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Béatrice Damiba, président du Conseil supérieur de la communication : « Nous allons approfondir la réflexion pour adapter la régulation à la situation actuelle »

Publié le lundi 16 avril 2012 à 10h25min

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Reconduite à la tête du Conseil supérieur de la communication (CSC) après un premier mandat fructueux de trois ans, Béatrice Damiba veut, avec la nouvelle équipe du CSC, aller plus loin, voler plus haut dans sa contribution à l’épanouissement de la liberté de presse, d’expression et de la démocratie au Burkina Faso. Pour ce faire, la présidente Damiba entend tout mettre en œuvre pour relever les nombreux défis qui se présentent à son institution.

Ces défis sont entre autres : constitutionnalisation du CSC ; adoption par l’Assemblée nationale de trois nouveaux textes devant régir respectivement la presse écrite, la presse audiovisuelle et le secteur de la publicité ; étude sur l’audience des médias ; réadaptation de la régulation au contexte national ; passage de l’analogique au numérique au niveau de l’audiovisuel et situation des médias en ligne dans le pays. De tous ces chantiers, dont beaucoup ont été hérités de ses prédécesseurs, ‘’Tanti Béa’’ comme on l’appelle affectueusement dans certains milieux, nous en parle, calmement, posément et même avec pédagogie, n’hésitant pas quelque fois à se mettre dans la posture de mère de famille pour mieux se faire comprendre. Grand entretien exclusif.

Lefaso.net : Le conseil des ministres à sa séance du 28 mars 2012 a renouvelé votre mandat de conseiller du CSC et vous a reconduit dans vos fonctions de présidente de l’institution. Comment avez-vous perçu cela ?

Béatrice Damiba : J’ai perçu cela d’abord comme un honneur et une confiance renouvelée. Mais également comme de nouvelles charges, une nouvelle responsabilité et de nouveaux défis à relever.

Peut-on parler de prime à vos actions depuis que vous êtes en poste ?

Je n’en sais rien. Il y a quelqu’un qui procède à la désignation, à la nomination des personnes composant le collège du Conseil supérieur de la communication dont la présidente que je suis. Je suis dans la continuité. Je suis venue après deux autres présidents qui m’ont précédé à la tête de l’institution. Après moi, certainement, il y en aura d’autres. Je considère cela donc comme une part de contribution qu’on me demande au renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et de contribution au renforcement de la liberté de presse et d’expression au Burkina Faso.

Si on a jugé nécessaire de vous reconduire dans vos fonctions, c’est que quelque part vous avez fait du bon travail. Brièvement, quels sont les grands acquis de votre premier mandat à la tête du CSC ?

A entendre les échos de ceux qui nous observent, de toutes les classes catégories confondues, en effet je pense que notre bilan n’est pas mauvais. Mais, je suis quelqu’un qui cherche toujours la perfection, qui recherche l’excellence. Donc, on ne s’arrête jamais. Même en bon chemin, il faut continuer et essayer de faire mieux, de faire plus, d’aller plus loin, de voler plus haut. Quand je suis arrivée, j’ai trouvé un bilan déjà largement positif de mes prédécesseurs et en particulier de mon prédécesseur immédiat (NDLR : Luc Adolphe Tiao, actuel Premier ministre). Je me suis inscrite dans la continuité mais également dans l’innovation et dans des plus values à ajouter. Du point de vue de la continuité je suis venue trouver quelques chantiers dont les plus importants au plan national étaient l’élaboration et la signature en vue d’une convention collective devant régir les rapports entre les travailleurs des médias privés commerciaux en particulier et le patronat de ces mêmes entreprises de presse. Il fallait mener les négociations à bien et obtenir la signature de ladite convention. Je me suis jetée dans ces négociations que j’ai supervisées à corps perdu. Et dès janvier 2009 cette convention collective était officiellement et solennellement signée à la grande satisfaction du monde des médias qui l’attendait depuis des années.

Le deuxième grand chantier que j’ai trouvé et que j’ai fait aboutir était l’adoption d’une carte de presse et d’un laisser passer au plan national. Des échanges avaient déjà commencé et j’ai aussitôt réorganisé le comité de travail et j’ai là aussi coordonné et supervisé les discussions qui ont abouti au mois de mai 2009 à l’adoption d’une carte de presse et d’un laisser passer pour les journalistes, les animateurs des médias publics et privés du Burkina Faso et là aussi à la grande satisfaction des acteurs du secteur qui attendaient depuis des décennies de tels documents qui n’existaient pas, autrement que de documents particuliers dans certains médias publics ou privés. Au plan national, c’étaient les deux grands dossiers que j’ai trouvés et que j’ai menés à bien dès le premier semestre de 2009.

