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SENEGAL : Le vote religieux marchera-t-il ?

Publié le mardi 6 mars 2012 à 01h48min

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Il y a une anomalie dans la démocratie sénégalaise. Le vote religieux, qui consiste, pour un guide spirituel, à donner des consignes de vote à ses ouailles, tranche en effet avec la laïcité propre aux démocraties modernes. Certes, le Sénégal, musulman à 95%, ne peut ignorer la force politique que représente le clergé islamique. Mais de là à vouloir déterminer jusqu’au choix politique des fidèles, il y a sans doute un pas de trop que l’on franchit. Cette année, le fameux ndiguel (consigne de vote en wolof) n’a pas été lancé à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle, malgré la cour assidue dont ont été l’objet les guides religieux.

La situation sociopolitique explosive qui prévalait alors, a sans doute dissuadé bien des cheiks, serignes et autres khalifes, à prendre position publiquement pour l’un ou l’autre camp. Cette posture de prudence, de réserve, de neutralité et d’indépendance sera-t-elle à nouveau observée au cours du second tour ? Rien n’est moins sûr. Des guides religieux ont déjà provoqué un début de polémique, en appelant à voter pour le candidat Abdoulaye Wade. La grande question est de savoir si les talibés sauront, pour une fois, face aux enjeux du scrutin, s’affranchir de leurs maîtres religieux.

La tentation est grande pour nombre de fidèles qui sont d’abord des citoyens, de vouloir exercer leur devoir civique en toute liberté. Au-delà de leur appartenance à telle ou telle confrérie, c’est la conscience politique des Sénégalais qui est ici interpellée. Faire le bon choix, pour des lendemains meilleurs, tel est le sens du second tour. Car, sur la question du respect de l’Islam et des autorités religieuses, il ne viendrait à l’idée d’aucun des deux candidats d’y transiger. Ce n’est pas leur foi en l’Islam qui est en cause, mais leur capacité à diriger politiquement le Sénégal. La religion n’a donc en principe rien à voir dans le scrutin à venir. A y voir de près, dans le jeu des ndiguels, ce sont les pouvoirs maraboutique et politique qui s’allient pour diriger le pays, au détriment du peuple, considéré comme du bétail électoral.

Il est temps que les Sénégalais s’approprient leur démocratie, en ne laissant pas leur destin entre les mains d’une caste de privilégiés. Ils doivent comprendre que leur démocratie n’en serait plus belle que s’ils s’exprimaient dans les urnes en citoyens libres et conscients. Avec le vaste mouvement de contestation anti-Wade né ces derniers temps, on ne peut douter de la capacité des Sénégalais à un sursaut d’orgueil, pour sauver leur démocratie. Un vote libre, notamment des abstentionnistes, signerait peut-être l’arrêt de mort de ces ndiguels dignes d’un autre âge. En la matière, il y a de quoi se demander si Wade est un vrai démocrate. C’est en effet sous son règne que l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques a atteint son paroxysme. Sans dénier aux guides religieux leur rôle de leaders d’opinion, il est temps que soit érigée une barrière entre politique et réligion au Sénégal.

Ailleurs, ce genre d’amalgame a provoqué des drames. Un jour viendra où la minorité chrétienne commencera à se poser des questions sur son identité sénégalaise, face à la collusion entre le religieux et le politique. Pour le moment tel n’est pas le cas, ce qui est à l’honneur des minorités religieuses au Sénégal. Mais sait-on jamais. Il ne faut pas tenter le diable.

Mahorou KANAZOE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 6 mars 2012 à 11:45, par Garaudy En réponse à : SENEGAL : Le vote religieux marchera-t-il ?

    Ailleurs, ce sont les minorités qui font loi et gouvernent tandis que la majorité constitue le bétail électoral !!!
    Je me demande à quoi rime ce scénario dans une des plus grandes démocratie (France) lorsque tous les candidats sont obligés d’aller faire des courbettes devant une représentation d’une minorité ?
    Je me demande ce qui adviendra quand la majorité dans ces autres pays va commencer à réclamer comme les autres ?
    On dit que la démocratie est la loi de la majorité ou bien vous doutez que cette majorité puisse être à mesure de s’auto-déterminer ?

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