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Industries extractives burkinabè : L’ITIE sonne la cloche de la transparence à Perkoa et à Bana

Publié le mardi 20 mars 2012 à 14h16min

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L’initiative pour la transparence dans les industries extractives du Burkina Faso (ITIE-BF) continue de tisser sa toile dans les localités qui abritent des sites miniers. Les 14 et 15 mars derniers, les populations riveraines des sites miniers de Perkoa dans la province du Sanguié et Bana dans les Balé ont accueilli une de ses équipes. Comme dans les autres localités, la genèse de l’initiative et son premier rapport ont été communiqués aux populations dans une démarche participative.

En l’espace d’une demi-journée, le tamarinier devant la cour du chef de Perkoa été l’arbre à palabre entre l’ITIE-BF et les populations riveraines du site minier de Perkoa, exploité par Nantou Mining. Cette rencontre très amicale et empreinte de parenté à plaisanterie a permis une communication fructueuse sur le 1er rapport de l’ITIE-BF et la sensibilisation sur le rôle des populations pour assurer la transparence dans les ressources qui sortent de leur terre. Le site minier de Perkoa est particulier en ce qu’il ne produit pas de l’or mais le Zinc, le plomb et de l’argent. N’empêche, ce sont des richesses tirées du sous-sol et produisent des ressources financières conséquentes, de ce fait font parties du champ d’action de l’ITIE-Burkina.

La société minière Nantou mining a dépêché une équipe pour participer à la rencontre tout comme SEMAFO l’a fait à Bagassi, une des cinq communes (Bana, Kona, Yaho, Pompoï) qui abrite le site minier. C’est la mairie de Bagassi qui a servi de cadre à la rencontre.

La mission a porté sur deux axes : la présentation du premier rapport qui fait l’état des ressources financières que les sociétés ont déclarées avoir versées à l’Etat et ce que ce dernier déclare avoir reçu ainsi que l’historique de l’ITIE depuis l’international jusqu’au Burkina où le processus suit son cours. L’écart de 49.470.662 FCFA des 14 714 671 500 F CFA payés par SOMITA, BMC, Kalsakamining et SEMAFO en 2009 et que les régies financières de l’Etat n’ont pas déclarées, a été le point d’achoppement à Perkoa et à Bana. Les populations qui n’ont pas « gobé » les tentatives d’explication de ces écarts n’ont pas été avares en questions. SEMAFO quant à elle se dit étonnée de constater que toutes les recettes versées ne soient pas arrivées effectivement dans les caisses de l’Etat. « Les informations que nous avons envoyées à l’Etat sur les flux financiers ont été auditées par le vérificateur qui n’a pas trouvé de problème à notre niveau. Au niveau gouvernemental, s’il y a ces écarts, ça m’inquiète, pas seulement pour moi mais pour la communauté environnante et de façon générale, la population burkinabè. Mais je sais que le gouvernement met des mécanismes en place pour régler ces déviances » foi de Carl St-Jacques représentant de SEMAFO à la rencontre de Bagassi.

Pour Mme Ouédraogo Déborah intendante en finance comptabilité à Nantou mining, sa société qui n’a pas été prise en compte dans le premier rapport de l’ITIE est prête à fournir toutes les informations au consultant indépendant si toutefois Nantou mining devrait être concernée dans le 2è rapport. « On a déjà suivi des formations avec l’ITIE et nous sommes au courant de toutes les informations que nous devons donner, tout est disponible et nous sommes prêts » a-t-elle dit. Concernant le processus ITIE-BF, bien que n’étant pas encore « pays conforme » à cause des trois critères qui l’ont bloqué, le Burkina est un « pays très proche de la conformité » et les activités d’information et de sensibilisation contribueront à ouvrir les portes de la conformité avec le deuxième rapport en préparation.

Mettre chacun face à ses responsabilités

La mission de l’ITIE a révélé et comblé des carences en information aussi bien des
populations que leurs autorités locales. Elles ne comprennent pas pourquoi des milliards sortent de leurs terres alors que cela n’a pas d’impact réel sur le développement de leurs localités. « Ces ressources doivent d’abord nous profiter parce que c’est nous qui subissons les conséquences négatives de l’exploitation des minerais plus que les autres » a-t-on entendu à ces différentes rencontres. Mais selon les formateurs, les ressources sont d’abord nationales et les retombées issues de leurs exploitations doivent profiter à l’ensemble des populations au nom de l’unicité des caisses de l’Etat et par devoir de solidarité nationale même si les communes abritant les mines perçoivent 20% des taxes superficiaires, ce dont les autres communes ne bénéficient pas. Par ailleurs elles ont été invitées à s’organiser en vue de demander des comptes à l’Etat sur l’utilisation qui est faite des ressources minières. Arnaud Désiré Bado est étudiant et ressortissant de Perkoa. A l’entendre, « l’initiative est la bienvenue. La population à la base n’était pas au courant de l’existence de cette structure qui est venue nous donner une multitude d’informations. Les communautés à la base peuvent désormais revendiquer ce qui leur revient et c’est vraiment important.