Au plan africain et international, j’ai hérité de Luc Adolphe Tiao la double présidence du Réseau des instances africaines de régulation de la communication (RIARC) et du Réseau francophone des régulateurs des médias.

Le Burkina Faso a assumé cette double présidence de juillet 2007 à novembre 2009. J’ai pris ces charges à mi-parcours et je les ai conduites jusqu’à novembre 2009 où le Maroc a pris le relai. Ici aussi c’étaient des défis à relever parce qu’on avait confié au Burkina un certain nombre d’actions à mener au niveau du RIARC parmi lesquelles l’accréditation au niveau de l’Union africaine que j’ai réussi à le faire, des études d’audits à réaliser et que nous avons pu mener à bien. Et au niveau du Réseau francophone des régulateurs des médias, il s’agissait de la toute première présidence, puisque l’institution avait été créée à Ouagadougou en juillet 2007. Au moment où j’ai passé la main à mon homologue du Maroc, tous les présidents des institutions et des instances membres des deux réseaux nous ont félicités pour le dynamisme de cette double présidence. Bref, je ne cite que les choses les plus importantes. Sinon, il y a eu aussi dans une approche pédagogique l’encadrement, la formation, et les visites des médias.

Tout n’a certainement pas été rose au cours du mandat passé. Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées ?


C’est peut-être le propre du Burkina, mais nous n’avons pas toujours les moyens de notre politique, en termes de moyens financiers, de moyens matériels et même de moyens humains. Mais, nous essayons avec une bonne méthodologique de travail, une rigueur, un contrôle de tous les instants de maximiser les ressources mises à notre disposition pour ce gigantesque travail. Comme pratiquement toutes les instances de régulations, nous avons aussi affaire à un terrain où le professionnalisme n’est pas toujours au rendez-vous au niveau des médias ; ce qui est souvent source d’insuffisances. C’est pourquoi, nous privilégions l’approche pédagogique.

Il faut à la fois réguler et former. Il faut former les gens, les accompagner et contribuer à leur professionnalisation. Cela est d’autant plus nécessaire que l’environnement de notre population reste encore largement analphabète et nous devons en tenir compte aussi dans l’octroi des fréquences et dans les autorisations d’exploitation des radios, notamment de proximité qui permettent de toucher le maximum de citoyens dans leurs langues, beaucoup ne comprenant pas le français et les émissions de la RTB n’étant pas accessibles sur tout le territoire national.

Par ailleurs, nous constatons que nous faisons de la régulation là où il n’y a pas suffisamment d’autorégulation, c’est-à-dire de la régulation par les pairs. Les médias ne s’autorégulent pas assez et il n’y a pas en face du CSC de structure autonome qui fasse de l’autorégulation. Ce qui fait que tout revient au niveau du CSC. Nous appelons donc de nos vœux la création de telle structure et la mise en place de telles cellules au niveau des médias pour alléger aussi notre travail.

Ces insuffisances expliqueraient-elles les auditions ou suspensions d’émissions auxquels des médias sont quelques fois soumis ?

Tout à fait. Nous constatons au fil des auditions que nous organisons avant les médias que le plus souvent, quand les gens sortent des auditions, ils ont appris quelque chose de plus qu’ils ne savaient pas avant. Ce qui veut dire que bon nombre d’erreurs, de manquements le sont du fait d’une certaine ignorance de dispositions de loi ou de règlement. Beaucoup de fautes sont donc faites de bonne foi. Ce qui fait qu’il y a effectivement des circonstances atténuantes à ce genre de manquements.

Apparemment, vous n’êtes pas toujours bien compris et il vous est quelque fois arrivé d’être taxés de gendarmes…

Quand on nous traite de gendarmes, ça me fait sourire parce nous ne faisons pas du tout les gendarmes. Si on faisait les gendarmes, on prendrait plus souvent des sanctions qu’on ne le fait vraiment. Je peux dire que, pratiquement trois fois sur quatre quand nous sommes amenés à examiner des dossiers de saisine ou d’auto-saisine, nous décidons même de ne pas donner de suite. Mais, les gens ne le savent pas forcément. Nous pesons le pour et le contre, nous n’intervenons et nous ne sanctionnons que quand nous estimons que c’est suffisamment grave. Quelque fois même un appel téléphonique suffit ou une simple lettre. Je pense que nous n’exagérons pas avec le bâton, pour ne pas dire en fait qu’on n’utilise pas le bâton. Mais, qui aime bien, châtie bien. Si vous aimez bien aux enfants, vous devriez aussi leur faire des remontrances et vous ne devriez pas que leur donner des biscuits parce que c’est pour leur bien. Et quelque fois, je me positionne comme ça en mère de famille et m’inscris dans cette approche là.

