise Compaoré, entre dans l’ère du « Front populaire » puis de la « Rectification ». En 1989, Yonli, qui milite dans un de ces groupuscules qui pullulent alors à Ouaga, va rejoindre l’Organisation pour la démocratie et le progrès/Mouvement du travail (ODP/MT). En février 1996, l’ODP/MT, encore très imprégnée d’idéologie révolutionnaire, va donner naissance, par fusion avec quelques groupuscules, au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) dont Yonli sera, par la suite, membre du secrétariat exécutif national.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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