Au niveau de la jeunesse des CVD (Ndlr : Conseil villageois de développement), des conseillers et autres, on va essayer de mettre en place un cadre de concertation pour revendiquer certaines choses. Nous sommes à mesure de le faire ». Même son de cloche avec Yason Gustave Yé, maire de la commune de Bagassi qui appelle par ailleurs les communes riveraines à se mettre ensemble pour mieux défendre leur droit. « On dit que l’union fait la force, mais les communes rurales surtout celles qui abritent les mines croient que c’est elles seules qui doivent être la priorité dans les retombées financières. C’est à nous de nous battre, nous comprendre et surtout nous organiser pour mieux défendre nos intérêts, sinon si on va en rang dispersé, on ne gagnera pas grand-chose ».
L’Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE), invitée par l’ITIE au nom des organisations de la société civile a, quant à elle, présenté les nouvelles règles ou exigences de l’ITIE à Bagassi. Ces nouvelles exigences mises en route depuis février 2011 ne bouleversent ni n’inventent de nouvelles règles mais apportent plus de précisions sur les anciennes pour plus de précision dans l’application. A travers un théâtre forum intitulé « clair de lune », « Ba Boanga » et sa « troupe de l’espoir » a une fois de plus traduit en pratique les malversations dans les ressources de l’or ainsi que la mission de l’ITIE.

Les populations de ces différents sites ont émis le vœu que l’ITIE-BF élargisse son champ d’action en faisant remonter par exemple les besoins et préoccupations de la base jusqu’au sommet. « Le Burkina a été déclaré pays très proche de la conformité, l’étape suprême de l’initiative. Nous nous battons d’abord pour avoir le statut de pays conforme, après nous pourrons adapter les TDR au contexte spécifique de notre pays comme d’autres l’ont fait » a répondu en substance les formateurs.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net


Deux questions à l’adjoint au maire de Réo, Adama Jean Baptiste
Adama Jean-Baptiste Moda est l’adjoint au maire de Réo

Il est également conseiller municipal du village de Perkoa qui abrite le site minier. En l’absence du maire, c’est lui qui a accueilli l’équipe de l’ITIE-BF dans son bureau avant que celle-ci ne se déporte à Perkoa où devrait avoir lieu la formation sur l’ITIE-BF et la présentation de son premier rapport. C’est un maire très occupé à régler les affaires courantes de la commune qui a par la suite rejoint Perkoa pour prendre part à la formation. Il nous livre dans ce bref entretien son appréciation de cette initiative et ses attentes pour les prochaines missions.

Lefaso.net : que pensez-vous de la campagne de sensibilisation de l’ITIE-BF ?

C’est une très bonne mission. Une mission d’information et de sensibilisation est toujours la bienvenue pour porter l’information à la base. Nous avons besoin d’une collaboration assez ouverte et franche entre les populations et les sociétés minières. Cette mission qui a consisté à faire le point entre ce que les mines payent à l’Etat et la gestion que l’Etat en fait pour que cela revienne d’une manière directe ou indirecte aux populations est louable.

Ce sont des informations qui sont à renforcer pour permettre aux populations d’avoir un comportement conséquent et d’entretenir des rapports de bonne collaboration avec les mines et avec lesquelles elles ne doivent pas être plus exigeantes qu’il ne le faut mais plutôt travailler à entretenir des relations de partenariat pour que l’un dans l’autre, la présence des mines en leur sein puisse leur profiter ; et aussi pour que la population soit l’accompagnant de la mine afin que sa mission soit accomplie et que les objectifs assignés puisse être atteints au bénéfice des uns et des autres.

Avec les informations reçues, pensez-vous que vos administrés vont désormais s’impliquer pour jouer leur rôle dans la transparence des ressources minières ?

Comme vous l’avez remarqué, on dirait que la population avait soif d’information au regard des questions, je pense qu’elle est même plus que décidée à renforcer ses rangs pour prendre en compte ce qui leur a été dit. Elle attend d’ailleurs que ces genres d’action puissent se répéter pour qu’elle soit plus éclairée afin de jouer sa partition en tant que société civile.
Pour les prochaines missions, il serait bon que l’ITIE prenne en compte les préoccupations des populations dans le sens de l’élargissement des aspects qui sont pris en compte déjà par le premier rapport pour voir s’il n’y a pas lieu d’insérer le désidérata des populations à travers la société civile qui pourrait se saisir de ces préoccupations pour négocier avec les deux autres parties .

Propos recueillis par TCS

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