Ces allégations ne sont-elles pas aussi dues au fait que vous êtes nommée par la Présidence du Faso ?

Oui, il y en a qui disent qu’ils ne sont pas d’accord avec le mode de nomination. Mais, dans la plupart des pays, c’est comme ça que les choses se passent. Une institution comme le CSC ne tombe pas du ciel. C’est une institution de la République. Le Burkina Faso est une République, est un Etat de droit. L’Etat se fonde et est basé sur quelques piliers que constituent les institutions, fiables, durables. Et en général, à la tête de ces institutions, il y a nomination par décret.

Mais, ce que les gens oublient, c’est que, d’où qu’on vienne, dès lors qu’on est nommé membre du collège et qui plus est, président du CSC, on prête serment. Ce serment nous impose de nous mettre au-dessus de la mêlée. On est donc au-dessus des positions partisanes. On n’a pas de parti pris, on doit être neutre, impartial. On doit délibérer et traiter les dossiers avec objectivité. Vis-à-vis des partis politiques, des organisations de la société civile, nous prônons l’équité et l’équilibre dans notre presse plurielle. Et pendant les périodes électorales, chacun sait que nous nous attachons à promouvoir l’égal accès aux médias publics par les candidats et par les partis politiques. Nous ne devons donc pas faire transparaître nos opinions et croyances une fois que nous sommes au sein de ce collège. Et aujourd’hui je défie quiconque de pouvoir dire que nous traitons les dossiers avec une certaine coloration. Vraiment, ce n’est pas le cas.

Vous avez tantôt évoqué la convention collective qui est l’un des acquis majeurs de votre premier mandat. Qu’est-ce qui explique qu’elle ne soit pas encore appliquée trois ans après sa signature ?

Quels sont les critères qui vous font dire que ce n’est pas appliqué ? Nous sommes en train de faire le point sur l’application de la convention collective par les parties prenantes. Le CSC n’est partie à la convention et je dois le rappeler. Nous ne sommes pas signataire. Nous sommes seulement un accompagnateur des parties signataires qui sont d’un côté les patrons de presse, de l’autre les associations professionnelles de journalistes et puis dans une certaine mesure le gouvernement représenté par le ministère en charge du travail. Nous sommes en train de faire une évaluation qui n’est pas encore terminée pour savoir ce qui a pu être fait d’une part par l’Etat et d’autre part par les médias eux-mêmes.

Contrairement à ce que l’opinion pense généralement et affirme sans aucune preuve, je pense que beaucoup de médias ont fait des efforts de mise en œuvre, d’application autant qu’ils le peuvent du contenu des dispositions de cette convention. Je dis autant qu’ils le peuvent parce qu’il y a aussi une part effectivement de l’Etat. C’est ainsi qu’en 2010, dans sa loi de finance l’Etat avait pris des mesures pour lever les taxes à l’importation d’un certain nombre de matériels presse dont la liste avait été établie. Maintenant, le souhait, c’est que cela puisse devenir une mesure habituelle et même renforcée par d’autres. Un livre blanc avait été rédigé et que par mes soins les parties prenantes avaient pu envoyer au gouvernement. A l’heure actuelle on n’a pas de retour de ce livre blanc. Mais, justement au moment où nous sommes en train de faire l’évaluation, on verra ce qui a pu être fait ou ce qui va pouvoir être fait de la part de l’Etat. Mais, je pense qu’on est dans une dynamique de mise en œuvre de cette convention parce qu’il ne faut pas oublier que les syndicats, les associations de travailleurs qui ont signé cette convention ne dorment pas. Ils veillent et ils font des pressions pour obtenir l’application de cette convention. Je ne pense pas qu’on est à la case zéro.

Vous avez parlé aussi de l’acquis de la carte de presse. Mais, les mesures d’accompagnement se font toujours attendre…

Là aussi, le CSC n’est pas partie prenante, même si le CSC a été accompagnateur. Le comité technique de la carte de presse est indépendant. Il travaille en toute indépendante et je n’ai jamais pris part à aucune de ses réunions. Le comité technique de la carte de presse est composé des représentants des associations de travailleurs, des associations des patrons de presse. Il y a deux représentants du ministère de la communication. Il comprend deux représentants du CSC mais qui travaillent en toute indépendante au sein de ce comité. Et c’est ce comité qui s’est organisé pour négocier avec certains partenaires potentiels des avantages qui pourraient être attachés à la carte de presse ou au laisser passer. Il y a un certain nombre d’engagements qui ne sont peut-être pas encore tout à fait formalisés pour autant que je le sache mais je me dis que dans les mois à venir ce sont des choses qui pourraient être concrétisés si le comité est assez vigilant, reste dynamique voire « agressif » dans ses contacts.

Le Burkina Faso a été secoué au premier semestre de l’année 2011 par une crise sociopolitique. Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés avec cette crise ?

C’est vrai que cette crise a touché aussi le secteur des médias. En ce qui nous concerne, nous avons prôné, cela était de notre devoir, la paix. Faire en sorte que les médias soient des acteurs de la paix plutôt que des médias qui puissent contribuer à mettre de l’huile sur le feu ou exacerber le conflit. Nous avons lancé donc plusieurs appels à l’endroit des médias pour leur demander de jouer plutôt le rôle d’apaisement. Nous avons organisé des sorties sur le terrain pour rendre visite aux médias à travers l’ensemble du pays pour évaluer le niveau de dégâts ou d’agressions qu’ils ont pu subir, les réconforter, les encourager, et aussi les donner des conseils dans le traitement de l’information en période de crise.

Au total, nous avons essayé de jouer ce rôle là et nous avons déploré que certains médias aient été attaqués et même saccagés, que de studios de radios y compris privés aient pu être envahis dans certains endroits par les manifestants ou que même de outils de travail comme les caméras aient pu être retirés par des manifestants. Mais, nous nous disons que c’était une période vraiment pas comme les autres. Ce que les médias ont subi, l’ensemble des populations l’ont aussi subi. Mais, de tout ça, il faut surtout retenir que ça puisse servir aussi d’école et de leçons si toutefois ça devait se reproduire. C’est-à-dire que dans toute crise il faut surtout savoir tirer ce qui peut être positif pour l’avenir. Je pense que l’ensemble des médias, des journalistes de ce pays qui n’avaient jamais vécu une telle situation ont pu faire une expérience, aussi amère soit-elle, mais qui vient comme contribution à leur formation et au renforcement de leur base pour l’avenir.

Le pays se prépare à aller à ses premières élections couplées. Quelle est la stratégie envisagée par votre institution pour jouer pleinement sa partition dans la réussite de cet événement majeur pour l’approfondissement du processus démocratique Burkinabè ?

Le CSC a quand même une longue expérience de gestion de la couverture médiatique des scrutins au Burkina Faso. Si je n’abuse, les prochaines élections couplées vont constituer la neuvième fois que le CSC gère la couverture médiatique de scrutins au Burkina Faso. Sur la base de cette longue expérience, nous allons nous organiser, nous avons déjà adopté une feuille de route et nous avons également déjà adopté un budget à notre niveau. Nous pensons que dès la reprise de septembre nous allons pouvons accélérer la mise en œuvre de cette feuille de route qui consistera à nous associer tous les médias privés qui souhaiteraient accompagner la campagne et l’élection par des émissions.

Nous allons également renforcer la présence du CSC sur le territoire national pour être au plus près possible des médias qui auront besoin de notre présence pour s’acquitter de leurs tâches de cette période particulière. Nous allons devoir recruter quelques renforts pour cette période là. Nous allons comme d’habitude obtenir de l’Etat une subvention pour distribuer aux médias publics et privés pour leur permettre de mieux s’outiller en équipements notamment pour mieux faire leur travail. Nous allons concevoir avec la télé nationale, la radio nationale et le journal Sidwaya des émissions spéciales, des pages spéciales, des cadres spéciaux donc que nous allons offrir aux partis en lice pour ces élections à venir.

Au-delà des élections couplées, quelles sont vos principales ambitions de votre nouvelle équipe ?

La nouvelle équipe va poursuivre ce qui n’a pas été achevé et va, comme nous l’avons fait il y a trois ans, ouvrir sans doute d’autres nouveaux chantiers. Ce qui est à poursuivre en ce moment, prioritairement, c’est l’adoption par l’Assemblée nationale, nous l’espérons au cours de cette année, de trois avant- projets de loi : loi relative à la presse écrite qui est en réalité la révision du Code de l’information ; loi relative à la publicité qui est là aussi la révision du Code actuel de la publicité et une troisième nouvelle loi relative à l’audiovisuelle parce que cela n’existait. Nous avons travaillé avec nos partenaires du secteur de la communication et même avec d’autres partenaires. En 2011 nous avons pu valider à notre niveau ces avant- projets de loi que nous avons envoyés au niveau du gouvernement qui devrait regarder et les soumettre à son tour à l’Assemblée nationale.

Nous avions espéré que l’Assemblée pourrait les examiner dans la présente session mais, apparemment, ça ne sera pas le cas parce que ces avant projets de loi n’ont pas encore quitté la table du gouvernement. Mais, nous ne désespérons pas s’il y avait une session spéciale avant la fin de cette année que ces textes puissent être adoptés parce que dans le monde des médias on les attend impatiemment. Vu qu’ils viendront résoudre un certain nombre de situations, de retards par rapport à l’évolution technologique sur le terrain, par rapport à l’explosion, au boom des médias au Burkina et par rapport à l’évolution effective de la liberté de presse. En particulier, ces textes devraient consacrer entre autres la dépénalisation des délits de presse. Je pense que cela est très attendu et une meilleure définition également du journaliste professionnel parmi tant d’autres.
En outre, nous devons poursuivre le projet de constitutionnalisation du CSC. Nous avons pu faire un plaidoyer qui a abouti à l’acceptation par le CCRP (NDLR : Conseil consultatif sur les réformes politiques) de la constitutionnalisation du CSC.

Parallèlement, comme cela se doit, une fois le CSC constitutionnalisé, il faut une nouvelle loi qui n’est plus ordinaire mais organique. Nous avons déjà élaboré l’avant projet de loi organique qui devra être la conséquence de la constitutionnalisation du CSC. Constitutionnalisation et nouvelle loi organique qui permettront au CSC d’avoir un meilleur ancrage institutionnel au niveau national et une plus grande visibilité également au niveau national comme au niveau international parce qu’il aura aussi gagné en harmonisation avec les autres institutions similaires de la sous région qui sont déjà constitutionnalisés. Entre autres, nous poursuivons la permanence des conseillers qui actuellement ne le sont pas. En dehors de la présidente, tous les autres conseillers sont dans des administrations différentes et ne viennent au CSC que pour des activités. Une disponibilité limitée qui ne leur permet pas vraiment de contribuer quotidiennement à la vie et au fonctionnement de l’institution. Nous espérons qu’au sortir de l’adoption de la nouvelle Constitution et de la nouvelle loi, les choses iront mieux. Mais, en attendant, nous continuons de nous battre pour une meilleure organisation du secteur et pour une réadaptation continue de la régulation aux réalités du Burkina Faso.

L’autre dossier prioritaire pour l’actuelle équipe et qui est aussi une poursuite des dossiers laissés par l’ancienne équipe, c’est la numérisation, c’est-à-dire le passage de l’analogique au numérique, puisque l’Union internationale des télécommunications a décidé qu’à l’échéance de 2015, pour l’UHF, et en 2020 pour le VHF, tous les pays devraient basculer sur le mode numérique. Nous avons eu à organiser en 2010 un séminaire atelier sur cette question pour sensibiliser à la fois les acteurs, les operateurs du domaine de la communication, mais également les décideurs et les importateurs de matériels audiovisuels. Il s’agit pour la télévision de passer d’émissions en analogique à des émissions en numérique. Nous sommes dans ce processus. Le CSC est membre du comité de pilotage à cet effet qui est présidé par le Premier ministre et qui est composé aussi de l’ARCEP, du ministère en charge du numérique, du ministère de la communication, et du ministère des Finances.

Il y a un plan d’actions qui a été adopté et qui doit nous conduire progressivement à ce passage cent pour cent numérique en 2015. C’est vraiment quelque chose de très important et le CSC a un rôle particulier dans cette transition. C’est de faire la campagne d’information et de sensibilisation pour que même le simple utilisateur, le simple téléspectateur, celui qui possède un téléviseur à la maison soit suffisamment informé pour être à ce rendez-vous puisqu’il faudra qu’il puisse investir dans un nouveau matériel, que celui qui importe, importe ce dont on a besoin ; et que celui qui manipule, apprenne à mieux manipuler. Le CSC a particulièrement pour tâche cette partie du travail qui est de faire une campagne tous azimuts d’information et de sensibilisation sur la transition.

Parlant de numérisation, le Burkina Faso a enregistré ces derniers temps la naissance de beaucoup de médias en ligne. Mais, contrairement aux médias classiques, ces organes ne bénéficient pas encore de soutien, ni de subventions publiques. Est-ce qu’il n’est pas aussi bon qu’on aille vers le soutien à ces médias qui participent à l’information des populations ?

Tout à fait. Nous y avons pensé et je crois que vous nous avez aidés à y penser, puisque maintenant les futurs textes constatent l’existence de médias en ligne. Il n’y a pas de raison qu’on ne tienne pas compte de ces médias par rapport à un certain nombre de choses, à commencer par les agrafes lors des décorations. On a dit qu’il faudra désormais qu’on tienne compte de leur existence et prévoir l’agrafe médias en ligne. Mais, il faudra également qu’on en tienne compte pour la subvention ordinaire de l’Etat aux médias privés et pour la subvention spéciale de l’Etat aux médias lors des scrutins. Je pense que désormais les médias en ligne sont dans le paysage médiatique national et il n’y a pas de raison qu’on les laisse en marge.

Et vos nouveaux chantiers ?

En termes de nouveaux chantiers, nous allons ouvrir de nouvelles représentations du CSC à l’intérieur du Burkina. Actuellement, nous n’avons que Bobo comme structure décentralisée et déconcentrée. Notre objectif, c’est d’avoir donc d’autres représentations dans le pays. Nous pensons à Fada comme prochaine représentation. Peut-être plus tard Ouahigouya ou Koudougou et ainsi de suite. Nous n’avons pas l’ambition de couvrir 13 régions, mais nous allons avoir des délégations qui regrouperont plusieurs régions à la fois. Nous allons aussi ouvrir une réflexion approfondie pour peut-être revoir les approches de la régulation pour l’adapter à la situation actuelle. L’autre nouveau chantier, c’est une étude d’audience de médias au Burkina. Cela nous permettra de savoir l’impact des médias sur l’opinion publique nationale, leur audience auprès de cette opinion. Parallèlement cela pourrait aider énormément les publicitaires et les annonceurs qui pourraient savoir où faire quoi. Cela est important parce qu’on ne peut pas continuer à naviguer à vue. C’est donc un des grands dossiers que nous allons ouvrir. Nous avons déjà engagé un processus et bientôt l’étude va commencer.

Vous avez évoqué la lutte qui est mené pour obtenir la permanence des conseillers. Mais, il y a certainement les conditions de travail et de vie des agents du CSC qu’il faudrait améliorer…

Oui, vous parlez de nos agents de l’Administration parce que le CSC est composé d’une part du collège des conseillers et d’autre part des agents de l’Administration. Vous faites bien de soulever la question, peut-être j’aurais dû le dire dès le début. Parmi les résultats que j’ai pu obtenir avec l’équipe sortante, figure quand même l’amélioration des conditions de vie et de travail non seulement des conseillers mais également des agents de l’Administration en arrachant quelques indemnités et autres avantages qui n’existaient pas. Mais, en termes d’avantages, il faut toujours se battre pour les améliorer. Et nous sommes en train de procéder à la relecture du statut du personnel de l’Administration et on verra dans quelle mesure on pourrait améliorer également un certain nombre de choses. Il y a aussi un comité qui a été mis en place pour évaluer la situation et envisager des propositions de mesures d’accompagnement pour la future loi organique qui va régir le CSC.

Beaucoup de choses sont en train de se faire parce qu’ici nous sommes toujours en bouillonnement, nous sommes comme dans une fourmilière, tout le monde travaille tout le temps. Le slogan qui est comme pour nous un cri de guerre que j’ai lancé dès mon arrivée, c’était travailler vite et bien. Je pense que tout le monde y a adhéré et tout le monde essaie de travailler vite et bien. Même s’il arrive que ça ne soit pas suffisamment vite ou que ça ne soit pas suffisamment bien ; en tout cas je pense que tout le monde y a adhéré et nous avons pu passer depuis ces quatre dernières années à une vitesse supérieure.

Interview réalisée par Grégoire B. BAZIE
Photos : Bonaventure PARE
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